Inter-Environnement Bruxelles
© IEB - 2021

Tour & Taxis : et les charges d’urbanisme ?

Le gouvernement bruxellois dit vouloir mettre à contribution la promotion immobilière privée afin de développer le parc de logements « abordables ». C’est notamment dans cette optique qu’a été adopté l’arrêté « charges d’urbanisme » en 2013 qui prévoit une redevance visant à compenser les coûts en infrastructure qu’un nouveau lotissement peut engendrer pour la collectivité. Les montants perçus peuvent tout autant financer des équipements publics (crèche, école, espace vert, etc.) que des logements sociaux.

© Rebekka Baumann - 2021

Si le principe semble limpide, les précédentes demandes de permis ont montré des lacunes dans le calcul et l’affectation de ces charges. Une simple comparaison entre différents projets réalisés dans la Région bruxelloise ces dernières années illustre cette réalité. Le projet « Nautilus » à Anderlecht a conduit à l’érection de 36 logements conventionnés équivalent à une charge de 1 800 871 euros alors que le projet Méandre à Tour et Taxis en a produit seulement 31 alors que ses charges annoncées étaient 4 millions d’euros. L’ARAU en avait fait état en octobre 2017. [1] Cette analyse ayant eu un impact au niveau bruxellois, Rudi Vervoort, ministre-président de la Région bruxelloise, avait reconnu devant le parlement bruxellois que son administration avait du refaire les calculs et qu’un montant d’environ 3 millions d’euros était encore dû. En effet, le promoteur de Nautilus avait anticipé les charges d’urbanisme en réalisant des logements conventionnés tandis que les charges d’urbanisme ont été imposées au projet Méandre. [2]

Il subsiste néanmoins un sentiment de manque de transparence qui est renforcé, en outre, par l’absence de registre des charges d’urbanisme. Ce dernier aurait dû être opérationnel depuis 2004, conformément aux prescriptions du Code bruxellois d’aménagement du territoire (COBAT). En son absence, les pouvoirs publics devraient communiquer systématiquement sur les montants de la redevance ainsi que sur les affectations des différents montants perçus.

Étant donné le contexte social du quartier maritime de Tour et Taxis, les charges d’urbanisme devraient être essentiellement affectées à la création de logements sociaux. En effet, ils sont trop peu nombreux dans le quartier. On ne compte que 3,96 logements sociaux pour 100 ménages. [3] La Région bruxelloise aurait dû exiger via les charges d’urbanisme que le promoteur « Extensa » construise des logements sociaux sur le site. Tel était la demande de nombreuses associations et habitants. Malheureusement, la Région vient d’octroyer le permis sans le conditionner à la création de logements sociaux. Il s’agit bien d’une nouvelle preuve de l’abandon délibéré du logement social par les pouvoirs publics bruxellois.

par Mohamed Benzaouia

Ancien travailleur d’IEB


[1ARAU, « Les charges d’urbanisme, deux poids, deux mesures ? » [en ligne], communiqué de presse du 19 octobre 2017, disponible sur : www.arau.org.

[2Réponse donnée à la question de B. Clerfayt, C.R.I., Parl. Rég., Brux.-Cap., 2017-2018, séance du 17 janvier 2018, no 54-COM, p.82-89.

[3Monitoring des quartiers, « Part des logements sociaux (nombre de logements sociaux pour 100 ménages) » [en ligne], disponible sur : https://monitoringdesquartiers.brussels.