Ce 21 mars 2024, un arrêté visant à modifier pour la énième fois le PRAS actuel en vue d’autoriser la réalisation du projet NEO sur le plateau du Heysel passe en troisième lecture au Gouvernement bruxellois. Quelle ténacité pour un projet critiqué de toutes parts. Au mois d’octobre, la Commission régionale de Développement rendait pour la troisième fois un avis très critique faisant état d’un constat largement partagé : le projet actuel est obsolète et nécessite un réexamen complet. Dans ce contexte, la Plateforme interrégionale pour une économie durable demande l’abandon de la modification du PRAS au profit d’un réaménagement du Plateau du Heysel pensé de façon démocratique, équilibrée et répondant à l’intérêt général.
Rappel des épisodes précédents : à trois reprises, la Région bruxelloise a entrepris de modifier le PRAS (Plan Région d’Affectation du Sol) afin de permettre la création d’une zone d’intérêt régional (ZIR) au Heysel. L’objectif était de créer la base légale pour le programme du projet NEO et en particulier pour son méga centre commercial de minimum 50 000 m². L’une après l’autre (en 2015, 2017 et 2020), ces tentatives ont été annulées par le Conseil d’État au motif que les garanties concrètes pour répondre à l’accroissement important de la circulation automobile en lien avec le programme du site étaient insuffisantes. En effet, la fonction commerciale à elle seule engendrerait une augmentation de 50 % de la congestion sur les voiries, déjà saturées, adjacentes au Plateau du Heysel.
Plutôt que de contraindre la Ville de Bruxelles à repenser de fond en comble le programme du projet NEO, le gouvernement de la Région bruxelloise mettait l’été dernier à l’enquête publique une quatrième mouture de modification du PRAS, quasi identique aux précédentes, mais renvoyant l’examen des solutions de mobilité à une autre échelle territoriale via l’adoption d’un PPAS (Plan Particulier d’Affectation du Sol), relevant de l’autonomie communale. Une manière pour la Région de se dédouaner de ses responsabilités et pour la Ville de rassurer les promoteurs immobiliers en accélérant l’adoption d’un texte juridiquement bancal, définitivement incapable d’apporter la moindre solution aux problèmes de mobilité inhérents à son programme.
Chargée de remettre un avis au gouvernement sur base des réclamations reçues lors de l’enquête publique et des avis des différents conseils officiels régionaux (Conseil de l’Environnement (CERBC), Commisison Régionale de la Mobilité (CRM), Commission régionale des Monuments et Sites (CRMS), Brupartners), la Commission régionale de Développement (CRD) a remis un avis très critique en octobre dernier faisant état d’un consensus au sein de la société civile : le projet NEO est obsolète et doit faire l’objet d’un réexamen complet.
La CRD y rappelle que sans le centre commercial, fonction qui a par ailleurs fait l’objet d’un moratoire dans la dernière déclaration de politique régionale, la modification du PRAS n’est pas nécessaire puisque les affectations actuelles permettent déjà la réalisation de commerces de proximité utiles au développement de la zone. Elle demande dès lors de revoir le programme au profit d’autres fonctions possibles et ce, entre autres, en consultation avec la Plateforme interrégionale pour une économie durable. Un terrain de sport, un centre de formation, une université, voire un centre de logistique sont aujourd’hui totalement absents du projet malgré un besoin criant. Elle insiste également pour un aménagement du Plateau du Heysel qui comprenne un quota de logements abordables et pour que la maîtrise foncière reste dans le domaine public. Elle s’interroge enfin sur la logique qui vise à laisser à la Ville de Bruxelles la main sur un site aussi stratégique au niveau régional et métropolitain.
Les remarques des autres Conseils d’avis régionaux sont au diapason. La CRM prend acte du fait qu’aucun des trois scénarios à étudier dans le futur PPAS proposés n’est souhaitable d’un point de vue de mobilité, « estime qu’il n’existe pas de solution durable et respectueuse du cadre de vie des habitants dans ce dossier », en conséquence de quoi elle « ne soutient pas le projet de modifier le PRAS ».
La CRMS déplore un manque de recommandations concrètes sur la conservation et la requalification du patrimoine existant, bâti et paysager, qui est pourtant significatif.
Le CERBC estime pour sa part que « l’impact d’un centre commercial tel que visé par le projet Neo sur le secteur du commerce de détail de proximité et sur l’offre commerciale du centre-ville de Bruxelles sera très probablement négatif et qu’il ne répond pas aux besoins actuels ».
Brupartners, le conseil Socio-Economique Bruxelles, représentant les partenaires sociaux soumet quant à lui aussi toutes réserves sur le développement de ce projet « Eu égard aux évolutions de ces dernières années suite aux crises traversées, Brupartners suggère de réévaluer les besoins en termes d’infrastructures afin de s’assurer de la conception d’un programme qui soit d’une part, en adéquation avec les besoins de la population bruxelloise (aspirant à des équipements publics, des espaces verts, des logements abordables et un cadre de vie de qualité) et qui permette d’autre part, un positionnement international et une mise en valeur de l’image de Bruxelles. »
Quant à Bruxelles-Environnement, l’administration considère que la modification du PRAS implique « vraisemblablement une perte de potentiel naturel/ de biotopes des espaces verts comparativement à la situation existante ». Une conséquence de la densité du programme et de l’aménagement sur dalle de béton prévu par le projet NEO qui conduira à une imperméabilisation des sols et à une perte du maillage vert existant.
Pour la Plateforme interrégionale pour une Économie durable, l’ensemble de ces réactions démontre qu’il est grand temps de mettre un frein définitif au projet NEO et de repartir sur de nouvelles bases pour le réaménagement du plateau du Heysel, un lieu qui a surtout besoin d’une meilleure valorisation de l’existant au profit des Bruxellois.es et des touristes.
Nous demandons :