Mi-février, pour la deuxième fois en moins d’un an, le quartier Midi et ses alentours se retrouvent à la une des journaux pour leur climat hautement dangereux. Depuis près d’un an, la violence liée notamment au trafic de stupéfiants fait parler d’elle dans les territoires qui entourent la gare. Le sujet n’est pas neuf et revient régulièrement sur la table, avec d’autant plus de vigueur en période préélectorale.
Première recette musclée pour répondre à ce climat : le recours aux vieilles pratiques autoritaires de « tolérance zéro » pour résoudre/ dissoudre les symptômes : balayer ce qui fait désordre, nettoyer les alentours de la gare pour faire place nette en se préoccupant bien trop à la marge des trajectoires de vie de celles et ceux que les forces de l’ordre ont déplacé·es de façon abrupte. Résultat : tous les responsables politiques, ou presque, et particulièrement les édiles communaux concernés, reconnaissent que le premier « nettoyage » de l’été 2023 a surtout eu comme conséquence un déplacement des trafics et de la violence dans les quartiers adjacents. Ainsi, on pouvait lire dans Le Soir du 20 février 2024 : « Plus les forces de l’ordre harcèlent les bandes actives dans le trafic, plus ces dernières sont obligées de se déplacer vers d’autres zones. » [1] Différents quartiers de Saint-Gilles, Forest, Anderlecht (Cureghem) ou Bruxelles (Marolles) doivent faire face aujourd’hui à une recrudescence du deal en rue. Ces effets des opérations policières coups de poing étaient pourtant prévisibles. Les criminologues sont unanimes sur la question : la répression policière n’a jamais résolu ni la question du trafic ni celle de la consommation. Elle vise juste à donner l’impression que les autorités font quelque chose. Dans le même temps, nos prisons explosent : la moitié des détenus en Belgique sont en prison pour des faits de drogue, loin devant les 19 % de moyenne européenne (chiffres du Conseil de l’Europe du 31 janvier 2022).
Deuxième recette : se renvoyer la balle et demander une augmentation des moyens. Les communes et la Région interpellent le fédéral, les policiers se tournent vers les magistrats qui relâcheraient trop vite leurs « proies » et tout le monde réclame des moyens et des effectifs supplémentaires dans un climat de crise budgétaire. De fait, notre Région n’a sécuritaire pas tous les leviers en main mais elle est bien compétente en matière de social, de santé et de logement, des domaines d’action essentiels si l’on veut sortir les consommateurs de la spirale des drogues. Le crack touche particulièrement les populations vulnérables en mal de vivre, parce qu’il est bon marché, aisément consommable et offre l’illusion fugace et terriblement addictive d’un moment meilleur. À Bruxelles, le nombre de sans-abri a triplé en quinze ans, or les cailloux de crack sont consommés particulièrement par ces populations. Selon le directeur médical du projet Lama, 80 % des crackers sont en mal-logement.
La majorité des voix que nous entendons sur le sujet dans l’espace médiatique reste malheureusement enfermée dans le paradigme sécuritaire teinté d’urbanisme, à l’instar de ce que la Région distille comme parade depuis l’association historique, dans les années 1990, des contrats de sécurité et des contrats de quartier. On gère la sécurité en façade, on aménage les espaces publics, recettes imparables en période préélectorale, alors que des besoins fondamentaux ne sont pas pris en compte. Est-ce l’insécurité dans l’espace public qui croît ou bien la misère et celle des politiques publiques ?
[1] « Trafic de drogue : le plaidoyer des bourgmestres bruxellois » in Le Soir, 20 février 2024.