Rencontre avec le président de l’asbl Défense de l’Habitat fluvial et de son Environnement.
Qu’est-ce qui vous a personnellement amené à vous installer ici ?
Disons que il y a 20 ans, je cherchais un logement et je connaissais des gens qui habitaient ici. J’ai eu l’occasion d’acheter une petite péniche de 20 mètres de long pour une croûte de pain car ce n’était pas encore la mode à l’époque. Et puis d’un autre côté, en devenant propriétaire je voulais vivre mes délires de décoration et j’ai donc fait l’aménagement et la finition que je voulais...
Vous avez pu vous domicilier ici ?
Au début, la commune ne voulait pas reconnaître qu’on était des « habitants de fait ». Il a fallu d’abord créer une adresse commune – nous avons
tous été domiciliés au numéro 0 de la Digue ! – puis on a convenu avec la Poste d’une numérotation pour chaque emplacement de bateaux. Désormais, nous recevons notre courrier, y compris nos contributions. Le bateau est notre résidence principale et à ce titre nous sommes inscrits au registre de la population à Anderlecht.
Quelles sont les contraintes liées à un bateau habitable ?
Il y a un contrôle technique parce qu’il y a une réglementation qui existe en matière de navigation de bateaux. Il y a des exigences strictes au niveau de la coque. Tous les bateaux qui sont ici ont été sondés à la demande du Port de Bruxelles. C’est comme un contrôle technique où l’on vérifie l’état du bateau.
Quand je l’ai acheté, je l’ai aménagé avec les moyens que j’avais. Ça nécessite une grande connaissance en bricolage, il faut au moins savoir souder. L’entretien du bateau est continu. Vers 2005, j’étais un peu plus à l’aise financièrement et je suis repartis en chantier pour refaire le fond.
Êtes-vous raccordé aux services d’eau, gaz, électricité ?
Nous n’avons pas de raccordement au gaz. Ici nous nous chauffons avec un poêle à pellets. Fin des années 90, l’ASBL a demandé un raccordement à d’électricité. Le Port a accepté de financer les travaux qu’on lui rembourse chaque année.
Quand je suis arrivé ici en 1987, il n y avait pas d’électricité. C’était la débrouille : groupe électrogène, convertisseur, batteries et même des éoliennes. J’avais moi-même un groupe électrogène. Ça nous a appris à considérer l’électricité d’une façon tout à fait différente. On allume la
lumière dans une pièce et on éteint dans l’autre, sinon au bout de 2 heures les batteries sont plates. Même chose pour l’eau, car on n’est pas raccordé directement mais nous avons des citernes alimentées par l’eau de ville. Comme chaque goutte compte, j’ai aussi opté pour des toilettes sèches. Ça apprend à mieux gérer les ressources.
La nécessité vous a amené à vous organiser collectivement ?
On a toujours fait des choses ensemble tout en restant individualistes. Par exemple en 2010 quand il y a eu le débordement du canal, nous sommes allés chez les uns et les autres et on veillait mutuellement à ce que certains bateaux qui risquaient de se poser sur le quai soient repoussés pour qu’ils restent bien dans l’eau. Ce n’est pas les genres de choses qu’on fait tout seul ici avec des bateaux de 70 à 300 tonnes...
Quelles nuisances subissez-vous ?
Principalement les remous causés par les bateaux qui passent trop vite. Ça fait tout bouger. Malgré la réglementation pour limiter la vitesse, une péniche a failli couler à cause d’un bateau qui faisait de l’excès de vitesse. Autrement, nous subissons le bruit d’un car-wash installé un peu plus loin. Le samedi et dimanche, ils lavent les voitures en mettant la musique très fort et il y a aussi beaucoup de papiers qui volent dans l’air et s ’éparpillent chez nous.
Vous sentez-vous menacés par les projets de reconversion d’entreprises en logement de standing ?
Dans le court terme, non, mais pour le moyen et le long terme c’est difficile à dire. Les terrains ici ont un problème considérable de pollution. On voit mal avec la crise actuelle que ce genre de projet pharaonique puisse trouver des investisseurs et encore moins l’aval du Port qui défend la fonction économique sur ses terrains.
Comment voyez-vous votre avenir ici ?
Il faut être attentif en permanence pour protéger notre situation. Il n’y a pas si longtemps, il a fallu tout renégocier. Nous essayons d’être vigilants à la gestion. Le nouveau contrat stipule que 6 mois avant l’échéance, il faut faire la demande de renouvellement et si dans 3 mois on a pas de nouvelles, le bail est reconduit d’office. Ce qui était le cas le 29 novembre puisque le contrat se terminait le 29 février. Et donc nous avons fait la fête car on est reparti pour 9 ans. Nous espérons éviter les circonstances ou les cas de force majeure qui remettraient en question notre installation ici.