1999 : Création du RBDH, 25 ans de lutte pour le droit au logement
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10 juillet 2024 • Werner Van Mieghem
Il y a tout juste 25 ans, en 1999, était créé le Rassemblement Bruxellois pour le Droit à l’Habitat (RBDH). Cette coalition d’asbl visait à dénoncer une crise du logement abordable déjà bien installée à Bruxelles. Si cette alliance, forte aujourd’hui de plus de 60 associations, a mené de nombreux combats, la situation du logement reste toujours aussi préoccupante en Région bruxelloise.
Il y a tout juste 25 ans, en 1999, était créé le Rassemblement Bruxellois pour le Droit à l’Habitat (RBDH/BBRoW). Cette coalition d’asbl visait à dénoncer une crise du logement abordable déjà bien installée à Bruxelles. Si cette alliance, forte aujourd’hui de plus de 60 associations, a mené de nombreux combats, la situation du logement reste toujours aussi préoccupante en Région bruxelloise.
Le début
- Les Bruxellois.es aux revenus les plus faibles consacrent plus de 30% de leurs revenus au logement
- On estime que dans les quartiers centraux de la Région, 20% des logements locatifs bruxellois sont en mauvais état
- La Région compte 38 646 logements sociaux, soit 7,6 % du parc immobilier bruxellois
- 21 254 ménages bruxellois sont sur la liste d’attente pour un logement social
- Le nombre de logements vides est estimé à 20.000
- Et 20 % des Bruxellois.es vivent dans la pauvreté
Ces chiffres datent de 1999, il y a 25 ans. Cette réalité a alors poussé les organisations sociales actives dans le domaine du logement et de l’aide sociale à organiser de manière plus professionnelle leur collaboration et leur concertation, qui reposaient jusqu’alors sur l’engagement volontaire et sur le temps de travail des organisations.
La possibilité, alors nouvelle, d’obtenir, via des subsides de la Région bruxelloise, les fonds de fonctionnement nécessaires à un secrétariat a également facilité la création de l’asbl Rassemblement Bruxellois pour le Droit à l’Habitat/Brusselse Bond voor het Recht op Wonen vzw.
C’est ainsi qu’au printemps 1999, 15 organisations se sont retrouvées rue du Poinçon, au cœur de Bruxelles, pour signer l’acte d’association du RBDH/BBRoW. Ces membres fondateurs sont : AMA, Baïta, Bral, Convivence/Samenleven, De Boei, Fébul, Free, Habitat et Participation, Imavo, Ligue des Familles, Logement pour Tous, Pierre d’Angle, RISO Brussels, Solidarités Nouvelles Bruxelles et le Syndicat des Locataires. Quelques années plus tard, IEB rejoint également les rangs du RBDH.
Combatif.ves et déterminé.es, c’est ainsi que nous avons commencé il y a 25 ans : contribuer à l’élaboration d’une politique du logement à partir de la base, agir et continuer à nous imposer comme défenseur.euses des intérêts des Bruxellois.es défavorisé.es en matière de logement, c’est ainsi que nous concevions notre mission en tant que RBDH.
Les étoiles s’alignaient également à cette époque : la Région de Bruxelles-Capitale existait alors depuis 10 ans et développait de plus en plus ses compétences et son administration en matière de logement. Le premier code bruxellois du logement était en cours d’élaboration, des plans et le financement pour la construction de milliers de logements sociaux étaient mis sur table, le Conseil consultatif régional du logement était créé.
La situation actuelle
Nous sommes en 2024, 25 ans plus tard :
- Les Bruxellois.es les plus modestes consacrent plus de 45% de leurs revenus au logement (parfois même 70%). Une fois ces dépenses consacrées, ils n’ont plus que 9 euros par jour pour survivre
- On estime qu’en Région bruxelloise, 11 % des logements locatifs bruxellois sont en mauvais état et 30 % sont surpeuplés
- La Région compte 40 532 logements sociaux, soit 6.78% du parc immobilier bruxellois
- 53.801 ménages bruxellois sont sur la liste d’attente d’un logement social
- Le nombre de logements vides est estimé à environ 5.000
- Le nombre de personnes sans-abri a quadruplé depuis 2008
- Et près de 30 % des Bruxellois.es vivent dans la pauvreté, sans compter les quelque 50 000 personnes sans titre de séjour et les milliers d’autres qui n’apparaissent pas dans les statistiques officielles
En d’autres termes, la situation ne s’est pas vraiment améliorée en 25 ans, surtout pour les locataires à bas revenus. Le RBDH serait-il resté inactif pendant 25 ans ? Non.
Les associations qui sont le moteur du RBDH - le nombre de membres est passé à 61 - ont mené ensemble, au sein du Rassemblement, un combat acharné pour le droit au logement au cours des 25 dernières années. Parmi leurs réalisations, on peut citer mémorandums pour les élections régionales et communales, formations pour nos membres et sympathisant.es, journées d’étude, notre magazine Art. 23, manifestations, actions, occupations, campagnes (d’affichage), les Baromètres du logement avec lesquels nous examinons d’un œil critique la politique du gouvernement. Nous avons également pris au sérieux l’expérience et l’expertise des habitant.es en situation précaire et leur avons donné la parole au Parlement bruxellois, dans des expositions et des livres de photos, dans des films et des clips vidéo, dans des bidons-villes fictifs et des bandes dessinées, etc.
‘Nos’ victoires
Tous ces efforts ont permis de réaliser quelques progrès en termes de législation et d’instruments politiques. En voici quelques exemples :
- Le code du logement bruxellois de 2003 qui permet de sanctionner de manière plus rigoureuse les propriétaires louant des logements de mauvaise qualité sur le marché privé, et qui crée l’Inspection régionale du logement (DIRL)
- Le premier plan logement de 2004 pour la construction de 3 500 logements sociaux, suivi en 2013 de l’Alliance Logement pour la construction de 3 000 logements sociaux
- Le logement temporaire dans des bâtiments vides a progressivement gagné en reconnaissance (l’occupation du cloître Gésu, en 2010, y a entre autres contribué) et le Brussels Community Land Trust (un mode de propriété anti-spéculatif) a été reconnu
- La création du Fond Brugal en 2018, qui soutient les locataires pour la composition de la garantie locative
- Le gouvernement bruxellois élabore en 2019 un cadre légal pour lutter contre les discriminations sur le marché du logement et permettre des tests sur le terrain
- Et plus récemment, au cours de cette législature, des avancées ont été réalisées dans la lutte contre les expulsions (les délais de la procédure devant la Justice de Paix ont été allongés et le moratoire hivernal a été instauré), et le Code du logement a introduit l’interdiction pour les propriétaires de pratiquer des loyers excessifs et mis en place la Commission paritaire locative
Et pourtant
Comment expliquer que la situation du logement à Bruxelles reste dramatique ? Parce que les gouvernements (fédéral, régional et local) n’ont pas pris assez de mesures nécessaires pour lutter contre l’augmentation de la pauvreté, contre l’envolée des prix de l’immobilier et pour la création de logements abordables.
Les gouvernements bruxellois successifs ont raté des opportunités, manqué de courage politique, ou carrément fait de mauvais choix. En voici quelques exemples éloquents :
- Concernant les logements sociaux, les deux grands plans de logement de 2004 et 2019 se sont d’abord heurtés à une administration mal préparée, à la résistance des communes et à l’opposition des résident.es locaux.ales. Les terrains publics n’étaient/ne sont pas suffisamment utilisés pour le logement social, ce qui a rendu la mise en œuvre des plans de logement plus difficile que nécessaire. Autre mauvaise idée : donner la possibilité à la SLRB et aux SISP de construire et louer des logements locatifs aux ménages à revenus moyens (ce qui s’est avéré être un fiasco en raison du manque d’intérêt). Ce n’est que ces dernières années que la construction et l’acquisition de logements sociaux se sont enfin accélérées
- La lutte contre l’insalubrité des logements par le biais de l’Inspection régionale du logement (DIRL) s’est trop longtemps appuyée sur les plaintes des habitant.es, des communes et des organisations. La DIRL a été renforcée trop tard et pourrait être beaucoup plus proactive, en contrôlant plus rigoureusement les propriétaires récidivistes "connus", et en effectuant davantage de visites de contrôle de sa propre initiative
- En ce qui concerne la lutte contre l’inoccupation (inventaire, taxe, droit de gestion publique), on a attendu trop longtemps l’initiative des communes. Ce n’est que récemment que la cellule régionale de lutte contre l’inoccupation a finalement mis en place une cellule de réhabilitation qui s’attaque aux biens vacants. Mais, entre-temps, nous ne savons toujours pas exactement combien et quels logements sont vacants à Bruxelles
- La grande réforme de la fiscalité du logement à Bruxelles s’est terminée en queue de poisson en 2016 : afin de rendre plus accessible la propriété, le bonus logement (une réduction de l’impôt des personnes physiques pour l’acquisition, la construction ou la rénovation du logement familial) a été supprimé et remplacé par une réduction (abattement) des droits d’enregistrement ; le précompte immobilier (pour les prioritaires-bailleurs) a lui été augmenté. Cela n’a pas empêché une forte hausse des prix de l’immobilier et des loyers à Bruxelles. Pire : cela a même contribué à l’alimenter
- Le gel de l’indexation des logements locatifs mal isolés - en pleine crise énergétique - a été stoppé de manière incompréhensible au bout d’un an
- L’idée d’une grille reprenant les loyers de référence date de l’accord de coalition de 2009. Quinze ans plus tard, nous en sommes déjà à la troisième version de la grille (qui est indicative) et celle-ci ne fait toujours pas l’unanimité. Nous attendons toujours l’entrée en vigueur formelle de la Commission paritaire locative, de l’interdiction des loyers abusifs et du droit de demander une révision des loyers par le biais du Juge de Paix
Il n’est pas surprenant que le RBDH ait régulièrement critiqué (par le biais de nos Baromètres du logement, de nos actions, mais aussi par des consultations directes) les autorités bruxelloises qui, selon l’article 23 de la Constitution, doivent garantir le droit au logement.
La non-réalisation du droit à un logement décent et abordable pour de nombreux ménages bruxellois était et est toujours une atteinte à la dignité humaine. C’est précisément pour cette raison que le RBDH reste plus que jamais convaincu de la nécessité d’investir des moyens importants dans la production de logements sociaux. Nous devons continuer à accélérer la production et diversifier nos stratégies pour augmenter le nombre de logements abordables. Le développement du logement par le secteur privé devrait permettre de créer des logements abordables. Il est également nécessaire que l’ordonnance sur les loyers abusifs prenne pleinement effet. Les critères de la grille des loyers de référence doivent être affinés pour réduire les loyers des logements dépourvus d’équipements ou peu performants sur le plan énergétique. D’autres priorités sont toujours aussi urgentes, même après 25 ans : notamment la lutte proactive contre l’insalubrité des logements, contre la vacance, et la fin du sans-abrisme et des expulsions qui en sont la cause.