Inter-Environnement Bruxelles
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Systèmes de communication sans fil et normes d’exposition

Pour traiter de manière exhaustive la question complexe des technologies sans fil et de la pollution électromagnétique, il semble nécessaire de faire le point sur les différentes technologies mises sur le marché. Nous vous les proposons en regard d’un historique des éventuelles réglementations censées encadrer l’arrivée de ces engins dans l’environnement humain.

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1. L’évolution des réseaux
de téléphonie mobile

Depuis 1994, le développement des réseaux de téléphonie mobile et la généralisation de l’utilisation du GSM entraînent l’implantation d’un nombre croissant de stations-relais, équipées d’antennes émettrices. Chacun des trois opérateurs de téléphonie mobile couvre à pré-sent la quasi totalité du territoire belge par un réseau d’antennes relais. Entre chacune d’elles et les postes mobiles GSM se propage l’onde électromagnétique.

L’appareil GSM est en liaison permanente avec le réseau cellulaire de téléphonie mobile, contrôlé par un système informa-tique complexe qui permet de connaître à tout moment l’emplacement des téléphones dans le réseau, gère le chevauchement des cellules adjacentes, et achemine les communications dans le réseau GSM et vers le réseau téléphonique filaire.

Les diverses technologies sans fil utilisent des ondes de fréquences différentes, situées dans la bande des hyperfréquences appelées aussi micro-ondes. Les réseaux GSM fonctionnent à une fréquence de 900 MHz ou 1 800 MHz. Le réseau UMTS fonctionne à des fréquences de 2 100 à 2 200 MHz et les réseaux wi-fi et Wi-Max utilisent des fréquences de 2 500 jusqu’à 5 000 MHz. Par comparaison, la fréquence de 2 450 MHz est utilisée dans les fours à micro-ondes.

2. Champ proche et intensité d’exposition

L’intensité de l’onde électromagnétique émise par une antenne peut se mesurer, elle s’exprime en densité de puissance électromagnétique en Watts par mètre carré (W/m²). Tout ce qui se trouve dans le champ de propagation de l’onde et donc tout être vivant est exposé à cette onde électromagnétique, qui est un rayonnement non-ionisant mais qui peut être nocif pour la santé. Plus on est proche de l’antenne émettrice, plus l’intensité du rayonnement auquel on est exposé est importante. La densité de puissance de l’onde électromagnétique décroît proportionnellement au carré de la distance par rapport à la source émettrice.

Les ondes émises par les antennes des stations relais se propagent pour l’essentiel perpendiculairement à l’antenne, dans une zone constituant le lobe principal, dans laquelle il est facile de mesurer l’intensité de l’onde. Mais il existe autour de l’antenne des zones plus petites créant des lobes secondaires où des hyperfréquences sont également émises et dans des directions différentes. A proximité immédiate de l’antenne, on se situe dans ce qu’on appelle le champ proche. Ce champ proche peut s’étendre jusqu’à plusieurs dizaines de mètres pour les antennes utilisées dans les réseaux GSM en service. Dans cet espace du champ proche, on ne peut pas déterminer correctement par calcul la densité de puissance de l’onde électromagnétique, à cause de plusieurs phénomènes, qui rendent complexe la protection des habitants proches d’une antenne.

De plus, les ondes sont soumises à des phénomènes de réflexion et d’amplification. Dans le cas des stations relais installées sur les toits d’immeubles ou d’écoles, les hyperfréquences émises tout autour de l’antenne peuvent entrer en résonance avec les armatures métalliques du béton, avec des poutres de soutien en acier ou avec toute structure métallique présente en ces endroits. Ces structures métalliques vont se comporter comme des ré-émetteurs passifs pouvant augmenter le niveau d’intensité de l’exposition des occupants de ces immeubles.

Les caractéristiques de propagation des ondes dans le champ proche des antennes conduisent à recommander très vivement de s’abstenir de vivre dans ces espaces ou d’y être exposé pendant de longues périodes. C’est le cas des habitants d’immeubles surplombés d’antennes émettrices GSM, et aussi des enfants d’écoles dont la toiture est équipée d’antennes, à qui on impose une exposition permanente ou de longue durée à des rayonnements dont les effets peuvent être nocifs à long terme. Une attitude responsable devrait conduire les décideurs à éviter ces situations.

Par ailleurs, au-delà du champ proche, l’intensité de l’onde électromagnétique est encore nettement supérieure aux valeurs limites de protection préconisées par des scientifiques. Il faut tenir compte d’autres paramètres techniques qui caractérisent la puissance rayonnée d’une antenne au-delà du champ proche pour déterminer les distances de protection en fonction de l’intensité limite recommandée. Limiter l’intensité du champ proche est une mesure insuffisante pour garantir une intensité d’ex-position qui respecte les limites de protection recommandées.

Signalons que les effets biologiques des hyperfréquences sont étudiés depuis des dizaines d’années et des études scientifiques de plus en plus nombreuses indiquent un lien entre l’exposition à des rayonnements électromagnétiques et des problèmes de santé plus ou moins graves [1].

3. Les normes ou limites de protection contre les rayonnements électromagnétiques en Belgique et dans le monde

Voyons quelles sont ces limites légales. Comme nous l’avons vu [2], les effets sanitaires sont de deux ordres : des effets thermiques qui se produisent pour une exposition à forte densité de puissance et se traduisent par une élévation de température de la matière vivante exposée ; et d’autre part des effets non thermiques ou spécifiques qui peuvent résulter d’une exposition de faible voire très faible intensité à un champ électromagnétique micro-onde.

Les effets thermiques ont été étudiés depuis longtemps et les scientifiques ont pu déterminer la densité de puissance de l’exposition à partir de laquelle ces effets peuvent se produire. L’ICNIRP, organisme privé international, proche de l’industrie de l’électricité et des télécommunications, a élaboré des recommandations les concernant, reprises par l’OMS, qui prescrivent comme limite de protection un niveau de rayonnement variant de 27,5 V/m à 61,4 V/m selon la fréquence. Dans les années 1970, l’URSS et les pays de l’Est ont fixé des limites de l’ordre de 6 V/m. Plus tard, l’Italie et la Suisse ont fait de même et en 2000, le Luxembourg a édicté une norme à 3 V/m [3].

Depuis 2000, des scientifiques, des médecins et des professionnels de la santé ont publié de nombreuses Résolutions et Appels. Citons les Résolutions de Salzbourg en juin 2000, de Catania en septembre 2002, ainsi que les Appels de Fribourg en octobre 2002, de Bamberg en mai 2004 et d’Helsinki en janvier 2005. Ces scientifiques et médecins lancent à chaque fois un signal d’avertissement sur les effets nocifs constatés à faible intensité d’exposition et recommandent des mesures de précaution.

La Résolution de Salzbourg fait une recommandation très précise : « Pour une protection préventive de la santé publique, il est recommandé d’adopter un niveau préliminaire de 1mW/m² (milliwatt/m²), soit 0, 1µ W/cm² (micro watt par cm²), pour la somme totale des expositions ». Ce niveau de 1 mW/m² correspond à 0,614 V/m.

Plusieurs de ces scientifiques considèrent ce niveau de protection comme insuffisant et préconisent un niveau encore 10 fois plus faible, soit 0,1m W/m² ce qui correspond à 0,194 V/m, niveau qui est encore tout à fait compatible avec les limites de fonctionnement des équipements.

Selon notre expérience, nous pouvons affirmer que pour les personnes dites « électrohypersensibles », ce niveau d’exposition serait dans beaucoup de cas encore trop élevé. Nous devons avouer ne pas connaître la limite de protection pour ces personnes ! Serait-il raisonnable de continuer à ignorer ces recommandations de nombreux scientifiques et médecins ?

4. Que font les pouvoirs publics ?

Les pouvoirs publics reportent souvent à plus tard les mesures de précaution qui s’imposent. En 2001, le gouvernement fédéral avait édicté un Arrêté Royal avec une limite d’exposition de 20,6 à 30,7 V/m. Cet Arrêté annulé par le Conseil d’État en décembre 2004, dans le cadre d’un recours de l’asbl Teslabel, a été reconduit en 2005 avec les mêmes limites. L’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 15 janvier 2009 attribue aux Régions la protection de la santé contre les rayonnements électromagnétiques. La Région bruxelloise a voté en mars 2007 une Ordonnance avec un seuil limite pour le champ électrique à 3 V/m pour la fréquence de 900 Mhz, limite qui n’assure pas la protection de la santé. La Région wallonne a voté en avril 2009 un Décret limitant l’exposition à 3 V/m par antenne, ce qui en pratique, ne change rien à la situation existante : cela constitue une tromperie de la population.

D’autres régions prennent des mesures de précaution plus strictes, tel le Canton de Salzbourg qui a adopté une réglementation qui préconise des valeurs de 0,06 V/m à l’extérieur et de 0,02 V/m à l’intérieur de l’habitat. Il faudrait dès à présent éviter les expositions prolongées aux rayonnements électromagnétiques et en limiter l’intensité à des niveaux aussi bas que possible (principe ALARA). Aucune législation suffisamment contraignante n’existe aujourd’hui, excepté dans le Canton de Salzbourg. C’est un problème de décision politique qui est entravée par la puissance des lobbies industriels qui peuvent se permettre d’organiser, parfois à la demande des responsables politiques, des campagnes d’information sur la santé, avec l’objectif inavoué de retarder toute décision contraignante en matière de protection de la santé. Les limites d’exposition doivent impérativement prendre en considération les valeurs d’intensité d’exposition les plus faibles pour lesquelles des effets biologiques ont été constatés. C’est à cette condition que l’on pourra affirmer que le principe de précaution est appliqué.

5. Le contrôle du respect des normes de protection

Lorsqu’une norme limite de protection est imposée par Arrêté Royal, par Ordonnance ou par Décret, il y a lieu d’en vérifier le respect. Les contrôles se font d’une part lors de la demande de permis pour une implantation d’antennes et d’autre part pour des antennes en service, sur demande de citoyens ou d’autorités publiques. Lors d’une demande de permis, l’examen se fait sur base des données techniques des antennes fournies par l’opérateur. Pour des antennes en fonctionnement, la vérification se fait par des mesures du niveau de rayonnement.

Jusqu’en 2009, l’IBPT, Institut Belge des Postes et Télécommunications, service fédéral, était en charge des mesures du rayonnement des antennes et du respect de la norme belge. Les résultats montraient que 8 à 10 % des mesures étaient à un niveau supérieur ou égal à 3 V/m. Depuis 2009, la Région bruxelloise a chargé l’IBGE, Institut Bruxellois de Gestion de l’Environnement, d’effectuer les mesures de contrôle des antennes.

Les mesures du niveau de rayonnement des antennes GSM et UMTS réalisées par l’IBGE en 2009 et 2010 sont systématiquement très inférieures à celles faites auparavant par l’IBPT, ou par un expert indépendant. Les niveaux mesurés par l’IBGE sont de 5 à plus de 10 fois plus bas que les relevés de l’IBPT sur la commune d’Auderghem par exemple. Ces résultats surprennent, et sont donc plus que suspects. Cela ne peut s’expliquer que par l’utilisation d’un protocole de mesure et d’interprétation des résultats qui permet de minimiser le rayonnement.

L’IBGE dans une présentation plutôt tendancieuse [4] se justifie en se référant au protocole de mesures qui a été défini par les Arrêtés d’application de l’Ordonnance parus en 2009. Ces Arrêtés d’application ont été mis au point par la ministre responsable avec la participation, entre autres, des opérateurs. Le protocole de mesures calcule la moyenne du rayonnement sur 6 minutes et ne tient aucun compte du maximum de rayonnement qui peut être émis par les antennes, comme le faisait auparavant l’IBPT. Par ailleurs, le protocole de mesures applique à présent une série de facteurs d’atténuations, jamais discutés au Parlement et surtout ne tenant nullement compte d’impératifs de santé publique. Or, il faut rappeler que l’Ordonnance de 2007 spécifie
que le rayonnement ne peut dépasser à aucun moment la valeur maximale de 3 V/m. Cette évolution dans l’application de la législation régionale représente une claque infligée au travail parlementaire, et surtout ramène au point zéro une quelconque prise en compte politique de la santé publique face aux rayonnements électromagnétiques artificiels.

Que signifient encore les chiffres d’une norme si l’on modifie par différents mécanismes ce qui est couvert par le protocole de mesure ? L’esprit de l’Ordonnance n’est donc pas respecté ! Qu’attend la Ministre pour corriger cette tromperie ?


[1Des études plus récentes ont confirmé les soupçons déjà lourds qui pèsent sur ces technologies et un nouveau pas a été franchi le 31 août 2007, avec la publication du rapport « BioInitiative » (http://www.bioinitiative.org) par un groupe d’experts internationalement reconnus. Il apporte les preuves de la nocivité des champs électromagnétiques à des niveaux nettement inférieurs aux seuils retenus par les normes de santé publique. Pour un résumé des impacts sanitaires, se reporter dans ce dossier à l’article intitulé « Effets sanitaires : pourquoi tant de confusion ? ».

[2Voir l’article de Jean-Luc Guilmot dans ce même numéro.

[3Une norme d’exposition de 3V/m correspond en fait à la norme de compatibilité électromagnétique pour la protection des équipements électroniques. Cette norme résulte de la Directive européenne EMC 89/336/CEE, transposée dans la loi belge. Selon cette réglementation, ces mêmes équipements doivent également être protégés de manière intrinsèque contre les rayonnements d’un niveau inférieur et jusqu’à 3V/m ; ils doivent donc être blindés pour les expositions à faible intensité. Le corps humain est plus sensible qu’un équipement électronique et malheureusement il n’est pas blindé.

[4Notamment lors d’une séance d’information à la population dans la commune de Watermael-Boitsfort le 1er février 2011, où il était question d’expliquer le nouveau protocole de mesure aux habitants et, par la même occasion, d’annoncer l’implantation prochaine de nombreuses nouvelles antennes sur le territoire de cette commune bruxelloise.