Inter-Environnement Bruxelles
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RRU : le règlement qui dérégule !

En 2021, Pascal Smet annonçait la création d’un nouveau comité d’experts pour plancher sur la révision du Règlement régional d’urbanisme (RRU) datant de 2006. Après une première mouture avortée en 2019, une refonte globale du texte a eu lieu suite au contexte de pandémie et à ses implications sur l’aménagement du territoire. En résulte un texte qui affaiblit de facto sa capacité à encadrer l’urbanisme et à donner des signaux clairs aux promoteurs.

© Arnaud Lorne - 2023

Au creux de la pandémie, en juin 2020, le gouvernement bruxellois désignait un groupe de sept experts académiques belges et internationaux [1] pour se pencher sur la problématique du logement postcrise sanitaire. Les défaillances majeures de la politique bruxelloise pour créer du logement décent accessible précèdent cette crise mais cette dernière a, de fait, amplifié la visibilité d’une situation de plus de plus intolérable. Quelques mois plus tard, le comité d’experts déposait son rapport sur la table du gouvernement avec un ensemble de recommandations, dont certaines non dénuées d’intérêt, tel le fait de sortir de la culture de la dérogation, jugée assez généralisée à Bruxelles. Les permis qui dérogent au RRU sont en effet estimés entre 3 000 et 3 500 par an.

Dans la foulée, Pascal Smet annonçait la mise sur pied d’un autre comité composé d’experts académiques et de la société civile, pour plancher sur la révision du RRU. Nom de code « Good living », le label « Good » faisant partie désormais de la culture de communication du gouvernement bruxellois (Good Food, Good Move, Good Soil, etc.) [2]. Dans les priorités mises au menu du comité, quatre axes étaient annoncés :

  • gabarit et densité : notamment la nécessité d’accroître celle-ci par la réalisation de tours. Pour rappel, la première mouture mise à l’enquête avait évité soigneusement d’ouvrir cette boîte de pandore malgré la pression importante du secteur immobilier ;
  • le logement et les nouvelles façons d’habiter : intégrer les concepts de co-living pour les normes d’habitabilité ;
  • les espaces publics : avec un point d’attention sur la gestion de l’eau, la verdurisation et une meilleure prise en compte des vélos ;
  • les normes de stationnement en dehors de la voirie, avec une volonté de revoir les zones d’accessibilité.

Le label « good » fait désormais partie de la culture de communication du gouvernement bruxellois.

Alors que le secrétaire d’État à l’Urbanisme annonçait la mise sur pied d’un comité au profil diversifié, la composition finale s’est avérée particulièrement homogène autour des figures professionnelles des architectes et urbanistes : cinq architectes, le bouwmeester maître architecte et deux urbanistes. Une seule figure se détache de ce groupement corporatiste, celle du directeur de l’Union professionnelle du secteur immobilier (UPSI). Ce qui n’est pas de nature à rassurer, surtout lorsque cette figure n’est pas contrebalancée par des personnes émanant des secteurs sociaux et environnementaux tels que des sociologues, environnementalistes, géographes ou autres acteurs de terrain du logement, des quartiers… Interpellé par Agora sur cette composition bancale, Pascal Smet rétorquera en commission de développement territorial que : « Avec le comité, nous avons voulu aller au-delà de l’aspect purement technique. Le profil des personnes dans ce comité est plus large que celui d’un architecte ou d’un urbaniste. Ce sont des gens avec une large vision sociale des villes et de Bruxelles en particulier. » [3] La notion de « largeur » du panel est visiblement d’interprétation très restrictive puisque l’ajout d’une seule personne du secteur de l’immobilier devient la caution de cette ouverture annoncée.

Il est vrai qu’IEB a informellement été convié à rejoindre le fameux comité d’experts, non par courrier officiel mais par simple coup de fil adressé à l’une des travailleuses d’IEB, qui a décliné l’offre après en avoir référé au CA de l’association. Ce dernier ne souhaitait pas être embrigadé comme caution de la consultation de la société civile sur des questions aussi complexes, mises sur la table dans l’urgence sans possibilité d’en débattre plus en amont avec les membres de la fédération.

La notion de « largeur » du panel est visiblement d’interprétation très restrictive puisque l’ajout d’une seule personne du secteur de l’immobilier devient la caution de cette ouverture annoncée.

Good ou pas, c’est un règlement !

Dans les objectifs annoncés de la réforme figure celui de sortir de la culture de la dérogation. L’objectif est louable. Toute personne qui suit de près les questions urbaines à Bruxelles est consternée par le nombre exponentiel de dérogations figurant dans les demandes de permis. Ce phénomène peut trouver plusieurs causes : l’inadéquation ou l’inapplicabilité de la règle ayant pour conséquence de conduire peu à peu à son obsolescence, ou encore la faiblesse des gardefous permettant l’octroi trop aisé de dérogations.

Visiblement, le comité d’experts a opté pour une interprétation unilatérale de la culture prégnante de la dérogation en territoire bruxellois : notre réglementation serait trop tatillonne et trop complexe et nécessiterait une simplification. Il s’agirait de procéder à une évolution du RRU, focalisé sur une « approche défensive visant à rendre impossible ce qui n’est pas souhaitable », vers une approche proactive « rendant possible tout ce qui est et tout ce qui sera souhaitable. » [4]

Pouvait-on s’attendre à autre chose en confiant la réflexion à un corps des architectes, ceux-là mêmes qui s’irritent de voir leurs projets réformés ou rejetés en commission de concertation suite à l’application des règles du PRAS et du RRU. Que faire du non-souhaitable ? Comment lui faire barrage ? Ces questions n’ont pas l’air de titiller le comité. Lui se veut « positif ». Désormais ce qui compterait, ce sont les objectifs et non les moyens [5]. Or c’est l’articulation des deux qui importe, d’autant que se pose la clarté des objectifs poursuivis. Les critères de qualité architecturale et de bon aménagement des lieux avancés pour apprécier la conformité d’un projet aux besoins de la Région et de ses habitant·es sont ceux qui motivent régulièrement des dérogations au RRU actuel au nom de formes architecturales qui se veulent innovantes. Le mot « qualité » apparaît 33 fois sur les 50 pages du projet de règlement !

Le rapport d’incidences environnementales (RIE, p. 356) du projet de RRU relève cette mutation : « Les dispositions laissent plus de place à la dimension subjective, pouvant induire des traitements des demandes de permis différents en fonction de la sensibilité urbanistique de l’une ou l’autre. »

Le projet nécessitera encore davantage de moyens, de formation, de coordination alors que tous ces aspects sont déjà défaillants à l’heure actuelle.

Cette orientation est parfaitement assumée par la directrice d’Urban Brussels : « L’idée est précisément d’avoir un texte avec moins de règles et des objectifs essentiels. On fixe un cadre urbain. On dit quelle ville on veut et on laisse plus de flexibilité aux demandeurs pour y arriver. Telle est la philosophie du texte [6]. » Ce choix inquiète les instances communales, conscientes que l’appréciation subjective alourdira leur tâche avec un risque d’arbitraire et d’augmentation des recours liée à l’insécurité juridique ainsi créée. Dans le cadre d’une interpellation sur le projet de RRU, le député Gaëtan Van Goidsenhoven relevait que les revendications des administrations communales allaient manifestement dans le sens inverse du projet, en réclamant que tous les paramètres puissent être réglés par la réglementation, l’objectif étant de vérifier plus facilement la conformité d’un dossier [7]. Même son de cloche du côté du directeur de l’Urbanisme à la Ville de Bruxelles : « Il y aura une subjectivité plus importante dans l’analyse des dossiers et un risque plus grand d’arbitraire ou, au minimum, une moins grande sécurité juridique pour les demandeurs. » Le RIE (p. 555) émet les mêmes craintes et considère que le texte à l’enquête complexifiera pour les administrations communales, déjà débordées, l’analyse des demandes de permis au regard du principe de bon aménagement des lieux. Le projet nécessitera encore davantage de moyens, de formation, de coordination alors que tous ces aspects sont déjà défaillants à l’heure actuelle.

Au final, même les architectes et les promoteurs s’inquiètent de l’insécurité créée par cette dérégulation [8]. Un RRU, même rebaptisé « Good Living », doit rester un règlement chargé de fixer précisément le cadre légal – ce qu’il est possible de faire en droit – des projets urbains. Si le RRU existe, c’est précisément pour fournir un cadre normatif assurant la poursuite d’objectifs d’aménagement du territoire définis par ailleurs dans le PRDD et les autres plans régionaux. Dans un communiqué de presse du 17 janvier 2023, les habitant·es et les associations ont demandé des règles claires, répondant aux nouveaux enjeux sociaux et environnementaux et permettant de mesurer concrètement les projets afin qu’ils répondent à ces enjeux. En l’état, le projet s’apparente à une compilation de bonnes intentions au lieu d’établir, à l’instar du RRU de 2006, des indicateurs précis qui mesurent l’adéquation des permis d’urbanisme au projet de ville [9]. Le RRU doit offrir une grille d’analyse des projets et permettre d’objectiver la conformité aux règles édictées et illustrées. La clarté des règles du RRU est fondamentale tant pour l’habitant, les professionnels de l’immobilier ou les administrations qui en vérifient l’application.

Plutôt qu’une dérégulation reposant sur une approche libérale de l’aménagement du territoire, IEB plaidait déjà dans son avis sur le projet de 2019 pour la mise en place d’un monitoring des dérogations demandées au RRU. Effectuer une traçabilité des demandes de dérogation permettrait d’évaluer les types de dérogations appliquées au RRU. Il serait alors possible de les catégoriser et d’identifier les améliorations possibles.

Le projet s’apparente à une compilation de bonnes intentions au lieu d’établir des indicateurs précis qui mesurent l’adéquation des permis d’urbanisme au projet de ville.

Quand certains dérégulent, d’autres spéculent

Le comité d’experts précité sur le logement pointait ceci dans son rapport en 2021 : « Alors que le foncier se fait de plus en plus rare et cher en Région bruxelloise, les acteurs privés anticipent la réalisation d’une part augmentée de logements… Cette situation de surenchère conduit à un urbanisme basé sur la dérogation au règlement régional d’urbanisme (RRU) en matière de gabarits et d’implantations. » [10]

Le projet de réforme a la prétention de couper court à cet effet de surenchère, or la dérégulation qu’il opère est assortie de dispositions laissant plus de latitude pour accroître la densification du bâti. Dans l’interpellation précitée de Pascal Smet du 20 décembre 2021 [11], le député Tristan Roberti pointait le risque qu’une telle approche fasse le jeu des promoteurs : « Il faut trouver un équilibre entre, d’une part, un cadre trop précis qui met à mal la créativité et peut aboutir à des projets mal adaptés et, d’autre part, un cadre trop permissif qui pourrait apparaître comme une dérégulation profitable aux promoteurs. »

En effet, le projet se retranche derrière des objectifs flous telle l’atteinte d’« une densité équilibrée et harmonieuse » [12]. Il facilite par exemple les constructions isolées en décrochage par rapport aux gabarits environnants, pour participer à la « scénographie urbaine ». La notion de moyenne des hauteurs environnantes, servant jusque-là de balise à la détermination des hauteurs maximums, disparaît. Les bâtiments d’une certaine largeur peuvent désormais s’articuler avec les hauteurs des bâtiments environnants et la « morphologie générale » sans que des hauteurs maximales soient fixées. Ce flou terminologique ouvre la voie à des interprétations différenciées très subjectives. Il est à craindre, encore plus qu’aujourd’hui, qu’on assiste à des appréciations à géométrie variable en faveur des gros projets qui génèrent une surenchère de la rente foncière sans pour autant, bien au contraire, améliorer la perméabilisation des sols et le coefficient de biodiversité. Ce dernier est par ailleurs un outil de mesure utile mais insuffisant car il ne s’intéresse qu’aux types de surfaces mises en place sur la parcelle sans en prendre en compte la dimension qualitative, c’est-à-dire la provenance des espèces végétales plantées par exemple ou encore leur variété, ce qui ne garantit pas le développement de la faune par la suite.

Il est à craindre, encore plus qu’aujourd’hui, qu’on assiste à des appréciations à géométrie variable en faveur des gros projets qui génèrent une surenchère de la rente foncière.

La levée des obstacles à une densification soi-disant « raisonnée et intelligente » risque surtout de renforcer la flambée du prix du foncier bruxellois à laquelle nous assistons déjà depuis l’entrée en vigueur du PRAS démographique de 2013. Selon les dernières données de l’IBSA, en 2070, la Région devrait compter 10 % de résidents de plus, soit un accroissement moyen de 2 500 personnes par an, bien loin des projections initiales de 10 000 personnes par an. Mais les robinets ont été ouverts et l’idée qu’il fallait construire en masse des logements est restée, les promoteurs la déclinent à toutes les sauces. Or la nécessité aujourd’hui n’est pas tant de disposer de plus de logements que d’identifier au sein du parc de logement existant un pourcentage conséquent de logements financièrement accessibles [13] ainsi que des équipements d’intérêt collectif afférents. Si des logements neufs doivent être construits, il doit s’agir de logements sociaux !

Dès la réforme de 2019, le secteur associatif s’était inquiété du manque d’outils de régulation permettant de prendre en considération l’impact socio-économique de celle-ci, notamment ses répercussions sur le coût des projets et par effet d’entraînement sur les valeurs foncières [14], à l’instar des répercussions du PRAS démographique de 2013 entré en vigueur sans que soit adopté préalablement un outil de captation des plus-values. La densification à elle seule ne s’est jamais muée par magie en production de logements abordables. La financiarisation du logement est passée par là [15].

Le tableau d’évaluation globale du RIE montre que le bilan socio-économique du projet est négatif car les exigences du projet généreront une augmentation des coûts des projets immobiliers, lesquels risquent d’être compensés soit par l’augmentation des gabarits et de la densité (parfois au détriment de la biodiversité insuffisamment protégée) soit par l’augmentation des loyers. Or le gouvernement n’a toujours pas adopté ni un système de captation des plus-values ni un mécanisme de grille des loyers contraignant.

Alors que l’exposé des motifs du projet annonce vouloir éviter de densifier des quartiers déjà denses et peu accessibles en transports en commun, et vouloir densifier les quartiers peu denses et disposant d’une bonne desserte et/ ou d’équipements et espaces verts à proximité, le projet de RRU, en s’appliquant de la même manière partout, densifie ce qui est déjà dense. La commission d’experts avait envisagé au départ d’élaborer un outil cartographique permettant d’objectiver la densité équilibrée des quartiers du territoire régional. Mais le gouvernement a préféré ne pas s’y référer dans le texte réglementaire. Ce faisant, il rate l’objectif annoncé.

Le flou s’observe aussi sur les modalités du contrôle des quelques dispositions fournissant des critères plus objectifs d’aménagement. Trop souvent, leur respect repose sur la bonne volonté du demandeur qui a tout intérêt à produire une interprétation favorisant la rentabilité de son projet plutôt que sa qualité, surtout lorsqu’il s’agit de projets développés par des promoteurs dont le seul objectif est de revendre rapidement le bien immobilier produit en réalisant une plus-value. Il en va ainsi notamment des dispositions qui demandent la réalisation d’un bilan carbone du projet de façon à comparer un processus de rénovation à un processus de démolition-reconstruction. Au-delà d’un certain nombre de mètres carrés en projet, le respect des exigences devrait être garanti par des professionnels externes au demandeur.

Si des logements neufs doivent être construits aujourd’hui, il doit s’agir de logements sociaux !

Interpellé en octobre 2022 en Commission de développement territorial du Parlement, Pascal Smet reconnaît pour partie certaines lacunes du texte et la nécessité de l’accompagner d’autres mesures : « Parallèlement au RRU, de nombreux instruments doivent être développés et cette opération est en cours. Il faut notamment réaliser un atlas de densité quartier par quartier, voire plus détaillé encore. L’outil Totem doit être appliqué et le vade-mecum “Espaces publics” élaboré avant l’entrée en vigueur du RRU. » [16]

Ceci ne nous rassure que partiellement. D’autres mécanismes de contrôle et de régulation plus performants doivent être mis en place avant la modification du RRU. Notamment les plus-values doivent être captées sur les projets spéculatifs et être affectées à l’augmentation substantielle du nombre de logements à caractère social et à l’amélioration de la biodiversité en ville. Des garanties doivent par ailleurs exister pour éviter que les loyers n’augmentent audelà de l’économie réalisée grâce à une bonne isolation énergétique.

La densification à elle seule ne s’est jamais muée par magie en production de logements abordables.

Good housing ?

Le projet améliore indéniablement la qualité des logements en exigeant plus d’éclairage naturel, des espaces extérieurs privatifs minimaux, des vues plus généreuses ou une meilleure isolation acoustique. Encore faut-il, comme énoncé ci-dessus, que le logement soit payable. Exiger un pourcentage de logements sociaux dans les projets privés aurait permis d’accroître avec certitude le nombre de logements financièrement accessibles. La première épure du RRU imposait 20 % de logements sociaux dans tout projet de plus de 30 logements. Cette proposition a malheureusement été supprimée, le gouvernement considérant que le RRU n’était pas la place pour une telle disposition. Le PAD, paraît-il, n’était pas non plus l’outil adapté. Finalement, une telle clause d’imposition était présente dans le PAD Heyvaert et a fini par être adoptée. Nous ne voyons pas pourquoi un RRU pourrait imposer des hauteurs maximales, des nombres et tailles de pièces de vie minimaux mais ne pourrait pas imposer un quota de logements sociaux dans les projets privés ?

Un autre objectif annoncé de la réforme consistait à tenir compte des nouvelles formes de logement, telles que le co-living, un habitat partagé dont les effets pervers, en l’absence d’un marché régulé, commencent à se faire sentir à l’instar de ce qu’a pu produire le Airbnb. Si IEB est pleinement favorable à l’idée d’habitats partagés, en l’état le co-living propose des loyers dépassant souvent les 700 euros par mois et s’adresse à un public aisé. La location de maisons familiales à des groupes de personnes composés de plus de deux adultes percevant un revenu entraîne surtout une pression à la hausse des loyers [17].

Le projet de RRU propose des normes d’habitabilité minimales notamment au niveau de l’exigence des espaces communs et de superficies minimales non subdivisibles pour préserver les habitats familiaux. Ainsi un même logement ne pourrait pas compter plus de quinze chambres pour éviter la surenchère dans le co-living. Même si c’est un début de cadrage, un encadrement contraignant des loyers calqués sur le pouvoir d’achat faible des Bruxellois·es serait certainement plus efficace. Avec quinze chambres en co-living, un propriétaire se dote déjà d’une sacrée rente.

Exiger un pourcentage de logements sociaux dans les projets privés aurait permis d’accroître avec certitude le nombre de logements financièrement accessibles.

Un RRU au service de la démocratie

Il est évident le RRU actuel est obsolète à bien des niveaux et nécessite une réactualisation, notamment pour favoriser la rénovation sur la démolition-reconstruction, améliorer la protection des intérieurs d’îlot et la biodiversité, faciliter la reconversion des bureaux vides en d’autres fonctions nécessaires, limiter l’offre en stationnement… Mais la simplification par la dérégulation amorcée avec le texte à l’enquête laisse la brèche ouverte à l’arbitraire et à un aménagement du territoire prédateur qui mesure la qualité de l’aménagement à l’aune de la rentabilité qu’il produit, créant ainsi une ville de plus en plus inhabitable pour la biodiversité et ceux qui sont exclus du partage de la rente.

Qu’il s’agisse de la réforme du COBAT ou du RRU, ces outils devraient veiller à renverser la vapeur en encadrant au plus près les projets spéculatifs et en renforçant leur contrôle démocratique. Si le RRU existe, c’est pour fournir un cadre normatif assurant la poursuite d’objectifs d’aménagement du territoire définis au par ailleurs dans le Plan régional de développement. La clarté, la lisibilité, de ces règles est fondamentale tant pour l’habitant, le promoteur ou les administrations qui en vérifient l’application. Les dérogations doivent être minimales, dûment justifiées et faire l’objet d’un contrôle démocratique, c’est là le rôle historique des enquêtes publiques et des commissions de concertation.

Un RRU, même rebaptisé « Good Living », doit rester un règlement chargé de fixer précisément le cadre légal.


[1Présidé par Benoît Moritz, le panel comprenait cinq architectes, une urbaniste et une sociologue.

[2À ce sujet, lire notre article sur l’Happycratie « Oser être critique » dans le Bruxelles en mouvements d’avril-mai 2020.

[3Interpellation de Pascal Smet au Parlement bruxellois, séance plénière du vendredi 2 avril 2021, p. 20.

[4Good Living. Rapport de la Commission d’experts, octobre 2021, p. 21.

[5Good Living. Rapport de la Commission d’experts, octobre 2021, p. 21.

[7Interpellation de Pascal Smet au Parlement bruxellois, commission de développement territorial du 20 décembre 2021, p. 2.

[8La Libre, 20 octobre 2022, op. cit.

[9Lire à ce sujet le communiqué signé par IEB et une cinquantaine de comités et associations : « RRU : une cinquantaine d’associations et comités disent : Stop à la dérégulation de l’urbanisme bruxellois ! ».

[10« Pour les densités bâties à Bruxelles, il faut sortir de la culture de la dérogation », site du journal L’Echo, P. DEGLUME, 19 février 2021.

[11Interpellation de Pascal Smet au Parlement bruxellois, commission de développement territorial du 20 décembre 2021, p. 2.

[12Le mot « harmonieux » apparaît 10 fois sur les 50 pages du Règlement.

[13Cf. le Baromètre du logement 2022 du RBDH.

[14Lire l’avis d’IEB sur le Règlement régional d’urbanisme de 2019 : « L’avis d’IEB sur le Règlement régional d’urbanisme (RRU) ».

[15A. FARES, S. DE LAET et C. SCOHIER, « Le jeu de la financiarisation » in Bruxelles en mouvements, n°316, février 2022.

[16Demande d’explication de G. Van Goidsenhoven sur la réforme du RRU en CDT du 24 octobre 2022, p. 22.

[17R. FUSS et S. DE LAET, « Le coliving : à la conquête de Bruxelles ? » in Bruxelles en mouvements no 311, mai 2021.