Inter-Environnement Bruxelles
© IEB - 2021

Un règne nous sépare

Ce dossier ne pouvait faire l’impasse sur une approche philosophique de la relation de nos sociétés occidentales au « règne végétal » – et partant aux plantes ligneuses [1] que sont les arbres. Une abondante littérature, actuelle, aux titres évocateurs, y invitait également. Discussion avec Quentin Hiernaux, philosophe [2].

© Caroline Bonfond - 2023

Penser comme un arbre, Je crois aux arbres, À quoi pensent les plantes ?, La vie secrète des arbres, Plaidoyer pour l’arbre… Ces livres parus récemment invitent à reconsidérer nos liens avec le monde végétal au sein duquel les arbres ont une place à part. Souhaitant interroger la nature et l’évolution de ces liens, j’ai rencontré Quentin Hiernaux, philosophe, qui consacre pour partie sa recherche aux paradoxes de nos rapports aux plantes. « Alors même que la société occidentale moderne a accordé une considération morale faible voire inexistante à la plante individuelle, les mutations écologiques contemporaines nous poussent désormais à insister sur la valeur des formations végétales, assimilées à l’environnement, envers lequel nous avons une responsabilité morale et juridique [3]. »

Pour une écologie du sens

Les luttes menées par des habitant·es sur le territoire de la Région bruxelloise pour défendre des entités naturelles (marais Wiels, friche Josaphat, bois Georgin…) nous racontent que cette responsabilité ne va pas de soi. Une bataille se joue en filigrane. Tout se passe comme si face à une écologie comptable, celle des expert·es, des compensations, de la quantification (coefficient de potentiel de biodiversité par surface, flux géniques des corridors écologiques…), se dressait une écologie affective, réactive, désireuse d’une nouvelle éthique à l’égard du règne végétal, qui veut reconnaître l’altérité et l’individualité végétales. Les collectifs qui luttent pour préserver les arbres en ville adhèrent davantage à cette écologie des sens. Toutefois, pour légitimer leur « concernement », ces « amoureux·ses » d’un bois, d’un étang, ou d’un marais, sont contraint·es d’emprunter le discours des expert·es sur l’état de la biodiversité (des espèces, des écosystèmes, des couloirs écologiques, des services) [4].

Le concept de services – et dans une certaine mesure de fonctions écosystémiques –, qui est au cœur de l’écologie comptable, renvoie à une logique très anthropocentriste où l’humain est au centre d’un monde naturel pensé dans une perspective utilitaire. « Il y a plusieurs raisons à cela, notamment le fait que, dans la société occidentale néolibérale capitaliste actuelle, cela fait partie du vocabulaire qui est audible au niveau des décideurs politiques, des gens qui prennent les décisions et qui aussi financent la recherche, y compris en écologie. Parler de services écosystémiques revient à monétiser les relations que l’on a avec le vivant. Jacques Tassin, écologue de Montpellier, aborde ces questions dans son livre Pour une écologie du sensible et en fait sa ligne directrice. C’est une erreur de fonder l’écologie sur une logique quantitative dont le vocabulaire est issu de l’économétrie. Se contenter de mesurer la biodiversité ne suffit pas si l’on veut faire bouger les lignes. Ce qu’il faut, c’est une écologie du sens. Un vocabulaire beaucoup plus incarné. L’idée est de s’intéresser à, d’entrer en contact avec. L’écologie numérique, les bases de données génétiques, est probablement intéressante pour mesurer toutes sortes de choses, mais ce n’est clairement pas suffisant pour pouvoir sensibiliser les gens, tisser des liens au vivant. »

C’est une erreur de fonder l’écologie sur une logique quantitative dont le vocabulaire est issu de l’économétrie.

Résorber la fracture entre plantes et animaux

La culture occidentale moderne a véritablement séparé nature et culture, mais elle a aussi séparé les animaux des plantes. « Le monde végétal, est rangé du côté de la “pure nature”, comme une extériorité radicale avec laquelle nous n’avons pas d’interaction sociale thématisée en tant que telle. Pourtant, dans les faits, historiquement, nous avons de nombreux liens hautement symboliques avec les arbres (lire l’encadré ci-dessous sur les arbres remarquables). [5]) mais non conscientisés, explicités, assumés comme tels. Dans des cultures animistes par exemple, les humains développent des relations éthiques, sociales, voire politiques avec l’ensemble du monde vivant, y compris des plantes. »

Pour retrouver le creuset de cette séparation entre animaux et plantes, on peut remonter loin dans les fondements d’une certaine culture occidentale. Pensons à l’histoire contée dans le livre de la Genèse où Noé est choisi par Dieu pour survivre et perpétuer sa lignée et les sauver du Déluge que le Divin s’apprêtait à faire tomber sur Terre. Noé reçoit de Dieu des instructions très précises quant à la construction de son arche (un rez +3 avec toiture) et de ce qu’il doit y charger : vivres, femmes et enfants, sans oublier des spécimens de toutes les espèces animales existantes. Mais aucun végétal ne prendra place à bord.

Serait-ce, loin d’un oubli, l’assurance que le végétal peut toujours renaître d’un « rameau » là où les animaux se noient dans les flots ? « Une cellule végétale contient en effet en elle toutes les informations génétiques nécessaires à la réplique d’une même plante, cette habilité qui se nomme totipotence. Toutes les cellules du corps humain animal peuvent aussi se répliquer, mais elles ne peuvent accéder à un niveau supérieur, se différencier en autre chose que ce qu’elles étaient déjà. » Ainsi, « la véritable fracture ontologique de notre tradition occidentale, restée largement non interrogée, se situe entre l’animalité et la végétalité. Après tout, même si nous sommes des êtres humains, nous sommes avant tout des animaux. Ces derniers partagent ainsi avec nous, logiquement, de nombreux points communs. Mais les plantes ? Un monde de différences nous sépare, un règne plus précisément. Les botanistes et philosophes de l’époque moderne ont constaté que toucher à cette frontière remettait en cause tout un édifice métaphysique et moral [6] ».

Aujourd’hui cependant, au-delà du constat scientifique que l’humain ne pourrait vivre sur Terre sans les nombreux apports des végétaux (alimentation, oxygène, cycle de l’eau, biomasse…), précisément regroupés désormais sous le parapluie des « services écosystémiques », certain·es botanistes reconnaissent des qualités cognitives aux végétaux. L’intelligence ne serait plus le monopole d’Homo sapiens. Selon Francis Hallé, dendrologue et biologiste français, est intelligent tout être vivant qui arrive à résoudre des problèmes qu’il rencontre au cours de son existence afin d’assurer sa survie ou son bien-être. Deux qualités majeures sont requises : savoir apprendre et savoir garder en mémoire. Cette acception laisse de la place à tous les êtres vivants. Peter Wohlleben, garde forestier et auteur à succès, nous assure dans La Vie secrète des arbres que ceux-ci communiquent entre eux comme de véritables êtres sociaux, qu’ils ont une personnalité et développent une forme de vie sociale basée sur l’entraide et l’échange. Ils ressentent le monde extérieur, se défendent contre les agresseurs et échangent des messages entre eux par les sols ou par les airs, en particulier en cas de danger. Plus surprenant encore, ils savent compter, apprendre et mémoriser.

Ils ressentent le monde extérieur, se défendent contre les agresseurs et échangent des messages entre eux par les sols ou par les airs, en particulier en cas de danger.

Des plantes intelligentes ?

« Il y a toute une série de courants de pensée en philosophie contemporaine qui défendent que la cognition est à la fois incarnée et étendue parce que l’intelligence se manifeste toujours à travers des comportements de l’individu dans sa relation à son environnement. Il est évident qu’un organisme qui serait insensible et incapable de s’adapter à son environnement au cours de sa vie ne devrait pas survivre. Être en capacité de garder en mémoire des expériences passées pour pouvoir s’adapter à des situations nouvelles, de communiquer, de coopérer sont des caractéristiques intrinsèques à la définition du vivant ou en tout cas des manifestations de ce qu’est la vie, y compris même au niveau bactérien.

Mais il y a encore beaucoup de préjugés dans la façon d’aborder ce qu’est la vie végétale, indépendamment du fait que dans l’évolutionnisme il n’y a pas de réelle frontière entre le monde végétal et le monde animal, il y a des caractéristiques qui sont évidemment déterminantes et très importantes pour décrire l’un et l’autre, mais il y a une continuité dans l’histoire de l’évolution. Nous partageons en effet des caractéristiques, des fonctions communes. Par exemple, végétaux et animaux sont régulés par des rythmes circadiens, ils fonctionnent en alternance du jour et de la nuit calquée sur le cycle astronomique. Au niveau cellulaire et génétique, nous avons des séquences identiques. En fait, nous avons entre 30 et 60 % de gènes communs avec un arbre, qui sont tout simplement des gènes essentiels à la vie. »

Quand bien même la recherche scientifique atteste ces similitudes et cette continuité, il s’agit de rester très prudent quant à la notion d’apprentissage. Souvent, les termes sont galvaudés et non contextualisés en fonction des espèces et des expériences menées. « Il y a au moins deux grandes manières de relater la notion d’intelligence des plantes. Les biologistes vont interpréter un comportement, quel qu’il soit, dans le cadre de la théorie de l’évolution, en évitant tout anthropomorphisme et, par exemple, bannir des mots comme “l’arbre se sacrifie pour laisser croître sa progéniture”, préférant “la stratégie adaptative de telle espèce pour maximiser le succès de sa descendance” même si effectivement une stratégie altruiste est à l’œuvre qui consiste à faire bénéficier davantage de nutriments à un autre individu. Certains auteurs qui font de la vulgarisation seront plus enclins à utiliser ce type de vocabulaire parce qu’ils estiment que c’est plus mobilisateur. C’est une distorsion des concepts pour rendre sensible la société dans son ensemble aux aptitudes du monde végétal. »

Les plantes ont des modalités d’apprentissage et de mémoire qui sont différentes de celles qu’on observe dans le monde animal. « Les végétaux ont une mémoire de type cellulaire. Déterminer les modalités exactes de cet apprentissage est polémique. Il y a une dispute dans la littérature scientifique actuelle pour savoir s’il y aurait de l’apprentissage par association chez les plantes. On sait qu’il y en a par situation parce qu’on dispose d’éléments au niveau des études moléculaires, qui démontrent qu’une plante qui a déjà subi un certain stress dans le passé, de manière plus ou moins répétée, va s’y habituer en produisant des réponses plus efficaces ou plus rapides dès lors qu’elle y a déjà été exposée. Par contre, les expériences ne sont pas univoques quant à la capacité des plantes à associer deux types de stimuli. Il est très difficile de mettre au point ce type d’expériences avec des plantes. Il faut inventer des dispositifs qui n’existent pas puisqu’ils ont été conçus pour l’apprentissage par association des animaux (des rats ou des pigeons qui appuient sur des boutons dans des cages, le chien qui salive au son d’une cloche lui rappelant son repas). »

Par ailleurs, si l’on peut apprécier l’intelligence d’un organisme à la façon dont il va résoudre des problèmes de son environnement et mobiliser les différentes ressources ou autres organismes qui sont en relation avec lui, les végétaux sont bien sûr capables de développer toutes sortes de stratégies. « Mais, pour s’en rendre compte, il faut pouvoir les étudier plus collectivement ou dans leurs interactions. Pendant très longtemps, cela n’a pas été le cas puisqu’on a une logique de laboratoire où l’on va épurer le sujet, contrôler au maximum les paramètres pour n’en faire varier qu’un seul et ainsi l’isoler. Mesurer des interactions est fort complexe, cela demande de démultiplier les facteurs. Donc on n’a pas forcément une vision très claire de ce genre de phénomènes. Mais, de plus en plus, on est capable d’étudier sur le terrain. On n’observe pas la même chose en laboratoire ou bien sur le terrain. C’est encore plus vrai au niveau des végétaux. Il y a des communautés biologiques et des interactions symbiotiques entre plantes (les arbres en ont avec des champignons par le système racinaire), qui permettent de réguler les comportements dans la nature. »

Le gros problème éthique est que la valeur intrinsèque du vivant n’est pas reconnue en dehors de celle de l’humain.

De la valeur marchande à une éthique du vivant

Les éthiques de l’environnement datent des années 1960. Venues des États-Unis, elles se sont beaucoup développées dans les années 2000 en Europe lire p.12-14 . Elles témoignent d’une progression lente et timide de la pensée et du droit de l’environnement.

« Le gros problème éthique est que la valeur intrinsèque du vivant n’est pas reconnue en dehors de celle de l’humain. C’est-à-dire que, dans la plupart des éthiques dont le droit s’inspire, les humains ont une valeur en soi absolue qui n’est pas interchangeable. On ne peut pas réduire votre valeur à la valeur instrumentale que vous avez. Par contre, on le fait pour les animaux et les végétaux. Si je tue votre vache laitière, je vais être condamné à la remplacer par une autre ou par la somme qu’elle vaut sur le marché pour les humains. Les éthiques de l’environnement défendent la valeur intrinsèque des animaux, des végétaux, d’entités (fleuve, forêt…) et dès lors non-interchangeable. »

Les arbres dits remarquables et les arbres inscrits sur la liste de sauvegarde nationale qui sont protégés au titre de « monuments historiques » échappent quelque peu à cette dichotomie puisqu’ils ont à la fois une valeur intrinsèque (même si philosophiquement et éthiquement cela est très discutable puisque cela revient à les reconnaître comme du mobilier urbain) et une valeur instrumentale. « En fait, un arbre remarquable en soi a une valeur intrinsèque parce que c’est un individu unique qui est protégé. Or, la loi prévoit que vous pouvez résoudre par transaction un conflit en cas d’abattage d’un arbre remarquable en réglant une amende de 1 500 euros. La loi est faite de sorte qu’on reconnaisse le caractère interchangeable d’une entité individuelle alors même que vous ne pourrez pas recréer l’individu. »

Opérer une révolution de nos rapports au monde végétal exige de consacrer du temps à son étude. Les enfants n’ont quasi pas de cours d’éveil à la reconnaissance (exploration, observation) de cette altérité alors même qu’ils n’ont jamais été autant exposés aux discours d’effondrement de la biodiversité des espèces. Il y a donc un travail d’éducation du regard à accomplir. Apprendre à reconnaître des essences d’arbres, de plantes est un préliminaire à la capacité à se mobiliser pour défendre cette altérité. « C’est essentiel. Les cours de botanique ont été supprimés des programmes de l’enseignement fondamental. Depuis cette année, un tout nouveau cours facultaire d’introduction aux enjeux de la durabilité, donné sous forme de conférences interdisciplinaires, est ouvert à l’ensemble des étudiants de l’ULB, quelle que soit leur discipline. J’y ai exposé les aspects historiques et philosophiques du rapport à la nature. Par ailleurs, des collègues en philosophie politique ont créé un groupe de recherche : Rendre le vivant politique. Une de leur récente réunion était consacrée aux friches urbaines et à la problématique du marais Wiels. Donc, les lignes bougent aussi au sein de l’institution universitaire qui s’ouvre aux réalités de terrain. » Mais les études universitaires ne s’adressent pas à tout le monde et arrivent assez tard dans la « jeunesse ».

Apprendre à reconnaître des essences d’arbres, de plantes est un préliminaire à la capacité à se mobiliser pour défendre cette altérité.

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Des arbres remarquables

Aparté avec Quentin Hiernaux au sujet de son article sur les arbres remarquables [7]

Dans toutes les cultures, les arbres jouent un rôle symbolique et social central. Dans nos régions, depuis l’Antiquité, certaines essences tel le chêne, le tilleul, le hêtre, en raison de leurs dimensions, de leur longévité ou de leur localisation, remplissent des fonctions spécifiques de spatialisation et temporalisation de communautés humaines. Qualifiés parfois de « remarquables », ils sont arbres guérisseurs, arbres à clous ou à loques (sur lesquels on cloue des morceaux de vêtements ayant été en contact avec la peau d’un malade, comme à Stambruges où le culte est encore bien vivant !), arbres de justice, arbres bornes (remplacés par des pierres au XIXe siècle), arbres frontières, arbres corniers (pour marquer le coin d’une propriété), arbres de naissance, de mariage ou de mort, arbres repères permettant aux voyageurs de s’orienter (d’aucuns ont été dynamités durant la Seconde Guerre mondiale pour désorienter l’ennemi sur le terrain), arbres commémoratifs comme les arbres de la Liberté plantés à la Révolution française…

Si l’arbre remarquable en tant qu’arbre n’est protégé dans le droit que depuis le XXe siècle, il est depuis très longtemps inclus dans le droit en vertu des fonctions qu’il assure. Les arbres de justice, par exemple, bénéficiaient d’un certificat d’inviolabilité : s’attaquer à eux était une attaque directe à la représentation du pouvoir en place.

Aujourd’hui, en Région bruxelloise, tout arbre qui répond à certains critères de taille et d’âge est implicitement considéré comme remarquable lire p. 10-11. Même si la loi a évolué, délaissant une reconnaissance explicite « arbre remarquable », dans les faits cela n’immunise pas d’un abattage, même dans l’espace public. « Je n’ai pas mené d’enquête sociologique à ce sujet. Je ne sais pas dans quelle mesure cela se traduit par une meilleure protection des arbres. Il n’empêche, tous les mois, je lis dans la presse des articles de gens indignés parce que dans leur commune, ou le long des voies de chemin de fer ou dans une propriété, on a abattu sans permis. »

« C’est facile d’abattre un arbre. Le montant des astreintes est ridicule par rapport à l’acte commis. Si vous êtes prêt à dépenser 50 000 euros pour construire une piscine dans votre jardin, que représente une amende de 1 500 euros ? C’est encore plus vrai pour un promoteur immobilier qui va construire un immeuble qui va lui rapporter des millions. S’il est poursuivi, parce qu’il faut encore que quelqu’un se plaigne, il va régler l’amende par transaction pénale. »

C’est donc une « vraie fausse » protection. D’autres options sont possibles au-delà de l’augmentation de l’astreinte qui, même à 50 000 euros, reste une somme dérisoire pour les promoteurs immobiliers. « Il y a aussi ce que je suggère dans mon article : des travaux d’intérêt général. Par ailleurs, des gens qui, en toute bonne foi, ont abattu un arbre sans savoir qu’il était remarquable se retrouveraient à devoir payer toute leur vie. Tandis que prester un nombre conséquent d’heures de restauration écologique, cela ferait réfléchir et ce serait plus utile. D’autres pistes peuvent être envisagées. Sans être juriste, une piste me semble être le droit de préemption que les pouvoirs publics pourraient utiliser sur toutes les parcelles où il y a des arbres remarquables qui sont menacés puisque l’État doit respecter les lois qu’il a promulguées. De toute façon, dans les faits, si l’on respecte la loi, la parcelle du terrain où un arbre remarquable demeure est “perdue” puisqu’on n’a ni le droit d’abattre ni de rien aménager autour du système racinaire qui correspond à trois fois la largeur de sa couronne. Donc, quiconque est prêt à acquérir ce terrain est prêt à ne pas faire usage de la totalité du terrain. Il faut envisager cette solution comme quelque chose de dynamique vu que l’État est pérenne. Certes, un arbre remarquable peut vivre des centaines d’années, mais il en meurt chaque année et, à ce moment-là, les parcelles peuvent être vendues. » La terre, sa vente et la plus-value réalisée restent dans l’escarcelle des pouvoirs publics. Le risque est grand bien sûr de voir couper tout arbre avant qu’il n’atteigne les dimensions requises pour devenir « remarquable ». Le débat sur les manières de protéger les arbres est ouvert.


[1Ligneux : se dit d’une tige qui est formée de bois ou qui a la consistance du bois.

[2Philosophe, chercheur qualifié au Fonds de la recherche scientifique (FNRS) et enseignant à l’ULB.

[3Q. HIERNAUX, « De quelques constats et difficultés de notre rapport éthique aux plantes », La Pensée écologique, dossier spécial « Repenser le statut des plantes », 2020/2 (no 6), Presse universitaire de France.

[4Par ailleurs, il est impossible aujourd’hui, dans une Région bruxelloise où la population est fortement polarisée économiquement et socialement, de dire son attachement à la nature sans le replacer dans la tension foncière qui se joue sur les dernières terres vacantes et en prenant en considération les inégalités environnementales à l’échelle du territoire. Mais ces points ne seront pas discutés dans cet article.

[5Q. HIERNAUX, « Les arbres remarquables : mutations des fonctions et des représentations », article à paraître en 2023 dans les Actes de la journée d’étude « Face à l’arbre : un traduire sensible », édité par Gilles Picarel.

[6Q. HIERNAUX, Du comportement végétal à l’intelligence des plantes ?, éditions Quæ, 2020, p.20.

[7Op cit. « Les arbres remarquables… »