L’« optimalisation » du Ring Nord est entré dans un moment charnière. Dans les communes flamandes qui jouxtent le ring, les trois options retenues sont en effet à l’enquête publique jusqu’au 23 juillet. Présentées dans la note d’orientation n°2 (scopingnota) et la note de processus n°3 (processnota) [1], ces alternatives seront réétudiées à la lumière des résultats de la consultation publique, pour aboutir à une « alternative de préférence » (voorkeursalternatief). Celle-ci sera partie intégrante d’un Plan d’exécution spatial régional (Gewestelijke Ruimtelijke uitvoeringsplan ou GRUP) qui devrait être soumis à enquête publique début 2022.
Dans le cadre de l’élaboration de la note d’orientation n°2, trois grandes options avaient été étudiées. Premièrement, l’option « light » qui ne prévoit aucun élargissement de l’infrastructure, mais la fermeture de sorties ; deuxièmement, l’option « parallèle » qui dédouble le ring en créant 2x2 bandes séparées de l’infrastructure existante ; enfin, l’option « latérale » qui prévoit l’aménagement d’un boulevard urbain d’un seul côté du ring.
La lecture du support de présentation utilisé par De Werkvennootschap [2] devant la Commission régionale de mobilité indique que c’est une combinaison des options « light » et « parallèle » qui a été choisie. Cette combinaison se décline en trois possibilités impliquant toutes un dédoublement du ring, du moins dans l’une ou deux des trois zones du projet (Wemmel, Vilvorde et Zaventem) :
S’il est vrai que ces trois alternatives générales font l’objet de plusieurs déclinaisons, on constate qu’elles prévoient toutes un élargissement de l’infrastructure à travers son dédoublement dans l’une ou plusieurs zones [3]. Comme nous le disions en octobre 2020, les termes « réaménagement » et « optimalisation », qui dans la communication officielle ont supplanté le mot « élargissement », constituent donc bien des éléments de langage [4].
Il ne fallait pourtant pas être particulièrement perspicace pour comprendre que le projet de la Région flamande pointait vers un élargissement : c’est la conséquence logique des deux objectifs majeurs de Werken aan de ring : scinder le trafic local du trafic de transit et améliorer la fluidité [5]. En effet, toutes choses étant égales par ailleurs, opérer cette scission sans élargir l’infrastructure aurait aggravé la congestion, a fortiori dans un contexte d’augmentation du trafic.
Si nous n’avons pas encore été en mesure d’éplucher l’importante documentation liée à la note d’orientation n°2 (à savoir 15 annexes de 1873 pages, sans compter un fichier de plus de 2000 cartes), nous avons cependant soumis à la Commission régionale de mobilité quatre remarques générales :
1) Toutes les options étudiées par De Werkvennootschap impliquent un élargissement de l’infrastructure. Dans la mesure où toute augmentation de capacité génère tendanciellement une hausse du trafic, nous appelons les autorités bruxelloises à s’opposer au projet en l’état. Et ce conformément à l’engagement formalisé dans la déclaration de politique générale (p.81) : « Le Gouvernement affirme être opposé à un élargissement du Ring en tant que tel ».
2) Werken aan de ring prévoit également l’aménagement de pistes cyclables et la création de lignes de transport en commun. Nous doutons cependant que ces « alternatives » à la voiture suffisent à provoquer le report modal escompté dans la mesure où elles se limitent à la proche périphérie flamande. Elles suffiront d’autant moins si l’usage de l’automobile est rendu plus attractif par un élargissement de l’infrastructure. Le report modal ne figure d’ailleurs pas comme un des objectifs recherchés par le projet.
3) Nous rappelons que le projet de la Région flamande soulève des enjeux liés au transport de marchandises peu présents dans la communication officielle. Ainsi, le dédoublement du ring dans la zone de Zaventem répond à l’objectif de séparer les flux de transit (dont les camions en provenance ou à destination de l’aéroport) des flux locaux. Or, le transport de marchandises est essentiellement réalisé par la route et devrait augmenter prochainement, à la faveur de l’agrandissement du port d’Anvers (qui en 2030 pourra traiter 7 millions de containers supplémentaires) qui vient en outre d’être fusionné avec le port de Zeebruges. Par ailleurs, depuis décembre 2019, la Flandre est indirectement actionnaire de l’aéroport de Bruxelles-National dont elle a ainsi tout intérêt à voir les activités augmenter. À moins d’une brusque augmentation des parts modales d’autres types d’acheminement (chemin de fer, voie d’eau), l’élargissement du ring devrait donc s’accompagner d’une augmentation du nombre de camions circulant sur le R0. Le transport de marchandises devrait dès lors constituer un point d’attention majeur des autorités bruxelloises [6].
4) Dans la mesure où le programme Werken aan de ring est étroitement lié au « développement » économique projeté par la Flandre autour de Bruxelles (en particulier à Zaventem [7]), les autorités bruxelloises devraient en mesurer l’impact sur les activités productives et l’emploi en RBC. Celle-ci perd en effet de nombreuses entreprises au bénéfice de la Flandre (excepté les services financiers et d’assurance) [8] et gagnerait à maintenir sur son territoire des activités susceptibles de répondre au chômage endémique qui frappe des pans importants de sa population.
[1] Les documents sont disponibles sur https://www.werkenaandering.be/fr/en-savoir-plus/documenten.
[2] Il s’agit de la société de droit public chargée par le gouvernement flamand de piloter le programme « Werken aan de ring ». Lire « Qui est De Werkvennootschap ? », Bruxelles en mouvements n°312, juin-juillet 2021 (à paraître).
[3] Précisons que le dédoublement du ring dans la zone Vilvorde n’est pas praticable en raison du viaduc.
[4] « Élargissement du ring nord : le béton est-il soluble dans la concertation ? », Bruxelles en mouvements n°308, octobre 2020.
[5] Objectifs formalisés par le Conseil des ministres le 25 octobre 2013.
[6] Pour une vue synthétique des enjeux soulevés par le transport de marchandises, lire Mathieu Strale, « L’évolution récente du transport de marchandises en Belgique » , EchoGéo, n°15, 2011.
[7] L’élargissement du ring est en effet lié à la reconversion économique de Zaventem initié au milieu des années 2000 suite au départ de DHL.
[8] Statbel, Migrations des entreprises assujetties à la TVA, 15 décembre 2020.