Extraits d’entretiens radiophoniques réalisés de novembre 2014 à février 2015, avec des habitants, commerçants, travailleurs et usagers des quartiers centraux. Trois émissions, en collaboration avec Radio Panik, sont disponibles sur : Le centre-ville à cœur ouvert.
Un des grands dangers, quand on fait un centre de Bruxelles qui commence à ressembler à Walibi c’est que l’Horeca se développe énormément et le commerce utilitaire disparaît. Parce que le commerce utilitaire a besoin d’une facilité d’accès. On voit cela très bien à Bruges. Si vous avez besoin d’un clou à Bruges, vous devez prendre votre voiture et sortir de Bruges. Et ça au niveau écolo c’est pas génial. Si les habitants de Bruxelles doivent prendre la voiture pour sortir en périphérie pour faire des achats c’est pas un gain ni de mobilité, ni de facilité, ni en pollution. Il faut quand même que tous les vrais commerces, pas l’Horeca, puissent rester au centre de la ville. Et ça c’est quelque chose que la Ville doit prendre en compte et qu’elle ne prend pas en compte. Moi je vois que l’Horeca explose et que tous les commerces utilitaires disparaissent.
Hugo Desmecht, herboriste qui a deux commerces, place Sainte-Catherine et rue de l’Ecuyer.
Il faudrait faire en sorte que tous les quartiers même si ils ne sont pas proches de Bruxelles-centre, même si ils ne sont pas touchés par le tourisme, il faudrait en prendre soin parce que c’est l’image de Bruxelles en général. Si ils embellissent, ils embellissent la ville et puis qu’au final les petits quartiers aux alentours deviennent limite des bidons-villes, je ne vois pas trop l’intérêt. Mais la base de diriger un pays c’est pas de ramener des touristes, c’est de contenter les habitants. L’économique qui tourne au niveau du tourisme devrait être un plus, la Ville ne devrait pas être dépendante de l’économie du tourisme.
Karim, 17 ans, Abdel, 16 ans, Samy, 17 ans, Isaac 15 ans, habitants du quartier Anneessens.
Le problème qui risque de se passer c’est que les loyers vont augmenter. Déjà, au centre-ville avant pour 400€ vous aviez un logement, maintenant en dessous de 1 000€ pour avoir un 2 chambres ici, si vous avez pas un logement social vous êtes dans la merde quoi. Faut pas oublier que Rue Antoine Dansaert et tous ces quartiers-là il n’y avait que les immigrés qui habitaient là avant. Il n’y avait pas un Flamand ou un Ucclois qui venait s’aventurer là.
Latifa, 48 ans, habitante du boulevard Anspach, quartier Anneessens, depuis 20 ans.
J’habite ici depuis 17 ans, au 6e étage, le dernier étage… J’habite au Paradis. Et je suis contente sinon je ne serais pas restée aussi longtemps. Avant j’habitais à Berchem-Sainte-Agathe en face de l’hôpital français. Je voulais venir en ville parce que c’était plus facile pour moi et j’avais l’occasion d’avoir un appartement ici et j’en ai profité parce que c’est très rare d’avoir un appartement ici, ils sont tellement chers en ville. Ici c’était raisonnable et j’ai toutes les facilités. On a tous les magasins, on a tout autour de soi, si on a besoin d’un médecin ou de n’importe quoi.
Fernande, 96 ans, habitante de la résidence Canler, rue Borgval, face à l’Ancienne Belgique.
Je trouve que cette façon de concevoir la ville est complètement ringarde, dépassée. C’est la transformation radicale d’un endroit particulièrement tranquille. Une des raisons pour lesquelles j’aime être ici… Il faut revenir plus à cette notion de « village » qui s’agglutine, où chaque quartier à une vraie vie, sa mixité, ses artisans... Un parking ça vient complètement à l’encontre de ce modèle possible de « vie de village » qui me paraît intéressante parce qu’elle est à hauteur humaine, c’est pour nous, c’est pour les habitants, avoir la boulangère par loin, le boucher… Ce parking vient plus que bousculer des vies, c’est faire fuir, ça vient nous déloger ni plus ni moins.
Marie-Line, la cinquantaine, habitante de la Place Rouppe.
Vous devez savoir que le quartier est en train d’évoluer. Le quartier populaire est en train de partir, comme dans toutes les grandes villes. Parce que l’immobilier coûte de plus en plus cher parce qu’il y a une attractivité à pouvoir habiter la ville, à être proche de son lieu de travail, proche des lieux artistiques et touristiques donc ça amène une nouvelle clientèle. Et cette nouvelle clientèle si elle n’adopte pas le quartier, si elle ne l’aime pas, elle va aller ailleurs. Et nous comme commerçants on préfère que cette catégorie puisse utiliser le quartier.
Nour Eddine Layachi, président de l’association des commerçants Stalingrad-Lemonnier.