1990-2024 : La force des Unions des locataires !
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8 mai 2024
1990, c’est la création de la FéBUL sous la présidence d’Albert Martens dont la première mission est de coordonner les Unions de Locataires (UL) qui existaient à ce moment-là : l’UL de Schaerbeek, l’Association des locataires de Molenbeek-Koekelberg, l’UL Quartier Nord et l’UL de Saint-Gilles qui seront rapidement rejointes par deux Unions membres d’IEB et avec lesquelles nous collaborons régulièrement pour défendre le droit au logement : l’UL Marolienne (ULM) et l’UL d’Anderlecht-Cureghem (ULAC).
L’ULAC à Cureghem 1990-2024
En 1990, dans le cadre du dispositif Développement Social du Quartier (DSQ) de Cureghem, l’Union de Locataires d’Anderlecht-Cureghem est créée par des membres du Comité de Quartier de Cureghem, des demandeurs de logements (des familles nombreuses du quartier) et le personnel de la FéBUL. L’action a débuté par le travail social communautaire avec les demandeurs et la création d’un service social logement agréée par la Région Bruxelloise (Ministre du Logement) comme association œuvrant à l’Insertion par le Logement.
De l’importance des services fournis aux populations
Le DSQ avait constaté une importante carence de services sociaux, un manque d’associations venant en aide aux habitant.e.s et un désintérêt de l’administration communale pour les quartiers de Cureghem. Dès l’abord, la création de services à la disposition des habitant.e.s des quartiers populaires a été la caractéristique de l’ULAC qui, outre ses permanences logement, a développé de nombreux services, à commencer sur le site des logements sociaux, rue des Goujons.
En 1999, le Secrétaire d’État en charge du Logement, avait proposé à l’ULAC de mettre en place « un projet de cohésion sociale » (PCS) sur le site des « Goujons ». Afin de répondre aux besoins et demandes des habitants, l’ULAC a progressivement organisé les différents services de proximité du Projet de Cohésion Sociale des Goujons : l’équipe d’embellissement, le lavoir social, le service d’aides ménagères et la Cantine des Goujons. L’objet de ces services était l’amélioration des conditions de vie des locataires, mais aussi la création d’emplois et de formations afin d’assurer l’insertion socioprofessionnelle de personnes peu qualifiées (ISP).
Aujourd’hui, l’ULAC a aussi ouvert un lavoir social place Lemmens. Depuis la pandémie, ses membres ont pris conscience des besoins de la population anderlechtoise devant l’informatisation des services publics. Les familles sont en désarroi parce que mal outillées pour faire face à ce nouveau tour de passe-passe technique généré par un désinvestissement dans les services publics et les aides à la population la plus fragile de la ville. Aussi l’ULAC a-t-elle mis sur pied trois espaces publics numériques (EPN) : chaussée de Mons, rue des Goujons, rue Haberman et bientôt rue Saint Guidon.
Du service social au travail communautaire
Constatant l’inadaptation des logement aux besoins des familles locataires et à leur capacité financière, que ce soit dans le parc communal ou dans le marché privé, l’ULAC s’est d’emblée impliquée dans l’accompagnement social des opérations de rénovation et de construction de logements sociaux à Cureghem pour pallier ces insuffisances. Citons la rénovation de 19 maisons unifamiliales de la Commune d’Anderlecht, rues Odon et du Chimiste.
L’ULAC a aussi voulu impliquer les habitants dans les opérations de rénovation d’îlots par la mise en place de l’accompagnement social lors d’opération tiroirs, notamment à l’occasion de la construction des 34 logements sociaux chaussée de Mons (217-241).
De nombreux partenariats ont aussi été noués avec la Société immobilière de service public (SISP) Assam Sorelo qui a construit des logements adaptés à de grandes familles, membres de l’ULAC, lesquelles purent ainsi être relogées dans le cadre d’un travail communautaire réalisé par l’ULAC. Ce travail préfigurera et forgera l’intérêt du personnel de l’ULAC et des habitant.e.s pour les programmes de rénovation et de construction de logements à Cureghem.
Pas de rénovations publiques sans logements sociaux
L’ULAC s’investira systématiquement dans tous les dispositifs publics de rénovation de la ville : les Contrats de Quartiers, l’opération de rénovation du Fonds du Logement rue du Transval et aujourd’hui les opérations de construction de logements (projets Compas, City Gate, Porte de Ninove, etc.) mais avec toujours comme objectif essentiel la création de logement sociaux pour répondre aux besoin des habitant.es mal logé.es d’Anderlecht.
Aujourd’hui nous déplorons la quasi disparition de la construction de logements sociaux dans les nouveaux « plans de rénovation de la ville ». Nous continuons à espérer que ces programmes visent la participation des habitant.es pour adapter les solutions de relogement aux besoins sociaux de la population locale. Et non une prétendue mixité qui remet toujours à plus tard les besoins des mal logés des quartiers populaires.
Pour pallier ces carences, l’ULAC a financé et réalisé la rénovation de 70 logements (essentiellement du patrimoine communal dans le quartier Lemmens) dont elle assure l’accompagnement social. La gestion de ces logement est confiée, depuis 2015, à l’Agence Immobilière Sociale d’Anderlecht-Cureghem, crée par l’ULAC et le Centre de rénovation urbaine (CRU).
Notre inquiétude-notre combat : l’avenir du patrimoine social public
A cause de la dette publique, le patrimoine social public est laissé à l’abandon faute de moyens financiers : les communes sont endettées et la Région n’est pas capable de mobiliser les moyens financiers pour les rénover, les sauver. Sans volonté de financer la rénovation du patrimoine public, devant l’incapacité à construire des logements sociaux pour satisfaire la demande des 55 555 ménages demandeurs à la SLRB, face à l’augmentation des loyers et la spéculation aidant, les communes bradent leur patrimoine foncier. Conséquence : la population bruxelloise devra laisser la place à ceux qui ont les moyens d’habiter la Capitale de l’Europe.
L’ULM dans les Marolles 1992-2024
C’est Jacques van der Biest (connu pour son rôle majeur dans la "Bataille des Marolles") et des habitants du quartier des Marolles, qui décidèrent de créer en 1992 une association dont le fonctionnement s’inspire du modèle britannique des "coopératives de locataires", telles que la "Holloway Tenant Co-op" de Londres. Ce modèle, adapté au contexte bruxellois notamment par l’Union des Locataires de Schaerbeek en 1975, a été l’une des réponses données par le milieu militant à la difficulté des personnes précaires de se loger convenablement, ainsi qu’à la défaite contre le projet "Manhattan".
Dans les premières années de sa création, l’objectif principal de l’ULM a été de mener des réflexions et des actions collectives pour reloger ses membres dans des logements accessibles financièrement, confortables, salubres et situés dans un environnement agréable. Derrière l’idée des coopératives de locataires se trouvait également la volonté d’une gestion commune des logements en question, permettant aux membres de participer au pouvoir décisionnel au travers des assemblées générales.
Pour atteindre ces objectifs, l’ULM et ses membres ont parcouru le quartier à la recherche de logements vides afin de négocier avec les propriétaires leur remise en location. En échange d’une rénovation peu coûteuse effectuée par l’association, les propriétaires, qu’ils soient publics ou privés, confiaient la gestion de leur bien à l’ULM pour de nombreuses années, qui les attribuait ensuite aux membres en fonction de leur ancienneté. La redistribution de ces logements et les éventuelles dérogations aux critères de l’ancienneté devaient être validées par les membres en assemblée générale. Aujourd’hui, la recherche, la gestion locative et la rénovation sont assurées par l’Agence Immobilière Sociale Quartiers (AISQ), qui est l’une des 23 AIS présentes sur le territoire de la région. En parallèle de ces démarches collectives, des permanences sociales et individuelles étaient organisées.
Malheureusement, au début du nouveau millénaire, la crise s’aggravant, la réaffectation de logements vacants dans le quartier n’a plus apporté de résultats tangibles. C’est à ce moment que l’association a pris part à de nombreuses occupations, dénonçant ainsi la présence de logements vides tout en permettant à de nombreux sans-abri et personnes "sans-papiers" d’avoir un toit sur la tête pendant plusieurs mois voire années.
Bien qu’au fur et à mesure de l’évolution des réalités sociales, économiques et politiques, la participation et la prise de décision collective des membres de l’association se soit est peu à peu effacée, les mobilisations ainsi que le travail social individuel font toujours partie de l’ADN de l’association.
Permanences sociales et juridiques
Malgré les efforts des associations d’insertion par le logement pour accompagner au mieux les personnes précaires dans l’amélioration de leur situation locative, ces dernières se trouvent toujours dans un rapport de force inégal avec leur bailleur, car le droit de propriété privée lucrative en tant que fondement du mode de production capitaliste entre en contradiction avec le droit au logement. Par conséquent, les locataires hésitent à interpeller leur bailleur pour tout problème injuste (insalubrité, indexation illégale,…) de peur de recevoir leur renom. Et dans le cas où ils le font quand même, et qu’ils obtiennent gain de cause, cela ne change rien au bout du compte car un nouveau préavis de renom pour travaux ou occupation personnelle les attend. Le propriétaire, quant à lui, rénovera son bien et le louera beaucoup plus cher.
Bien qu’essayant de dépasser le caractère individualisant des permanences sociales en expliquant les causes structurelles et donc politiques du manque de logements abordables à Bruxelles, les travailleurs sociaux du secteur de l’insertion par le logement se retrouvent malgré eux à normaliser le fait qu’il faille s’inscrire sur plusieurs listes d’attente et patienter entre 3 et 15 ans pour obtenir un logement salubre, adapté et abordable. Ce faisant, les associations servent de zone tampon entre l’État (la Région de Bruxelles-Capitale) et les personnes qui souffrent de leur conditions de vie.
Mobilisations
Pour aller au-delà de ce cadre individualisant, nous continuons à participer à des actions collectives avec d’autres acteurs sociaux en portant des revendications afin de renforcer le droit au logement. Nos principales revendications portent sur la lutte pour la diminution et l’encadrement des loyers, pour la création massive de logements sociaux de qualité, mais également contre les expulsions, les marchands de sommeil, les logements vides et l’insalubrité des logements privés et publics.
Au-delà de ces mots d’ordre, l’ULM intervient également pour promouvoir un cadre de vie produit dans l’intérêt des personnes précaires et non dans celui des classes aisées, la participation critique aux commissions de quartier organisées dans le cadre du contrat de quartier Marolles, le repérage des logements vides et leur remise en location via l’AISQ. L’ULM participe à la rédaction d’un journal de quartier qui aborde notamment la question de la touristification du quartier à travers les Airbnb, qui évoque les luttes urbaines passées, qui démontre l’inutilité de la station de Métro Toots Thielemans et les répercussions que les travaux ont sur les commerçants, etc. L’ULM a apporté son soutien à la lutte contre le projet d’un parking sous la place du Jeu de Balle, et à dénoncé avec succès le projet de vente de cinq logements à caractère social à un promoteur privé. L’association participe à des manifestations, à des émissions de radio, à des actions menées par des collectifs d’habitants (Action Logement Bruxelles, Front anti-expulsions,…).
Cependant, comme toute structure sincère œuvrant dans les domaines sociaux et environnementaux, les membres de l’ULM partagent l’idée que l’objectif final de son existence serait sa dissolution. En l’absence d’une production massive de logements sociaux de qualité et d’une réduction significative des loyers, associée à un contrôle rigoureux de leurs montants, la crise du logement abordable ne sera pas résorbée. Pour mettre fin à cette crise, en revanche, le seul moyen est de ne plus considérer le logement, tout comme les autres besoins vitaux, comme de simples marchandises.