La Lettre d'IEB

• Au Palais du Midi, c’est « prends l’oseille et tire-toi »
• Surtourisme, atteinte au patrimoine et carrousel des permis : le Beer Temple, un projet qui a tout pour déplaire !
• Petit pays, big data : le développement de la police « prédictive » en Belgique

Il y a deux semaines, les commerçants du Palais du Midi ont été invités à acter la fin du bail qui les lie à la Régie foncière de la Ville de Bruxelles – une résiliation motivée par les « impératifs techniques » relatifs à la construction du tunnel sous le bâtiment, et ce bien qu’aucun permis autorisant la démolition de celui-ci n’ait encore été délivré.

La convention de résiliation constitue la deuxième étape formelle de l’éviction des commerçants. Le 26 février 2024, ces derniers avaient déjà reçu une notification écrite indiquant que les baux prendraient fin suite à un préavis expirant en août 2025. Cette notification a été envoyée à peine 18 jours après que l’entreprise Denys ait proposé une piste pour éviter la démolition du Palais du Midi, et 5 jours après qu’un ingénieur en stabilité prétendait avoir « étudié trois autres solutions alternatives possibles ».

Pour les commerçants, c’est la douche froide, à plus qu’un titre. D’abord, évidemment, en raison de la perte irrémédiable de leur activité, dont on peine à imaginer qu’elle puisse un jour se réimplanter dans un quartier appelé à connaître encore une dizaine années de travaux. Par ailleurs, l’étude de solutions alternatives à la démolition, défendue depuis l’année dernière par certains candidats aux élections communales, n’est pas encore rendue publique. Alors qu’on attendait en juin dernier la demande de permis pour la démolition du Palais du Midi, rien n’a encore été produit. Enfin, la convention de résiliation contient une clause qui leur semble abusive, à savoir la renonciation à toute réclamation ultérieure à l’encontre de la STIB, qui, en plus d’être un tiers à la relation contractuelle, ne dispose d’aucun droit réel sur le Palais du Midi.

En 2016, un piétonnier géant transforme l’hyper-centre de Bruxelles et la Ville annonce vouloir transformer la bourse en Beer Temple. Face à une surenchère de projets touristiques, l’ARAU et IEB dénoncent des atteintes au patrimoine devant le Conseil d’État. Mais par un tour de passe-passe juridique, la Région sauve in extremis le permis chancelant. Le Belgian Beer World Experience ouvre ainsi en 2023 grâce un investissement public de plus de 80 millions. À 17 € l’entrée, le musée aura accueilli moins de la moitié des visiteur·euses espérés pour sa première année d’exploitation.

Ces dernières années, la police dite « prédictive » s’est imposée comme un vecteur de transformation au sein des services de police à travers le monde, remodelant le paysage de la prévention et de la répression. Cette approche promet d’améliorer l’efficacité de la police en misant sur les algorithmes et les bases de données, marquant apparemment le début d’une nouvelle ère pour le maintien de l’ordre. Qu’en est-il en Belgique ?

Enquêtes publiques

IEB référence l’ensemble des enquêtes publiques des 19 communes bruxelloises, ainsi que des avis les concernant sur lafficherouge.ieb.be. Le site reprend les enquêtes en cours, et remonte jusqu’à 2003. Vous avez également la possibilité de recevoir, en vous créant un compte, chaque semaine par e-mail, les enquêtes publiques en cours, selon vos critères pré-établis.

En 2017, l’ancienne majorité PS-MR de la commune d’Anderlecht adoptait le Plan particulier d’affectation du sol (PPAS) Biestebroeck. Ce plan était censé cadrer le devenir de 47 ha de territoires organisés autour du bassin sud du canal à hauteur du Pont de Cureghem, une zone complexe à vocation industrielle et résidentielle. À l’époque de son adoption, les associations critiquèrent avec force ce cadre qui faisait clairement pencher la barque du côté des desiderata des promoteurs (Atenor, Immobel, BPI,…) au détriment des besoins des habitant.es, en gaspillant au passage un foncier précieux par sa capacité à accueillir des activités portuaires, logistiques et productives pourvoyeuses d’emplois.

L’annulation d’une bonne partie du PPAS en 2020 était une occasion à saisir pour réduire les densités infernales de logements privés prenant place dans des tours écrasant l’espace public et imperméabilisant les sols. Une occasion d’imposer aux promoteurs des pourcentages de logements sociaux, de construire des équipements collectifs très déficitaires et de préserver des sols vivants dont la précieuse zone humide de l’îlot Shell. L’occasion aussi de prévoir des proportions plus équilibrées entre les logements et les espaces productifs et portuaires. Bref, l’occasion de penser un projet à l’échelle de la valeur d’usage du territoire plus qu’à sa valeur marchande. Peu importe les majorités qui se succèdent : le nouveau PPAS à l’enquête publique est en grande partie fidèle à celui adopté précédemment et fait la part belle aux tours spéculatives en front de canal !

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