Inter-Environnement Bruxelles
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Tour et Taxis : des parkings encore et encore...

Thierry Kuyken – 12 janvier 2012

Sur le site de Tour et Taxis dans la zone située sur Bruxelles-Ville (rue Picard et avenue du Port), le promoteur Project T&T a introduit une demande de permis pour la construction du futur siège de Bruxelles Environnement. L’analyse du projet fait apparaître plusieurs contradictions par rapport aux affectations (logements et parc) prévues par le schéma directeur et notamment par une demande démesurée d’emplacements de stationnement. Inter-Environnement Bruxelles demande aux autorités publiques d’amender sérieusement ce projet.

L’immeuble, construit aux standards passifs, est voué à accueillir le nouveau siège de Bruxelles-Environnement. Mais la demande porte également sur l’extension de la capacité de stationnement à 1 551 emplacements de parking pour la seule ZIR 6B.

Un comble pour un lieu qui se veut à la pointe du progrès et qui entend accueillir l’administration bruxelloise en charge des matières environnementales. IEB n’a pas manqué de dénoncer la supercherie. En attendant l’avis de la commission de concertation, voici notre analyse du projet et les remarques que nous avons émises.

1) Un alignement au milieu d’un parc

L’implantation choisie pour accueillir le futur bâtiment de l’IBGE définit de fait un nouveau front bâti sur le site de Tour et Taxis. Ceci est d’autant plus clair que deux autres bâtiments sont vraisemblablement projetés dans ce même alignement. Pour Inter-Environnement Bruxelles, ceci n’est pas acceptable.

D’une part, un PPAS est en cours d’élaboration. Celui-ci n’a pas encore fait l’objet d’un débat public et devra être soumis à enquête publique en temps voulu. D’autre part, si l’étude d’incidence pointe le fait que l’alignement prévu est conforme à l’arrêté du gouvernement qui situe effectivement la limite de la zone bâtissable dans l’axe du pont des Armateurs, il est par contre tout à fait contraire au schéma directeur qui prévoit lui un grand parc public sous la forme d’une large coulé verte traversant tout le site depuis le pont de Laeken jusqu’à l’avenue du port. Par ailleurs, l’arrêté du gouvernement fixe une limite à ne pas dépasser vers le Sud du site, mais n’interdit pas de reculer le front bâti vers le Nord. Or, à ce stade, on ne peut présumer des résultats du processus d’élaboration du PPAS en cours.

2) L’accès au site

L’accès au site pose lui aussi de nombreux problèmes qui ne peuvent être résolus sans une idée globale des solutions préconisées en matière de mobilité pour l’ensemble du site. D’une part, le carrefour de l’avenue du Port et de la place des armateurs fera dans l’avenir encore l’objet de nombreux arbitrages qui excluent toute proposition définitive d’accès au site. D’autre part, l’implantation de l’entrée dans l’axe de l’espace public et du parc aura certainement une influence sur la qualité de ceux-ci.Il convient de découpler la demande de permis pour le bâtiment de l’IBGE et l’aménagement définitif de l’accès principal au site, qui doit attendre les résultats de l’élaboration en cours du PPAS.

3) La halle de transit

Tout comme la halle aux huiles et poissons, la halle de transit marque fortement le site et rappelle son passé ferroviaire. Il convient de préserver et de restaurer cet élément de patrimoine qui peut très bien être intégré au parc et accueillir des fonctions utiles au site. Ceci est confirmé par l’étude d’incidence qui en recommande le maintien d’un point de vue patrimonial. Plus qu’une rupture dans le parc, la halle de transit peut, en fonction des aménagements choisis, contribuer à conférer son caractère unique au parc.
Les arguments avancés par le chargé d’étude pour détruire la halle ne sont pas acceptables, notamment parce qu’ils présument de ce que pourrait autoriser un PPAS qui n’existe pas à ce jour. Pour rappel, le schéma directeur préconise le développement du site dans le respect du patrimoine restant.
Enfin, la démolition de la halle de transit n’est pas nécessaire pour mettre en œuvre l’élément principal de la demande de permis, soit le bâtiment destiné à l’IBGE. Il n’est pas acceptable de justifier la démolition de la halle de transit par l’installation d’un parking provisoire (voir point 4 de la présente note).

Inter-Environnement Bruxelles s’oppose donc fermement à la démolition de la halle de transit.

4) Les emplacements de parking

Le décompte du nombre d’emplacements de parking, actuel, futur, permanent et temporaire nous semble pour le moins obscur. Ce qui est évident c’est que le demandeur tente d’en obtenir le plus possible et que la politique de Tour et Taxis qui tente par ailleurs de se vendre pour sa centralité urbaine est de favoriser les déplacements motorisés.

IEB plaide une nouvelle fois pour une plus grande ouverture du site vers le quartier ainsi que des aménagements visant à favoriser l’accès du site par des modes doux.

Les arguments avancés par le chargé de l’étude pour justifier la nécessité d’un nombre de parking important reposent sur des considérations qu’IEB juge pour le moins orientées.

Le bâtiment projeté générerait une demande de 178 emplacements pour les employés et visiteurs, de 36 emplacement pour des véhicules de service ainsi que de 130 emplacements pour les éventuels usagers de l’auditoire de 400 places. Cette évaluation d’un besoin de 344 parkings pour le seul bâtiment de l’IBGE n’est pas acceptable car elle considère une hypothèse d’usage maximaliste du site sachant d’une part que l’usage de la voiture en ville est amené à diminuer inexorablement dans les années à venir et que d’autre part il n’y a dans l’étude d’incidence aucune indication sur le taux d’usage des parkings temporaires existants. Comment est-il possible de prévoir les besoins sans avoir la moindre idée sur l’usage des parkings existants et sur leur capacité à absorber une partie des nouvelles demandes générées par le projet à l’enquête publique ?

Soulignons par ailleurs le fait que le gouvernement bruxellois a plafonné dans son arrêté le nombre total d’emplacements pour l’ensemble du site (ZIR 6A + 6B) à 3 500. Si nous examinons de près ce qui est à l’enquête, on peut constater que le demandeur sollicite aujourd’hui l’autorisation de réaliser 1 551 emplacements sur la ZIR 6B. Le bâti existant ainsi que le projet à l’étude (16 000 m²) nécessiteraient donc à eux seuls 40% (1 551 emplacements) des besoins totaux du site en termes de parking (3 500). Cette demande est nécessairement démesurée quand on sait que plus de 200 000 m² de bâtiments aux multiples usages doivent encore être construits, sans compter d’autres projets qui pourraient voir le jour.

Si l’on comptabilise le nombre d’emplacements qui ont été autorisés par le permis octroyé pour la ZIR 6A, soit 2 830, et qu’on y additionne le nombre d’emplacements demandés aujourd’hui, on arrive à un total de 4 381 emplacements sur les deux ZIR, soit 881 emplacements de plus que ce qu’autorise l’arrêté du gouvernement. Peut-on seulement nous expliquer pourquoi il faudrait construire plus de parking en attendant que poussent les immeubles ?

Enfin, malgré les permis obtenus, les travaux n’ont toujours pas commencé. Dans le permis délivré pour la ZIR 6A, la réalisation du parc public, tant attendu par les habitants du quartier, était sensée être la réalisation prioritaire du projet en même temps que les logements dont le besoin est si criant à Bruxelles. Une étude est certes en cours, mais en guise de réalisation concrète, « Project T&T » demande aujourd’hui d’utiliser une partie de la ZIR 6A pour réaliser un vaste parking temporaire, parfaitement superflu.

5) Conclusions

On le devine dans les considérations qui précèdent, l’étude d’incidence présentée à l’enquête pose question. Certains membres du comité d’accompagnement n’ont pas manqué de l’indiquer en annexe de la déclaration de clôture de l’étude d’incidence.

Morceau choisi :
« [les membres du comité d’accompagnement] regrettent que le chargé d’étude ne remettait pas suffisamment en question les solutions proposées dans le projet initial ou encore ses propres convictions. Les membres du comité estiment que le chargé d’étude a fait preuve d’un certains manque de vue globale et d’un manque de recherche de solutions créatives et concrètes en dehors du canevas de la demande.
Les membres du comité ont par moment dépensé beaucoup d’énergie pour tenter de convaincre le chargé d’étude du déficit d’analyse critique parfois observé ou du parti-pris relevé à certains endroits dans la formulation (…). L’argumentation développée était parfois assez pauvre ou même contradictoire. »

A la lecture de l’étude d’incidence, IEB confirme cette impression exprimée par le comité d’accompagnement et considère qu’il est justifié de corriger le projet en appliquant quelques règles de bon sens :

  • l’implantation du bâtiment de bureau projeté doit respecter les principes du schéma directeur ou attendre les résultats du PPAS en cours d’élaboration ;
  • l’entrée du site ne peut être aménagée de manière définitive pour les mêmes raisons ;
  • la halle de transit doit être préservée ;
  • le nombre de parkings définitifs et temporaires doit être revu considérablement à la baisse, soient au maximum 670 places pour la ZIR 6B correspondant à la différence entre le nombre maximum autorisé sur le site (3 500 places pour ZIR 6A + 6B) par l’arrêté du gouvernement et le nombre de places autorisées par le permis délivré pour la ZIR 6A (2 830 places).