En mai dernier, IEB soumettait les partis à un catalogue de mesures sur lesquelles ils étaient invités à se prononcer. Allaient-ils défendre ces mesures à la table des négociations du prochain gouvernement ? A la veille des élections, ce sondage a fait l’objet d’une brève analyse communiquée par l’intermédiaire de la newsletter d’IEB.
Les élections sont désormais derrière nous. Reste à former un gouvernement et à le doter d’un programme. Un programme qu’IEB souhaite très volontariste, pour faire de Bruxelles une ville durable et solidaire.
Pour aider les Bruxellois et les partis à y voir plus clair sur les mesures qui rassemblent ainsi que sur celles qui divisent, IEB livre maintenant une analyse détaillée des résultats de son sondage.
A l’analyse globale de ces résultats, on peut distinguer deux clivages qui séparent les partis : un clivage politique entre les verts et les autres partis, mais aussi, si l’on excepte Groen, qui a un programme commun avec ECOLO, un clivage communautaire entre partis.
Le clivage politique a été sanctionné par le résultat des élections. IEB appelle donc les partis a respecter le signal émis par les électeurs et, toutes tendances confondues, à rapprocher leurs points de vue dans un projet commun tiré vers le haut : un véritable projet de ville durable et solidaire.
Le clivage communautaire est préoccupant. En quoi les préoccupations des habitants telles que l’amélioration de la qualité de la vie en ville, la qualité de l’espace public, des logements décents pour tous, moins de voitures et plus de transports collectifs, sont-elles marquées d’un point de vue communautaire ?
L’analyse proposée ici se base sur les réponses des partis les plus volontaristes en matière de défense de l’environnement. Ces partis représentent plus de 80% des votes exprimés. Ce sont les quatre principaux partis francophones.
IEB invite les partis bruxellois néerlandophones, dont la représentation est garantie au parlement (quel que soit leur poids réel en nombre de voix) et paritaire (en nombre de ministres) au gouvernement à se rapprocher des partis bruxellois francophones. Car en matière de logement, de mobilité, de défense de l’environnement, d’amélioration de la qualité de la vie, nous sommes tous des Bruxellois, sans distinction d’origine ou de culture.
Lire les 40 questions d’IEB aux partis politiques.
Sur les 39 mesures proposées par IEB :
L’analyse détaillée qui suit montre que parmi les 39 mesures proposées par IEB, 33 pourraient faire l’objet d’un accord politique. Ces mesures sont numérotées ci-après de 1 à 33. IEB espère que ces mesures comme ont une très forte probabilité de figurer dans le programme du prochain gouvernement. Nous faisons confiance à la sagesse des partenaires autour de la table de négociation pour faire preuve de bonne volonté dans la recherche de l’intérêt général.
Cinq mesures ne sont défendues que par un seul parti (pas toujours le même, d’ailleurs). Ces cinq mesures sont essentielles pour faire de Bruxelles demain une ville durable et solidaire. C’est pourquoi IEB insiste pour que ces mesures soient discutées à la table des négociations.
Ces mesures sont les suivantes :
Le lecteur intéressé trouvera l’analyse détaillée de ces cinq mesures, ainsi que l’opinion de chaque parti à ce propos au chapitre 4 de ce document.
La première mesure ne devrait souffrir d’aucune discussion. Au minimum, il s’agit d’interdire le cumul de la fonction de député régional avec une fonction exécutive (bourgmestre ou échevin) au niveau communal.
Pour les mesures 2 à 5, le débat doit au minimum être objectivé par une étude indépendante. Pour en garantir l’indépendance, IEB demande que les différents comités d’accompagnement chargés du suivi de ces études soient ouverts à la société civile.
Le résultat des élections est très explicite : les attentes des Bruxellois sont très grandes. Ils demandent :
IEB espère que la prochaine déclaration gouvernementale ne les décevra pas...
Les mesures suivantes ont obtenu 100% de votes positifs des 4 premiers partis FR, soit plus de 82% des votes exprimés.
1) Un nouveau PRD qui s’articule autour des défis social, démographique et environnemental
2) Un moratoire sur la construction de bureaux et un pacte bruxellois pour la mise à disposition massive (réquisition, reconversion, rénovation, construction) de logements sociaux et moyens
3) Un débat public sur les moyens dont s’est dotée récemment la Région : Agence de développement territorial, Bouwmeester
4) un plan de diminution progressive et rapide de la présence de publicité chez les opérateurs de transports publics et la recherche des pistes de financement alternatives durables
5) La création de logements de transit
6) La priorité aux transports en commun de surface de la STIB dans les aménagements de l’espace public consacré à la mobilité
7) La gratuité de la STIB pour les chômeurs
8) Un accord de coopération de promotion de la mobilité douce sur l’ensemble de la Zone RER
9) Imposition de la législation en vigueur (qui devrait être de plus en plus pénalisante) pour tous les parkings faisant l’objet d’un renouvellement de PE
10) Une analyse complète et rigoureuse des flux de marchandises
11) Préserver l’option de la fonction portuaire
12) Inclure explicitement la préservation de la biodiversité, des maillages bleus et verts dans l’ordonnance Permis d’Environnement
13) Mise en œuvre d’un plan de gestion pour l’ensemble des arbres présents sur le territoire bruxellois avec un agenda clair sur les interventions à opérer dans le temps
Les mesures suivantes ont recueilli une majorité de votes positifs.
14) 60% de gaz à effet de serre d’ici 2020 et zéro carbone en 2050
CDH contre : le CDH est partisan de l’engagement européen 20/20/20.
L’avis d’IEB : la position du CDH est particulièrement minimaliste puisqu’elle satisfait tout juste à l’engagement de la Belgique auprès de la communauté européenne. Londres s’est mis l’objectif de réduction de 60% pour l’horizon 2025 et Stockholm le zéro carbone pour 2050.
15) La mise à disposition du public de toutes les études commandées et financées par la région, les organismes para-régionaux ainsi que les entreprises d’économie mixte
PS contre : la question n’est pas suffisamment balisée, quel type d’études sont-elles visées ? Quid des études préliminaires, quid de la protection de la vie privée ?
L’avis d’IEB : il est vrai que certaines études contiennent des informations confidentielles (soit liées à la vie privée, soit liées au secret commercial). La publicité des études doit se faire dans le cadre du respect de la loi et les informations que la loi protège peuvent être extraites ou rendues illisibles.
16) Un moratoire sur la construction dans les zones d’intérêt écologique indispensables au maillage vert et bleu
PS contre : ce moratoire n’est pas nécessaire car le PRAS protègerait déjà ces zones.
L’avis d’IEB : certaines zones d’intérêt écologique ne sont pas protégées car ce sont des zones de fait et non de droit. Exemple : le Val d’or.
17) Un cadastre urbanistique et fiscal de tous les dispositifs publicitaires dans l’espace public et en attendant un moratoire sur l’affichage publicitaire
CDH contre : le CDH est pour le cadastre mais contre le moratoire.
L’avis d’IEB : cette position est contradictoire. Accepter un cadastre, c’est accepter le fait que le RRU est trop permissif. Il s’agit d’abord de reprendre le contrôle de la situation avant d’accepter l’implantation de nouvelles publicités. A cet égard, le contrat Villo doit être cassé et renégocié, en scindant les marchés de mobilité et de publicité, seul gage de transparence.
18) La création d’une étape de protection temporaire des biens ayant un intérêt patrimonial par l’inscription sur une Liste de Sauvegarde du patrimoine
PS contre : considère que la récente réforme du COBAT répond à cette préoccupation.
19) La création d’un certificat patrimoine à l’instar du certificat d’urbanisme
CDH contre : préfère une meilleure coordination entre les administrations (urbanisme et patrimoine)
L’avis d’IEB : la demande d’un certificat n’est pas obligatoire, c’est une possibilité offerte au demandeur. Un rapprochement des services d’urbanisme et du patrimoine semble une bonne proposition par ailleurs.
20) Un précompte différencié basé sur l’écart des loyers perçus par rapport à un loyer de référence
CDH contre : pour le loyer de référence appliqué aux bâtiments qui ont bénéficié d’une prime quelconque mais pas pour tous les bâtiments.
L’avis d’IEB : il est important de faire usage de l’outil fiscal pour encourager les comportements bénéfiques à la cohésion sociale. La spéculation sur les loyers est un facteur d’aggravation de ces inégalités. La non-taxation des revenus du loyer aussi. Il est par ailleurs important d’opérer un transfert de la fiscalité immobilière conjoncturelle (les taxes d’enregistrement) vers une fiscalité plus stable (le précompte immobilier). Il est vrai que cette mesure doit être envisagée avec prudence, pour éviter que la hausse des taxes ne se reporte sur les locataires.
21) La suppression du précompte immobilier pour les biens confiés aux AIS
PS contre : les AIS garantissent aux propriétaires la sécurité et la tranquillité, c’est une forme de placement éthique à long terme qui ne devrait pas bénéficier d’une prime fiscale. D’autant que toute diminution du précompte est une perte sèche pour les communes, et proportionnellement plus importante pour les communes pauvres. Enfin, ce type de signal serait mauvais dans le cadre des négociations institutionnelles qui visent le refinancement de Bruxelles.
L’avis d’IEB : cette mesure s’intègre dans une réflexion globale sur la fiscalité, qui doit devenir un outil favorisant le changement des comportements. La réduction de cette fiscalité serait compensée par exemple par la mesure précédente prônée par IEB (le précompte différencié). Il ne s’agit donc pas de diminuer les recettes de la Région ou des Communes mais bien d’opérer des transferts à fiscalité constante.
22) La suppression du plafond des loyers des logements sociaux
PS contre, considérant que la législation actuelle est suffisante en la matière : « le loyer ne peut être supérieur à la valeur locative normale du logement établie annuellement sur base d’un coefficient fixé par la société immobilière de service public ».
L’avis d’IEB : le moins que l’on puisse dire, c’est que ce mécanisme n’est pas très transparent.
23) L’interdiction pour tout para-régional d’investir dans la logistique « camion »
CDH contre : cette position est dictée par la loyauté du CDH au gouvernement 2004-2009 qui avait inscrit le BILC dans son accord.
L’avis d’IEB : on ne peut prendre des décisions qui vont produire leurs effets pendant 40 ans (c’est la durée de la concession du BILC) sans la moindre idée des résultats d’une analyse complète et rigoureuse des flux de marchandises. De plus cette nouvelle législature permet de rebattre les cartes et d’abandonner une implantation que tout le monde s’accorde à critiquer par ailleurs.
24) Perméabiliser 50% des surfaces imperméables dans les intérieurs d’îlot et les zones de recul (reconversion des parkings) à l’horizon 2020
PS contre : la question ne semble pas tenir compte du fait que certains quartiers sont à ce point minéralisés que cette mesure est impossible. Uccle n’est pas Molenbeek !
L’avis d’IEB : cette mesure doit être prise comme objectif moyen. Un cadastre des intérieurs d’îlot permettrait d’objectiver cette problématique.
25) Instaurer une taxe sur l’incinération des déchets
CDH contre.
L’avis d’IEB : cette taxe est nécessaire. Ne serait que pour des raisons d’harmonisation fiscale (les autres régions perçoivent déjà ce type de taxe), évitant le tourisme des déchets. Par ailleurs, cette taxe inciterait les usagers de l’incinérateur (y compris l’ABP) à chercher des filières de recyclage supplémentaires.
26) La suppression à l’horizon 2020 d’un des trois fours de l’incinérateur de déchets bruxellois
MR contre : cette mesure s’apparente à une réaction Nimby.
L’avis d’IEB : une réaction Nimby aurait été de demander la suppression des trois fours. Ici, le but est de changer les comportements pour arriver à terme à diminuer le volume des déchets incinérés.
27) Interdiction de l’implantation de sites Seveso (ou assimilés) en RBC
ECOLO contre : si les règlementations actuelles étaient appliquées, cette mesure ne serait pas nécessaire.
L’avis d’IEB : le cas « 4Biofuel » est révélateur d’une certaine carence des réglementations actuelles. Ce projet était dimensionné juste sous les critères SEVESO et respectait la réglementation SEVESO en vigueur. D’où l’importance d’adresser la notion de site SEVESO « assimilé ».
28) La fusion du Conseil Economique et Social et du Conseil de l’Environnement en un Conseil de la Ville Durable
Le PS et le CDH sont contre... Cette mesure permettrait de simplifier les procédures et les structures, de faire des économies et surtout permettrait une réelle concertation de la société civile.
29) La suspension du PDI en attendant le nouveau PRD
Le PS et le CDH sont contre... Le PDI est pourtant une « shopping list » de projets de grandes infrastructures déconnectées d’un projet de ville globale.
30) Rendre légale l’occupation temporaire de bâtiments vides
Le PS et ECOLO sont pour. C’est mesure constitue une solution transitoire nécessaire pour encaisser le boom démographique à venir. Cette mesure constitue par ailleurs un excellent incitant pour les propriétaires de bâtiments vides à se soucier de leur bien.
31) La taxation des emplacements de parking de bureau
Le PS et le CDH sont contre... Cette mesure est pourtant nécessaire pour faire diminuer durablement la pression automobile à Bruxelles.
32) Un moratoire sur les investissements dans le développement de nouvelles capacités routières (dont les tunnels routiers)
Le PS et le CDH sont contre... Cette mesure est nécessaire pour faire diminuer durablement la pression automobile à Bruxelles. Enterrer la circulation automobile n’a jamais réglé le moindre problème de mobilité. Le problème se déplace, c’est tout... La seule solution est de diminuer l’espace réservé à la circulation automobile, en surface comme dans le sous-sol.
33) Instaurer une taxation différenciée des déchets (sacs payants) avec des mesures d’accompagnement des familles les plus pauvres
Les ECOLO et le CDH (à condition de différentier aussi selon la situation familiale) sont pour. Le PS est contre pour des raisons d’inéquité sociale : il faut nécessairement prendre en compte l’aspect inégalitaire de cette mesure et trouver une formule qui protège les bruxellois les plus pauvres. Mais il faut par ailleurs faire évoluer les comportements, et l’argument financier est un puissant levier de changement.
34) Le non-cumul strict des mandats politiques communaux et régionaux
La mesure n’est défendue que par ECOLO, qui devra batailler ferme pour imposer ses ambitions de bonne gouvernance. L’argument principal avancé par les détracteurs est que la présence de bourgmestres et échevins au parlement bruxellois permet de disposer de personnes qui ont une connaissance active du terrain. Cet argument est inquiétant. Faut-il nécessairement être bourgmestre ou échevin pour être au fait de la réalité de terrain ? L’action du parlement (et de l’exécutif) est entravée par les doubles casquettes. Il est nécessaire de mettre fin à celles-ci !
35) Un moratoire sur la construction de nouveaux centres commerciaux
La mesure n’est défendue que par ECOLO. Pourtant, le secteur même de la promotion des centres commerciaux est très prudent sur le potentiel de développement de nouveaux pôles d’activité commerciale dans la Région. Il semble plus adéquat de reprofiler les pôles existants en perte de vitesse, notamment en les transformant pour accueillir moins d’enseignes mais sur une surface moyenne plus importante. A cet égard, les galeries du haut de la ville, qui verra sous peu s’ériger un nouveau complexe sur l’avenue de la Toison d’Or, devraient être partiellement reconverties pour accueillir quelques-unes des 200 enseignes internationales qui ne sont pas encore présentes à Bruxelles faute de surfaces commerciales suffisantes.
36) La mise en œuvre d’un péage urbain de zone sur le Pentagone élargi aux zones de bureaux
La mesure n’est défendue que par ECOLO. L’argument principal avancé par les autres partis est que cette mesure provoquerait la fuite des entreprises. IEB considère que cet argument n’est pas recevable dans le cas de l’instauration d’un péage sur une zone centrale et limitée du territoire bruxellois. En tout état de cause, cette mesure mérite une objectivation par l’intermédiaire d’une étude sérieuse sur le sujet. Cette proposition est acceptée par la majorité des partis. IEB demande à être intégré au comité d’accompagnement de cette étude.
37) Le RER comme substitut au métro
La mesure n’est défendue que par ECOLO. Elle est pourtant de bon sens. Bruxelles dispose d’un réseau ferré d’une densité exceptionnelle. Ce réseau est très peu utilisé par les Bruxellois. Il faut augmenter l’offre en fréquence et en gares de ce réseau, au bénéfice des Bruxellois. Cette mesure ne nécessite pas d’investissement important, au contraire du métro, au financement très aléatoire.
38) Schaerbeek-Formation affectée exclusivement aux activités productives dotées d’une logistique « zéro carbone »
Cette mesure ne trouve écho qu’auprès du CDH, bien qu’ECOLO ne s’y oppose pas formellement mais préfère laisser au prochain PRD la possibilité de juger de l’opportunité de la mesure. Pour IEB, Imposer un cadre vertueux au développement économique, associé à une politique d’incitation financière au développement de filières pionnières, est un puissant levier de développement économique durable.
39) Interdiction de la construction de nouveaux parkings de bureau et résidentiel en zone A (et de facto l’application du principe des zones d’accessibilité aux logements)
Les partis s’y opposent... Le MR propose plutôt de remplacer le parking en voirie par du parking souterrain, ce qui malheureusement n’a rien à voir...
Le PS s’oppose à cette mesure car il ne souhaite pas lever de nouvelles taxes. Le PS plaide pour un renforcement de la réglementation du RRU relatif aux parkings de bureaux et parle également de définir un nombre de place admissible par quartier dans les plans communaux et régionaux de stationnement. La position d’ECOLO est ambiguë, elle appelle à une baisse des normes du titre du RRU relatif aux parkings sans réellement se prononcer sur la mesure proposée.
Paradoxalement, cette mesure, qui semble refusée par tout le monde, pourrait déboucher sur un accord pour :
- une révision du RRU quant aux normes de parking applicables,
- le développement d’un outil de monitoring des parkings tel que la CASBA appliquée pour les bureaux.
Contact :
- Mathieu Sonck, 0478/203578.