La Convention d’Aarhus et son application en Région de Bruxelles-Capitale

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15 novembre 2013 • Hélène Quoidbach

Une consultation publique a eu lieu en automne 2013 sur la mise en œuvre de la Convention d’Aarhus. Cette convention impose aux États de permettre, dans le domaine de l’environnement : une participation du public aux plans et programmes, demandes de permis et textes de loi, un accès à l’information et un accès à la justice.

La consultation du public est requise par les Nations unies, dans le cadre du rapportage que la Belgique doit effectuer tous les trois ans sur l’application de la Convention. Le présent document présente l’avis d’IEB concernant l’application de la Convention d’Aarhus en Région de Bruxelles-Capitale en novembre 2013. Dès lors que l’accès à la justice relève essentiellement de la compétence de l’État fédéral, nous ne parlons pas de ce troisième pilier dans le cadre d’un rapport qui concerne uniquement l’application de la convention en Région de Bruxelles-Capitale. Dans le domaine de l’accès à l’information toutefois, nous ferons état de refus abusifs d’accès portés devant la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs bruxelloise) et ensuite devant le Conseil d’État belge.

1. La Convention d’Aarhus

La Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement [1] est un accord international visant à :

La convention d’Aarhus a été signée le 25 juin 1998 et est entrée en vigueur en Belgique en date du 21 avril 2003. Elle a aujourd’hui été signée par 46 États.

2. IEB et les trois piliers de la Convention d’Aarhus

IEB mène des actions dans le cadre des trois piliers de la Convention d’Aarhus que sont l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.

IEB participe à de nombreuses enquêtes publiques relatives à des décisions, plans ou programmes rentrant dans le champ d’applications de la Convention d’Aarhus. Elle est aussi membre de conseils d’avis consultés sur ces mêmes plans ainsi que sur des projets de textes législatifs et réglementaires rentrant dans le champ d’application de la Convention.

Les recours administratifs et juridictionnels qu’IEB introduit contre certains projets, plans ou dispositions législatives sont régis par la Convention d’Aarhus.

Afin d’être complètement informée et de comprendre les enjeux des questions qu’elle traite, IEB tente d’avoir accès à l’information sur l’environnement. Quand cette information lui est refusée de manière abusive, IEB introduit des recours devant la CADA et ensuite parfois devant le Conseil d’État.

En ce qui concerne l’accès à l’information environnementale, les observations se concentrent sur les difficultés d’accéder à certaines informations sur l’environnement ainsi que sur la méconnaissance, parce que ne figurant pas dans des registres accessibles au public, des études réalisées.

Au niveau du second pilier relatif à la participation du public, les observations mettent essentiellement l’accent sur les délais de consultation parfois trop courts, sur l’incomplétude des évaluations des incidences et sur la non communication systématique des résultats de l’enquête publique et des autorisations ou plans adoptés. Il est par ailleurs rappelé que si la participation du public est peu fréquente pour le public ne possédant pas le profil socio-culturel adéquat, elle devient carrément anecdotique lorsqu’il s’agit de participer à l’élaboration de plans ou de programmes relatifs à l’environnement ou bien encore à des dispositions réglementaires ou autres règles juridiquement contraignantes. Il importe aussi d’offrir des formations « en continu » au public, sur les matières sur lesquelles on le consulte.

IEB fait aussi état des problèmes qu’elle rencontre avec les pouvoirs publics, lui reprochant son indépendance ou bien les recours qu’elle introduit.

3. Sur l’application de la Convention d’Aarhus en Région de Bruxelles-Capitale

3.1 Préalable

Le présent rapport n’a pas la prétention d’être complet mais plutôt de mettre en exergue certains articles de la Convention eu égard à l’expérience vécue par IEB. Par facilité mais aussi par soucis de précision, nous avons repris les articles de la Convention auxquels nos commentaires se réfèrent.

3.2 Dispositions générales de la Convention

En vertu du paragraphe 4 de la Convention, « Chaque Partie accorde la reconnaissance et l’appui voulus aux associations, organisations ou groupes qui ont pour objectif la protection de l’environnement et fait en sorte que son système juridique national soit compatible avec cette obligation. »

En vertu du paragraphe 8, « Chaque Partie veille à ce que les personnes qui exercent leurs droits conformément aux dispositions de la présente Convention ne soient en aucune façon pénalisées, persécutées ou soumises à des mesures vexatoires en raison de leur action. (…) ».

IEB exerce une grande partie de ses missions grâce à des financements publics. Une partie importante de ces financements vient directement de la Région de Bruxelles-Capitale qui soutient les associations pour différentes tâches faisant l’objet d’une négociation entre les cabinets ministériels et les associations. Parmi les tâches subsidiées on peut par exemple citer la participation à des conseils d’avis, la collecte et la diffusion des avis d’enquête publique, des conseils techniques et juridiques aux associations bruxelloises de défense de l’environnement et de la mobilité douce, l’interpellation des pouvoirs locaux et l’information aux citoyens par rapport aux problématiques environnementales. Les conventions en matière de mobilité d’une part et d’urbanisme et d’aménagement du territoire d’autre part sont renégociées chaque année. Ceci a pour conséquence des difficultés à mener une action continue et cohérente et une pression constante sur son personnel de par la précarité des emplois liés à certaines actions de l’association. En matière d’environnement (stricto sensu c’est-à-dire la matière liée à la compétence ministérielle environnementale, excluant d’autres compétences pourtant directement liées à l’environnement comme l’aménagement du territoire ou la mobilité), le financement des tâches est plus pérenne dès lors que les associations agréées comme IEB peuvent se faire financer pour des périodes de 5 ans. Ceci a été rendu possible par une ordonnance datant du 4 septembre 2008.

Comme exposé ci-après, ce mode de financement public peut poser problème lors qu’IEB introduit (sur fonds propres) des recours contre des projets, autorisations ou législations soutenus ou adoptés par la Région bruxelloise.

En septembre 2011, une décision de justice a permis d’arrêter le chantier d’abattage des platanes de l’avenue du Port, piloté par la Région mais fortement contesté par le mouvement associatif bruxellois auquel IEB s’est joint. Le Président du Tribunal de Première Instance a donné raison aux associations et au Procureur du Roi, jugeant que les travaux n’étaient pas suffisamment couverts par un permis d’urbanisme et que le projet aurait dû faire l’objet d’un rapport d’incidences. Il a aussi jugé que le permis d’urbanisme n’était pas correctement motivé, la Région n’ayant pas répondu aux objections relatives à la conservation du patrimoine et à l’impact négatif du projet sur l’environnement. Le mois suivant, après des mois d’implication, IEB a choisi de quitter les ateliers prospectifs organisés par la Région autour de l’élaboration du Plan régional de développement durable (PRDD), dont les conclusions lui apparaissaient fixées d’avance [2]. En réponse à cette décision, le Ministre-Président Charles Picqué écrivait à IEB pour faire part de sa « profonde inquiétude quant aux répercussions que [notre] positionnement et les motifs qui le sous-tendent, avait à [ses] yeux sur la nécessaire représentativité qu’une association telle que la [nôtre] se doit d’incarner vis-à-vis de l’ensemble de la population bruxelloise pour pouvoir légitimement mener à bien les missions pour lesquelles elle est financée ».

Un an plus tard, la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) dévoilait les raisons pour lesquelles un subside destiné à financer les activités récurrentes d’IEB en matière de Mobilité était bloqué depuis plusieurs mois sur la table du Gouvernement bruxellois. Sous le couvert de l’anonymat, un membre du Gouvernement déclarait à un journaliste : « Pas de problème qu’IEB joue son rôle de groupe de pression et donne son avis – même critique – lors des procédures de consultation de la population à l’occasion de grands projets urbanistiques. Par contre, quand l’association introduit régulièrement des recours en annulation contre des décisions régionales, avec l’argent de la Région, la pilule ne passe pas ». Le subside fut finalement débloqué. Mais il ne fallut que quelques mois pour que la Ministre Brigitte Grouwels, reprochant à l’association d’avoir relayé dans sa lettre d’information un appel à manifester contre les politiques sécuritaires et tarifaires de la Société des Transports Intercommunaux de Bruxelles (STIB) [3], demande la suspension de l’agrément d’IEB en matière d’Environnement. Il s’agit de l’agrément permettant à IEB de disposer du financement quinquennal dont question plus haut pour ses activités en matière d’environnement. L’agrément n’a pas été suspendu.

Actuellement à la date du 14 novembre 2013, les arrêtés subsidiant le travail récurrent et de longue date d’IEB en matière de mobilité et de collecte et de diffusion des avis d’enquête publique pour l’année 2013 ne nous ont toujours pas été communiqués.

Une implication effective des associations de protection de l’environnement au niveau de processus de participation suppose inévitablement un soutien politique et financier suffisamment stable. Sans ce financement, il n’est pas possible pour les associations de contribuer en particulier aux travaux des commissions consultatives. Cette participation aux travaux des commissions consultatives, qui vise à éclairer les autorités publiques sur les décisions qu’elles sont amenées à prendre, suppose un investissement en temps et en énergie tout à fait considérable avec pour conséquence principale que la participation active des associations environnementales aux processus de décision demeure problématique en termes de moyens.

Le Conseil de l’Environnement de la Région de Bruxelles-Capitale a pour mission d’émettre d’initiative ou à la demande du Gouvernement régional ou du Ministre Bruxellois de l’Environnement, un avis motivé sur toute matière de compétence régionale ayant trait à l’environnement. Il y a toutefois lieu de signaler que la présence d’associations protectrices de l’environnement au sein du Conseil de l’Environnement n’est pas une reconnaissance pleine et entière de ces associations dans la mesure où le Conseil n’est pas composé uniquement d’organismes se souciant d’environnement mais aussi d’organismes défendant des intérêts autres, comme ceux des partenaires sociaux ou bien encore les classes moyennes. Les avis remis par le Conseil de l’Environnement sont l’œuvre d’un compromis entre les intérêts en présence, très souvent peu axés sur des questions environnementales et bien plus souvent sur des enjeux socio-économiques…

Dans les limites du champ d’application des dispositions pertinentes de la présente Convention, le public a accès à l’information, il a la possibilité de participer au processus décisionnel et a accès à la justice en matière d’environnement sans discrimination fondée sur la citoyenneté, la nationalité ou le domicile et, dans le cas d’une personne morale, sans discrimination concernant le lieu où elle a son siège officiel ou un véritable centre d’activités.

Sans qu’on puisse parler à proprement parler de discriminations, notre expérience nous amène à confirmer un phénomène valable dans de nombreux pays, à savoir que la participation est encore toujours l’affaire d’un public favorisé ou disposant d’un profil socio-économique plutôt élevé. Tout le monde n’est pas obligé de participer… mais les autorisations et plans et programmes concernent tout le monde, riches comme pauvres.

Pour que la participation soit accessible à tous, il faudrait la repenser en cherchant à toucher un public moins favorisé socialement.

3.3 Accès à l’information sur l’environnement

L’accès à l’information relative à l’environnement n’est pas toujours aisé à Bruxelles.

Cette disposition stipule notamment que « Chaque Partie fait en sorte que, sous réserve des paragraphes suivants du présent article, les autorités publiques mettent à la disposition du public, dans le cadre de leur législation nationale, les informations sur l’environnement qui leur sont demandées, y compris, si la demande leur en est faite et sous réserve de l’alinéa b) ci-après, des copies des documents dans lesquels ces informations se trouvent effectivement consignées, que ces documents renferment ou non d’autres informations :
a. sans que le public ait à faire valoir un intérêt particulier ;
b. (…) »

Dans la pratique, les modalités d’accès à l’information ne sont pas toujours optimales. C’est ainsi que, notamment, les dossiers mis à l’enquête publique en vertu de la Convention d’Aarhus ne sont pas souvent sur internet et ne sont pas non plus communiqués en version électronique à la demande du public. Les habitants doivent se déplacer à la commune pour consulter des dossiers de demandes de permis d’urbanisme et d’environnement avec des délais de consultation pouvant être très courts (15 jours). Le fait que le plus souvent les dossiers ne sont pas disponibles en copie électronique implique des coûts de photocopies pouvant être importants quand les dossiers sont volumineux. Parfois, l’obtention de la copie du document demandé impose aussi un second déplacement auprès de la commune…

En vertu de cette disposition, « Une demande d’informations sur l’environnement peut être refusée si :
a) L’autorité publique à laquelle la demande est adressée n’est pas en possession des informations demandées ;
b) La demande est manifestement abusive ou formulée en termes trop généraux ; ou
c) La demande porte sur des documents qui sont en cours d’élaboration ou concerne des communications internes des autorités publiques à condition que cette exception soit prévue par le droit interne ou la coutume, compte tenu de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public.

4. Une demande d’informations sur l’environnement peut être rejetée au cas où la divulgation de ces informations aurait des incidences défavorables sur :
a) Le secret des délibérations des autorités publiques, lorsque ce secret est prévu par le droit interne ;
b) Les relations internationales, la défense nationale ou la sécurité publique ;
c) La bonne marche de la justice, la possibilité pour toute personne d’être jugée équitablement ou la capacité d’une autorité publique d’effectuer une enquête d’ordre pénal ou disciplinaire ;
d) Le secret commercial et industriel lorsque ce secret est protégé par la loi afin de défendre un intérêt économique légitime. Dans ce cadre, les informations sur les émissions qui sont pertinentes pour la protection de l’environnement doivent être divulguées ;
e) Les droits de propriété intellectuelle ;
f) Le caractère confidentiel des données et/ou des dossiers personnels concernant une personne physique si cette personne n’a pas consenti à la divulgation de ces informations au public, lorsque le caractère confidentiel de ce type d’information est prévu par le droit interne ;
g) Les intérêts d’un tiers qui a fourni les informations demandées sans y être contraint par la loi ou sans que la loi puisse l’y contraindre et qui ne consent pas à la divulgation de ces informations ; ou
h) Le milieu sur lequel portent les informations, comme les sites de reproduction d’espèces rares.

Les motifs de rejet susmentionnés devront être interprétés de manière restrictive compte tenu de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public et selon que ces informations ont trait ou non aux émissions dans l’environnement. »

Les documents demandés auprès des autorités bruxelloises sont parfois refusés sans fondement légal ou bien ne font l’objet d’aucune réponse. IEB en a fait l’expérience à plusieurs reprises ses dernières années. Nous exposerons ici trois cas pour étayer notre propos.

En 2010, IEB a demandé par écrit le projet de cahier des charges d’un rapport sur les incidences environnementales d’un plan d’affectation du sol en cours d’élaboration. Prétendant que le document était inachevé, la commune d’Uccle avait refusé de communiquer le document demandé. Le projet de cahier des charges était pourtant bien un document achevé, dès lors qu’il avait été arrêté par le collège des Bourgmestre et Echevins. Trois ans plus tard, après un passage par le Conseil d’État, la Commission régionale d’accès aux documents administratifs (CADA) a finalement dû donner raison à IEB. Suite à cela, le document fut finalement délivré par la commune.

Le deuxième cas est assez similaire. Alors que le projet de modification du plan régional d’affectation du sol (PRAS démographique) était à l’enquête publique, IEB a demandé à l’administration régionale de recevoir une copie d’une étude qui était présentée, dans les motivations du projet de plan, comme base fondamentale de la réflexion. Avec la motivation que le document n’était pas encore publié et n’était donc pas disponible, l’administration régionale a refusé de communiquer le document. À la demande d’IEB, la CADA a donné un avis sur ce refus. La CADA a considéré que l’argument de la Région n’était pas recevable dès lors qu’il apparaissait clairement que l’étude demandée était achevée et en possession de la Région. La CADA a considéré que l’étude devait être donnée en consultation à IEB. Faisant suite à cet avis, IEB a adressé une demande de reconsidération à l’administration, qui n’a donné aucune suite à cette demande… N’ayant toujours pas accès au document, IEB a été contrainte d’introduire un recours devant le Conseil d’État afin d’obtenir le document. Le Conseil d’État a finalement donné raison à IEB dans un arrêt datant du 10 octobre 2013. Malgré cela, la région n’a toujours pas donné accès au document demandé…

Un troisième cas. L’adoption définitive de la modification partielle du PRAS a été adoptée par le Gouvernement le 3 mai 2013. Dans l’attente d’une publication de ce document au Moniteur Belge, IEB souhaitait pouvoir le lire… et en a donc demandé une copie à la Région. Cette demande est restée lettre morte et IEB a dû attendre que le document soit publié au Moniteur Belge, le 29 novembre 2013 soit huit mois plus tard, pour pouvoir lire l’arrêté...

Nous avons cité trois cas vécus de refus, il y en a d’autres…

Le rejet d’une demande d’informations est notifié par écrit si cette demande a été faite par écrit ou si son auteur sollicite une réponse écrite. Dans la notification du rejet, l’autorité publique expose les motifs de ce rejet et informe l’auteur de la demande du recours dont il dispose en vertu de l’article 9. Le rejet de la demande est notifié aussitôt que possible et au plus tard dans un délai d’un mois, à moins que la complexité des informations demandées ne justifie une prorogation de ce délai, qui pourra être porté au maximum à deux mois. (…)

L’absence de réponse, fréquente, pose réellement question en termes de bonne gouvernance. Si l’autorité publique estime ne pas devoir faire droit à une demande d’accès à l’information environnementale, il semble logique que le demandeur puisse connaître les raisons d’une telle décision. D’autre part, et tandis qu’en vertu du paragraphe 7 de l’article 4 de la Convention d’Aarhus, toute décision de rejet d’information doit être faite par écrit, indiquer les motifs de rejet et les recours possibles et leurs délais, l’absence de réponse ne contient évidemment pas toutes ces informations….

3.4 Rassemblement et diffusion d’informations sur l’environnement

Cette disposition stipule que « Chaque Partie veille à ce que, dans le cadre de la législation nationale, les autorités publiques mettent les informations sur l’environnement à la disposition du public de façon transparente et à ce que ces informations soient réellement accessibles (…) »

Il est fréquent que les pouvoirs publics sollicitent la réalisation d’études environnementales et que celles-ci, une fois réalisées, ne soient jamais rendues publiques. Ces informations, sur lesquelles l’autorité base sa décision (en tout ou en partie), sont dans les faits trop souvent inaccessibles, ce qui nuit à la transparence requise à l’article 5 paragraphe 2. On peut par exemple citer le cas de l’étude préparatoire au projet de modification du Plan Régional d’Affectation du Sol (dont question dans le commentaire sur l’application de l’article 4) que la Région refuse de communiquer jusqu’à aujourd’hui, alors pourtant qu’elle a été demandée à plusieurs reprises et que le Conseil d’État, et la CADA (Commission d’Accès aux Documents administratifs), ont toutes deux dit qu’IEB devait pouvoir consulter l’étude...

3.5 Participation du public aux décisions ayant des incidences sur l’environnement

« Chaque Partie :
a) applique les dispositions du présent article lorsqu’il s’agit de décider d’autoriser ou non des activités proposées du type de celles énumérées à l’annexe I ;
b) applique aussi les dispositions du présent article, conformément à son droit interne, lorsqu’il s’agit de prendre une décision au sujet d’activités proposées non énumérées à l’annexe I qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement. Les Parties déterminent dans chaque cas si l’activité proposée tombe sous le coup de ces dispositions ;
c) peut décider, au cas par cas, si le droit interne le prévoit, de ne pas appliquer les dispositions du présent article aux activités proposées répondant aux besoins de la défense nationale si cette Partie estime que cette application irait à l’encontre de ces besoins.
(…)

Pour les différentes étapes de la procédure de participation du public, il est prévu des délais raisonnables laissant assez de temps pour informer le public conformément au paragraphe 2 ci-dessus et pour que le public se prépare et participe effectivement aux travaux tout au long du processus décisionnel en matière d’environnement. »

Les délais d’enquête publique relatifs aux demandes de certificats et permis d’urbanisme et d’environnement susceptibles d’influences notables sur l’environnement (au sens de la Convention d’Aarhus) sont de 15 jours ou de 30 jours suivant ce que prévoit la législation. Une durée de quinze jours n’est pas satisfaisante. Il est difficile pour les citoyens de prendre connaissance d’un dossier, d’en débattre entre voisins et de préparer un avis en 2 semaines. Pour permettre une participation citoyenne, il faudrait prévoir au minimum 30 jours pour toutes les demandes de permis et de certificat.

D’autre part, il faudrait qu’existent des formations « en continu » destinées au public sur ces matières très techniques. Sinon, le public ne peut pas comprendre, suivre et participer en connaissance de cause.

En vertu de cet article, Chaque Partie devrait, lorsqu’il y a lieu, encourager quiconque a l’intention de déposer une demande d’autorisation à identifier le public concerné, à l’informer de l’objet de la demande qu’il envisage de présenter et à engager la discussion avec lui à ce sujet avant de déposer sa demande.

Nous ignorons avec quelle intensité cette présentation est proposée aux promoteurs. Cette information n’est pas disponible dans le rapport de l’administration. En pratique, il est rare que ce type de réunion soit organisé. Nous sommes d’avis que les projets d’envergure et/ou d’intérêt régionaux devraient systématiquement faire l’objet d’une présentation orale et accessible lors d’une réunion d’information en amont de la procédure. Ces rencontres sont très utiles, même si le projet n’est pas encore définitif, car c’est justement à ce stade qu’un projet a le plus de chance d’être revu. Ces réunions ne doivent pas se substituer à la procédure actuelle, mais au contraire la renforcer.

En vertu de cet article : Chaque Partie demande aux autorités publiques compétentes de faire en sorte que le public concerné puisse consulter sur demande lorsque le droit interne l’exige, et gratuitement, dès qu’elles sont disponibles, toutes les informations présentant un intérêt pour le processus décisionnel visé dans le présent article qui peuvent être obtenues au moment de la procédure de participation du public, sans préjudice du droit des Parties de refuser de divulguer certaines informations conformément aux paragraphes 3 et 4 de l’article 4. Les informations pertinentes comprennent au minimum et sans préjudice des dispositions de l’article 4 :
a) une description du site et des caractéristiques physiques et techniques de l’activité proposée, y compris une estimation des déchets et des émissions prévues ;
b) une description des effets importants de l’activité proposée sur l’environnement ;
c) une description des mesures envisagées pour prévenir et/ou réduire ces effets, y compris les émissions ;
d) un résumé non technique de ce qui précède ;
e) un aperçu des principales solutions de remplacement étudiées par l’auteur de la demande d’autorisation ; et
f) conformément à la législation nationale, les principaux rapports et avis adressés à l’autorité publique au moment où le public concerné doit être informé conformément au paragraphe 2 ci-dessus.

L’incomplétude des rapports ou études d’incidences accompagnant des demandes de permis d’urbanisme ou d’environnement est souvent constaté en pratique et est dénoncé lors des enquêtes publiques par les habitants. Ceci est encore plus le cas lorsque les projets sont soumis à rapport d’incidences (en vertu du Code Bruxellois de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme (COBAT) ou de l’Ordonnance du 5 juin 1997 relative aux permis d’environnement) car ces rapports peuvent être rédigés par le demandeur et ne font pas l’objet d’un cahier des charges sur mesure comme le prévoit le COBAT ou l’Ordonnance lorsque le projet est soumis à étude d’incidences. IEB est aussi d’avis que ces évaluations des incidences devraient être toujours rédigées par des bureaux d’étude indépendants, sans lien financier avec le demandeur. Aujourd’hui, seules les études d’incidences sur l’environnement doivent être rédigées par un bureau agréé extérieur au demandeur (au contraire des rapports d’incidences) avec le problème que le bureau d’étude est payé pour son travail par le demandeur de l’autorisation. Ceci ne va pas dans le sens d’un travail de qualité dès lors que les bureaux d’études subissent des pressions et sont potentiellement menacés de ne plus être choisis par les promoteurs si leur étude présente des conclusions défavorables au projet.

D’autre part, il y a lieu de soigner le langage employé dans ces rapports, qui soumis à enquête publique doivent être accessibles à un public non spécialisé.

La procédure de participation du public prévoit la possibilité pour le public de soumettre par écrit ou, selon qu’il convient, lors d’une audition ou d’une enquête publique faisant intervenir l’auteur de la demande toutes observations, informations, analyses ou opinions qu’il estime pertinentes au regard de l’activité proposée.

Actuellement, les observations et réclamations des habitants peuvent être communiquées à la commune par écrit pendant la durée de l’enquête publique ou oralement lors de la tenue d’une commission de concertation intervenant postérieurement. On a vu plus haut que certaines enquêtes publiques n’ont qu’une durée de 15 jours. Par ailleurs, certains habitants n’ont pas la possibilité de se rendre aux réunions de concertation intervenant toujours pendant les heures de bureau. Nous souhaiterions que les habitants reçoivent un délai supplémentaire pour communiquer leur avis.

Chaque Partie veille à ce que, au moment de prendre la décision, les résultats de la procédure de participation du public soient dûment pris en considération.

Les remarques des habitants touchent au bon aménagement des lieux, aux incidences du projet sur l’environnement, au respect de la réglementation en vigueur,...

Si les autorités répondent généralement, de manière plus ou moins complète aux remarques des habitants, ce n’est pas pour autant que ces mêmes remarques influencent les décisions prises. L’autorité dispose en effet d’un pouvoir d’appréciation assez large de ce que doit être le bon aménagement des lieux. Par ailleurs, on peut déroger aux règlements d’urbanisme et une partie de la législation ne contient que des objectifs généraux en matière de protection de l’environnement et peut même n’avoir qu’une valeur indicative… C’est ainsi qu’un projet de construction d’un bureau situé en plein centre-ville dans une zone très bien desservie en transports en commun peut encore aujourd’hui obtenir de nombreux emplacements de parking pour ses employés, malgré les objectifs de réduction du trafic automobile contenu dans les plans régionaux, objectifs qui de ce fait ne sont jamais atteints. L’habitant est confronté à la schizophrénie du pouvoir public qui d’une part se fixe des objectifs ambitieux en matière de protection de l’environnement et d’autre part délivre tous les jours des permis qui vont à l’encontre de ces mêmes objectifs…

Chaque Partie veille aussi à ce que, une fois que la décision a été prise par l’autorité publique, le public en soit promptement informé suivant les procédures appropriées. Chaque Partie communique au public texte de la décision assorti des motifs et considérations sur lesquels ladite décision est fondée.

Même s’il le demande, il est fréquent que le public qui a participé à l’enquête publique sur la demande d’autorisation ne reçoive pas d’office copie des permis d’urbanisme délivrés. Le public n’est pas non plus informé par l’administration compétente du moment où le permis est délivré ou refusé…

En pratique, ce n’est qu’en téléphonant régulièrement à la commune que le public sera informé d’une décision relative à la demande de permis. S’il le demande, il recevra alors une copie du permis délivré.

De plus, la Région a introduit un nouvel article (article 191 du COBAT), qui permet aux demandeurs d’introduire des demandes de permis modificatif sans recommencer la procédure d’enquête publique. In fine, le public ignore quel est le contenu du permis délivré. Il n’est pas rare que les contestations émergent au moment du début des travaux.

3.6 Participation du public en qui concerne les plans, programmes et politiques relatifs à l’environnement

Cet article stipule que « Chaque Partie prend les dispositions pratiques et/ou autres voulues pour que le public participe à l’élaboration des plans et des programmes relatifs à l’environnement dans un cadre transparent et équitable, après lui avoir fourni les informations nécessaires. Dans ce cadre, les paragraphes 3, 4 et 8 de l’article 6 s’appliquent. Le public susceptible de participer est désigné par l’autorité publique compétente, compte tenu des objectifs de la présente Convention. Chaque Partie s’efforce autant qu’il convient de donner au public la possibilité de participer à l’élaboration des politiques relatives à l’environnement. »

Les mécanismes en vue de mobiliser les citoyens posent des difficultés à l’heure actuelle notamment dans le cadre des consultations publiques relatives aux plans et programmes. S’il est difficile de mobiliser le public pour qu’il participe aux consultations publiques, la difficulté est encore plus importante lorsque nous sommes en présence de plans ou de programmes face auxquels de nombreux citoyens se sentent non outillés, non légitimes et complètement démunis. Des améliorations en vue d’assurer une meilleure mobilisation doivent incontestablement être réfléchies en vue de favoriser la participation du public. Ceci avec une réflexion visant à inclure tous les publics.

La durée des enquêtes publiques pour les plans et règlement adoptés à Bruxelles devrait aussi être revue de sorte qu’elle ne soit jamais inférieure à 2 mois pour les plans et règlements communaux et à 6 mois pour les plans et règlements régionaux. Ces documents sont volumineux et il est inconcevable de demander aux habitants de s’informer, de comprendre et de digérer de tels documents dans les délais actuellement imposés.

Comme dit plus haut au sujet des autorisations, il faudrait qu’existent des formations « en continu » destinées au public sur ces matières très techniques. Sinon, le public ne peut pas comprendre, suivre et participer en connaissance de cause.

3.7 Participation du public durant la phase d’élaboration des dispositions réglementaires et/ou d’instruments juridiquement contraignants d’application générale

L’article 8 prévoit que « Chaque Partie s’emploie à promouvoir une participation effective du public à un stade approprié – et tant que les options sont encore ouvertes – durant la phase d’élaboration par des autorités publiques des dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes d’application générale qui peuvent avoir un effet important sur l’environnement. (…) ».

On ne peut pas considérer que participation du public est garantie par l’intermédiaire d’organes représentatifs tenus au sein du Conseil Bruxellois de l’Environnement dès lors que la Convention parle de promouvoir une participation effective du public. D’autre part, comme on l’a vu dans le commentaire du paragraphe 4 de l’article 3, le Conseil de l’Environnement est composé d’acteurs aux intérêts parfois divergents... Ses avis sont l’œuvre chaque fois d’un rapport de force et d’un compromis qui peuvent souvent faire passer la cause de l’environnement loin derrière d’autres préoccupations défendues par les intérêts en présence. Par ailleurs, les avis du Conseil de l’Environnement sont de manière générale très peu pris en compte, en pratique les textes ne sont que très peu modifiés.

Enfin, les délais réservés aux différents conseils d’avis tels que le Conseil de l’environnement ou la Commission régionale de la mobilité pour élaborer et remettre leur avis sont incompatibles avec la possibilité qui devrait être laissées aux associations représentatives y siégeant de consulter leur base avant toute prise de décision.

4. Conclusion

La convention d’Aarhus reconnaît au citoyen le droit de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être et le devoir, tant individuellement qu’en association avec d’autres, de protéger et d’améliorer l’environnement dans l’intérêt des générations futures.

En pratique, on observe qu’un certain état de bien-être ou à tout le moins une certaine sécurité d’existence est nécessaire pour que le citoyen puisse élargir son champ de vision et s’intéresser à ce qui ne le concerne pas au quotidien ou directement.

Par ailleurs, les dossiers à l’enquête publique ne sont en réalité accessibles qu’à un public favorisé et disponible, maitrisant parfaitement l’écrit et connecté à internet.

Sans doute y a-t-il lieu de repenser les modalités de la participation en cherchant à rendre les procédures accessibles à celui qui ne sait ni lire ni écrire les langues officielles et/ou qui ne dispose pas du bagage socio-culturel nécessaire.

Un autre chantier au niveau de la Convention d’Aarhus serait de préciser de quelle manière l’avis du public doit être pris en compte. Le texte de la Convention n’est pas précis et en pratique le citoyen est bien découragé lorsqu’une décision prise sur le plan local rentre en contradiction flagrante avec les plans décidés par les autorités à un niveau supérieur (Plan Régional de Développement, Plan Iris 2 (mobilité),...).


[1La convention d’Aarhus se trouve à l’adresse suivante : http://www.unece.org/fileadmin/DAM/env/pp/documents/cep43f.pdf.