1994 : le cœur du Kauwberg est enfin classé comme site

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5 juin 2024 • Thérèse Baekelmans Verteneuil (Kauwberg Nature asbl)

Remontons quelque peu le temps et rappelons la lutte citoyenne emblématique, connue de tous les défenseurs de la nature à Bruxelles, qui fut à l’origine de ce classement.

En 1986, la majorité communale d’Uccle propose un plan particulier d’aménagement (PPA) pour le Kauwberg. Il autorise l’aménagement d’un golf et d’un lotissement. Ce plan répond à l’appétit des propriétaires privés des terrains du site (dont fait partie la Compagnie Immobilière de Belgique : Immobel) qui souhaitent y implanter des projets rentables.

Toutefois, ce PPA contrevient au plan de secteur (le Kauwberg y est inscrit en tant que zone de réserve foncière) et les habitants et défenseurs de la nature estiment que ce projet ne sert pas l’intérêt général. C’est en réaction que le 20 février 1987 est créée SOS Kauwberg, qui regroupe les forces vives pour la défense du site.
Le premier objectif de l’association SOS Kauwberg est de détricoter ce projet de la Commune : une étude scientifique du professeur Martin Tanghe, commandée par le professeur François Moyson, président de la Ligue des amis du Kauwberg, démontre la qualité biologique exceptionnelle du site et son rôle socioculturel. La diffusion de ces idées auprès de la population uccloise se concrétise par l’organisation de la première fête champêtre du Kauwberg. La participation de 3.000 personnes est le premier soutien d’ampleur à la défense du site. Au cours des mois qui suivent, les actions de sensibilisation et d’information se succèdent :

• expériences pédagogiques : visites guidées pour le public et les écoles, organisation de classes vertes, etc.
• édition du journal d’information de l’association : le Kauwberg Info.
• contacts avec la presse et les autorités politiques, participation aux colloques sur l’environnement à Bruxelles.

La deuxième fête champêtre connaît un large succès populaire : 6.000 personnes foulent les prairies du Kauwberg, montrant aux autorités politiques l’importance qu’accordent les Ucclois et les Bruxellois à la sauvegarde du lieu. Deux campagnes électorales font agir le monde politique en 1988 et 1989. Début 1989, une pétition rassemblant 10.000 signatures est remise au Ministre fédéral chargé de la Région bruxelloise [1]. Peu après, en mars, l’exécutif de la Région ouvre une procédure de classement pour l’entièreté du Kauwberg.

En juin, une troisième fête, organisée en collaboration avec le Foyer culturel jettois rassemble 7.000 personnes sur le site devenu un symbole de la lutte pour la protection des espaces semi-naturels bruxellois.

Les années suivantes, la pression est maintenue. SOS Kauwberg prend la forme juridique d’asbl, structure nécessaire pour poursuivre son action. Elle investit alors le milieu associatif bruxellois. Ses membres dynamisent les actions des fédérations auxquelles ils participent : le Front commun des groupements de défense de la nature en Région bruxelloise (devenu Bruxelles Nature). Thibault Wolff, administrateur d’SOS Kauwberg, sera le premier président d’Inter Environnement Bruxelles issu des mouvements de défense de la nature.

Fin 1993, l’association organise la campagne « Classement maintenant » pour faire pression sur le pouvoir politique qui laisse dormir la procédure entamée en 1989 et qui arrive à son terme le 1er mai 1994. Plus de 10.000 cartes postales réclamant le classement du Kauwberg sont envoyées par des particuliers au Ministre-président.

Le 28 mars 1994, le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale classe 22 ha du Kauwberg, la partie centrale est enfin protégée. Il s’agit de maintenir son état et sa biodiversité.

Le Plan communal de développement (PCD) est mis à l’enquête publique en 1997. De nombreux défenseurs du Kauwberg rappellent aux autorités communales qu’ils souhaitent en faire une zone verte. Le projet de PCD répondra à leurs attentes et propose le statut de périmètre d’espace vert.

Les Plans régionaux d’affectation du sol (PRAS) vont se succéder jusqu’au PRAS II bis qui entre finalement en vigueur en 2001, montrant une zone verte intégrale pour le Kauwberg.

Une série de coups durs s’abattent alors sur les défenseurs du site. Certains des propriétaires des terrains introduisent un recours au Conseil d’État (CE) pour s’opposer à cette affectation. Ils espèrent ainsi maintenir leur possibilité d’y développer des projets lucratifs.

Soutenue par de nombreuses associations de défense de la nature, SOS Kauwberg se porte en intervention volontaire au CE pour soutenir la Zone verte.

De surcroît, en 2002, l’auditeur du Conseil d’État annule le classement de la zone obtenu en 1994. Ce classement faisait l’objet d’un recours et une motivation insuffisante dans le texte de l’arrêté a été relevée. Tout est à recommencer. Cependant, le secrétaire d’État chargé de l‘aménagement du territoire lance une nouvelle procédure de classement en juillet 2002.

Près de deux ans plus tard, elle aboutit. Le 27 mai 2004, 54 ha du Kauwberg sont enfin classés, soit la totalité du site. La contestation citoyenne a fini par payer. La même année, le site est proposé comme zone spéciale de conservation Natura 2000 et rejoint le Réseau européen en faveur de la biodiversité.

Plus récemment, le 1er janvier 2019, la Région devient officiellement propriétaire de la plus grande partie du site et la gestion est désormais confiée à Bruxelles Environnement. Attendu depuis longtemps, le plan de gestion Natura 2000 est enfin passé en enquête publique en 2023, une avancée en faveur des habitats et des espèces protégées par la directive européenne « Habitats » et l’ordonnance Nature du 1er mars 2012.

Aujourd’hui, SOS Kauwberg a opéré sa mutation et est devenue Kauwberg Nature dont les actions s’orientent désormais vers la préservation de la biodiversité dans les espaces protégés et, au-delà, vers la défense du maillage écologique.

Une nouvelle publication annuelle a vu le jour (La plume du Kauwberg), la confirmation de l’engagement en faveur de la biodiversité et du vivant, bien au-delà du périmètre ucclois.

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