Inter-Environnement Bruxelles
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Sans Domicile Fixe – Ultra Moderne

Certaines rencontres recèlent parfois un caractère quelque peu insolite. Celle survenue dans une association bruxelloise de conseils juridiques et sociaux est à ranger dans cette catégorie. Des conseils y sont prodigués à des chômeurs, sur leurs droits et les recours possibles contre les décisions administratives.

© Axel Claes - 2021

En 2011, dès les premiers jours du gouvernement Di Rupo, un arsenal de mesures ont été votées contre les chômeurs. Parmi celles-ci, une dégressivité accrue et accélérée des allocations de l’assurance chômage aboutissant à un forfait… inférieur au seuil de pauvreté ! Forcément, les personnes privées d’une part de leurs maigres ressources ont dû chercher des solutions pour poursuivre leur vie. Les issues possibles sont variées, mais toutes empreintes de marasme et de survie : allocations sociales, travail au noir, multiplication des petits boulots précaires… voire délinquance ou prostitution.

Pour notre chômeuse, le côté insolite de la rencontre réside dans la nature de la « débrouille » développée. Pour tenter de combler les sommes perdues, cette personne va se tourner vers le secteur de l’entrepreneuriat dématérialisé : elle va livrer son appartement à des touristes, via le site d’Airbnb. Cependant, là où le touriste s’installe provisoirement, la locataire ne peut être. Dès lors, lorsqu’une réservation Airbnb est d’actualité – parfois au dernier moment –, elle cherche une solution de logement pour elle-même : message lancé aux copines pour voir si l’une d’elles veut bien l’héberger, du stop vers Namur pour aller dormir chez les parents (sans toutefois expliquer la raison réelle de la visite)… Mais parfois, la nuit se passe… dans la voiture de quelqu’un qui, faute de mieux, lui laisse cette ultime option ! Génial.

Si nous n’apprécions pas spécialement ce néologisme, dans le cas présent il semble nettement coller à la réalité, nous sommes face à une SDF, une Sans Domicile Fixe d’un genre nouveau. La multinationale Airbnb, nous le savons, n’a pas pour préoccupation l’aide conviviale désintéressée : elle empoche un pourcentage de l’argent laissé par le touriste. « Économie collaborative », disent certains. Entre qui et qui, cette collaboration ? Dans notre cas précis, elle lie donc l’État belge, qui envoie dans la précarité une part toujours croissante de sa population, et la multinationale de l’hébergement sans hôtel, dans les mains de laquelle a été poussée notre chômeuse.

Une époque formidable, vraiment.

Gérald Hanotiaux