Le 29 juillet dernier, la ministre flamande de la mobilité, Lydia Peeters, annonçait qu’une option d’aménagement avait été choisie pour la section du Ring (R0) appelée à être « optimalisée », située entre les deux échangeurs reliant le Ring à l’E40 (respectivement vers Ostende et Liège). Cette décision sera prochainement soumise à consultation publique, suite à laquelle un « plan d’exécution spatial » cadrant les futurs travaux sera élaboré.
Sans surprise, une partie du tronçon – 25 % selon les chiffres avancés dans une interview récente – sera élargi, à savoir celle entre l’échangeur de Grand-Bigard (E40 vers Ostende) et l’A12 (dite l’autoroute d’Anvers) [1]. Sans surprise, car l’élargissement constitue une conséquence logique des deux objectifs que la Région flamande assigna formellement au programme Werken aan de ring en 2013 : scinder le trafic local du trafic de transit et améliorer la fluidité [2]. Or, toutes choses étant égales par ailleurs, opérer cette scission sans élargir l’infrastructure aurait aggravé la congestion, a fortiori dans un contexte d’augmentation du trafic. Quant à la section du Ring située dans la zone de Zaventem, elle sera dédoublée en deux tronçons parallèles, l’un destiné au trafic local, l’autre au trafic de transit.
Conformément à ce que nous suggérions dans un article publié en juin 2021, le terme « optimalisation », central dans la communication officielle, constitue donc bien un élément de langage, de surcroît allègrement repris par la presse – et même l’opposition parlementaire en Flandre. Il aura fallu attendre l’annonce estivale de Lydia Peeters, presque neuf ans après que les objectifs de Werken aan de ring aient été formalisés, pour que le terme d’élargissement refasse surface dans les discours portant sur le Ring.
L’enjeu n’est évidemment pas que terminologique. En effet, élargir (ou améliorer) une infrastructure routière est susceptible de faire augmenter les déplacements effectués en voiture : c’est ce qu’on appelle le trafic induit, un phénomène largement établi par la littérature scientifique. Or, sauf erreur, ce phénomène n’a pas été pris en compte dans les modalisations effectuées dans le cadre des études préliminaires [3]. Pas vu pas pris !
Dans la déclaration de politique régionale, l’exécutif bruxellois en place depuis juillet 2019 affirme être « opposé à un élargissement en tant que tel ». Une position réaffirmée par la porte-parole d’Elke Van den Brandt, qui pointe à la fois l’augmentation du trafic qu’entraînerait un élargissement et l’horizon temporel (2030) sur lequel se basent les scénarios élaborés par la Région flamande – alors qu’une telle infrastructure a une durée de vie de plusieurs décennies. Pour réduire la congestion, plutôt qu’un élargissement contre-productif à long-terme, un député Groen propose de mettre en œuvre la tarification kilométrique aussi bien à Bruxelles qu’en Flandre [4].
Reste à voir comment cette proposition sera accueillie par les partis de la majorité. Sven Gatz, ministre bruxellois des finances issu de la même formation politique que la ministre flamande des transports, semble ouvert à l’idée de lier la tarification kilométrique à l’« optimalisation » du Ring – sans toutefois remettre en cause l’élargissement partiel de l’infrastructure. Quant au premier parti de la majorité, le PS, son chef de groupe au parlement bruxellois semble catégorique : « Les deux dossiers n’ont pas à être liés » ; « Il n’est pas question pour nous de remettre sur la table le dossier ‘taxe kilométrique’ » [5].
Au niveau communal, Jette a réagi de manière véhémente à l’annonce de Lydia Peeters. Et pour cause : le programme Werken aan de ring prévoit de fermer la sortie n°8 (qui dessert Wemmel et l’avenue Houba de Strooper) et construire une échangeur complet au niveau de la sortie précédente (qui mène vers le CHU Brugmann et l’avenue de l’Exposition). En plus de l’augmentation du volume routier au niveau du nouvel échangeur, c’est le report de trafic provoqué par la fermeture de la sortie n°8 que pointe la bourgmestre de Jette. Un report qui ne semble pas inquiéter Sven Gatz, dont le parti est dans la majorité communale : « Vu qu’on ferme [la sortie] Wemmel-Bockstael […] il est possible qu’il y ait plus de trafic chez nous à Jette » [6].
Outre la tarification kilométrique et l’opposition de Jette, l’accessibilité du centre commercial projeté sur le plateau du Heysel (le projet Neo) devrait également constituer un élément du marchandage autour de l’élargissement du ring. À en croire Lydia Peeters, un compromis avec la Ville de Bruxelles aurait été trouvé au sujet de Neo, alors qu’on attend toujours que soit rendue publique une étude interrégionale sur la question et que la Commission régionale de mobilité a émis un avis négatif sur la modification du PRAS nécessaire à l’urbanisation du plateau du Heysel.
Quoi qu’il en soit, la Région flamande, à en croire les propos de notre ministre des Finances, semble déterminée à élargir le Ring : « Wij kunnen en zullen het doen » [7].
[1] L’augmentation du nombre de bandes ne concernerait pas, pour l’instant du moins, le viaduc de Vilvorde. Mais, selon BX1, le gouvernement flamand a confirmé qu’il étudiant la possibilité d’y aménager une quatrième bande. Lire « La Flandre présente son projet pour le Ring : une bande en plus à Wemmel, une route parallèle à Zaventem », BX1, 29/7/2022.
[2] Objectifs formalisés par le Conseil des ministres du 25 octobre 2013.
[3] « Met dit effect [creatie van nieuwe verplaatsingen] is bij de doorrekeningen voor de herinrichting van de R0-Noord geen rekening gahouden » (p.68 de l’annexe 13 à la scopingnota v2).
[4] « Verstraete (Groen) : ‘Verbreding van de Ring werkt de files niet weg, kilometerheffing wel », Bruzz, 29/7/2022
[5] « Haro sur l’élargissement du Ring et SmartMove » ; DH, 15/9/2022.
[6] « Lydia Peeters en Sven Gatz : ‘De Ring, dat is niet zomaar wat beton bijleggen’ », Bruzz, 14/9/2022.
[7] « Lydia Peeters en Sven Gatz : ‘De Ring, dat is niet zomaar wat beton bijleggen’ », Bruzz, 14/9/2022.