Inter-Environnement Bruxelles
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Pour aller plus loin

Des livres

Nous ne sommes pas seuls. Politique des soulèvements terrestres, Léna Balaud & Antoine Chopot, éd. du Seuil, 2022. Que devient la « politique » lorsque des paysannes et des écologistes disséminent des graines de plantes résistantes aux herbicides dans les monocultures d’OGM pour en saboter les rendements ou lorsque des villageois kirghizes échappent à la mainmise de l’État sur leurs moyens de subsistance en greffant en secret une forêt fruitière ? Les auteurs présentent des manières de faire, de se défendre, de résister, dans lesquelles nos alliés sont multiformes, considérablement plus nombreux et divers que ce que notre imagination laisse entrevoir. Appel à refuser la mise au travail de la planète, ce traité d’écologie politique ouvre de nouveaux horizons pour « agir avec la nature contre ceux qui l’effondrent ».

Le Hantement du monde, zoonose et pathocène, Gil Bartholeyns, éd. Dehors, 2022. Des agents pathogènes hantent nos vies et nous sommes hantés par la peur de perdre la santé, notre habitat terrestre, et par les milliards d’êtres vivants anéantis des suites de nos modes de vie et d’alimentation. Nous vivons en Pathocène. De quelle histoire troublée cette ère de vulnérabilité est-elle le nom, et comment la conjurer ? Cet essai sur l’état maladif et émotionnel qui traverse notre présent dresse le portrait effroyable des activités et des idées qui font courir à l’abîme : de la zootechnie à l’élevage industriel, de la traite des animaux sauvages à la fracturation des habitats naturels, du brassage continu des espèces aux impostures intellectuelles. Il fait aussi des propositions pour nous réarmer face à cette réalité.

Paris animal. Histoire et récits d’une ville vivante, Henri Bony & Léa Mosconi, Pavillon de l’Arsenal, 2023. Cet ouvrage accompagne l’exposition qui s’est tenue au pavillon de l’Arsenal en 2023. Le livre comprend une vingtaine de textes qui explorent l’histoire de la contribution des animaux à la vie et à l’économie urbaines (en l’occurrence Paris), leur présence en ville aujourd’hui et ce qu’elle pourrait être demain.

Exploiter le vivant. Une écologie politique du travail, Paul Guillibert, éd. Amsterdam, 2023. Ce livre écrit par un auteur de tradition marxiste affirme que le travail, systématiquement absent des pensées écologistes, se trouve au cœur du désastre. De la plantation coloniale au foyer familial en passant par l’usine de l’ère industrielle, l’écocide est le résultat de différentes formes d’exploitation du travail (salarié, servile, domestique). Exploitation des humains, certes, mais aussi mise au travail généralisée des vivants. Replacer la production capitaliste et l’exploitation du travail au cœur de la crise, c’est rendre possibles de nouvelles alliances entre travailleurs et écologistes, entre humains et autres qu’humains.

Habiter en oiseau, Vinciane Despret, éd. Actes Sud, 2019. Le livre de Vinciane Despret, devenu un classique, est un livre exigeant qui tente un décalage par rapport à l’anthropocentrisme, au départ d’une généalogie des sciences ornithologiques. Ceux qui ont raillé l’ouvrage pour son titre se sont trompés de cible (et n’ont probablement pas lu le livre), car le travail mené par l’autrice est d’une richesse inouïe, à la fois pour déconstruire la notion de territoire et pour écouter autrement chanter les oiseaux.

Révoltes animales, Amir Fahim, éd. Divergences, 2022 (titre original : Schwein und Zeit). Certains envisagent le monde animal comme un îlot de pureté, étranger aux luttes de l’humanité, d’autres passent leur temps à se moquer de ceux qui défendent les bêtes. L’auteur, lui, choisit une troisième voie en montrant que les animaux sont sujets de l’exploitation capitaliste et développent leurs propres façons d’y résister. Des porcs récalcitrants sont aux origines de l’usine moderne, les termites créent des sociétés communistes… Il propose ainsi les contours d’une vision politique ensauvagée, mêlant humains et animaux dans un horizon partagé. Sous sa plume, les bêtes nous reconnectent avec les sources vives de la révolte.

Manifeste des espèces compagnes. Chiens, humains et autres partenaires, Donna Haraway, éd. Climats, 2019. Dans ce livre devenu classique, pas de grands récits, mais des histoires, dont le but est avant tout, selon la très américaine Donna Haraway, de contribuer à construire d’autres relations avec les espèces qui nous entourent. Des histoires d’amour, de pouvoir, de conflits raciaux et d’idéologies coloniales, des histoires qui aident à élaborer des manières positives de vivre avec toutes les espèces qui sont apparues sur cette planète.

Sagesse des lianes. Cosmopoétique du refuge 1, Dénétem Touam Bona, Post-éditions, 2021. Une réflexion poétique et philosophique autour du mouvement de la liane, envisagée comme un symbole d’opposition à la colonisation mais aussi de solidarité et de protection. Il met en scène la sagesse subversive des luttes « indigènes » contre la marchandisation intégrale du vivant.

Le Champignon de la fin du monde. Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme, Anna Lowenhaupt Tsing, éd. La Découverte, 2015. Ana Tsing s’est fait connaître par ce livre dans le monde francophone. Elle y défend l’idée qu’il faut apprendre à vivre dans les ruines, car les ruines sont partout, des sites industriels aux paysages naturels dévastés. Mais l’erreur serait de croire que l’on se contente d’y survivre. Car dans les ruines prolifèrent de nouveaux mondes. Ici on suit l’odyssée d’un mystérieux champignon, le matsutake, qui ne pousse que dans les forêts détruites. Cette pépite intéresse les cueilleurs de l’Oregon, des travailleurs précaires, vétérans des guerres, immigrés sans papiers, qui vendent chaque soir leurs champignons ramassés le jour, qui finiront comme produits de luxe sur les étals des épiceries fines japonaises. En suivant les matsutakes, l’autrice apporte un éclairage nouveau sur la manière dont le capitalisme s’est inventé comme mode d’exploitation et dont il ravage aujourd’hui la planète. Les matsutakes ne sont pas un prétexte ou une métaphore, ils sont le support surprenant d’une leçon d’optimisme dans un monde désespérant.

Les Sentinelles des pandémies. Chasseurs de virus et observateurs d’oiseaux en Chine, Frédéric Keck, éd. Zones Sensibles, 2020. Cet ouvrage repose sur une recherche conduite à Hong Kong, Taïwan et Singapour, trois territoires situés aux frontières de la Chine et hyperconnectés au « monde ». Il montre comment les « chasseurs de virus » et les responsables de la santé publique s’allient avec les vétérinaires et les observateurs d’oiseaux pour suivre les mutations des virus de grippe entre les oiseaux sauvages, les volailles domestiques et les humains. Il décrit aussi les techniques de préparation élaborées en vue de l’arrivée d’une pandémie et comment elles transforment les relations au monde environnant.

Zoocities. Des animaux sauvages dans la ville, Joëlle Zask, éditions Premier Parallèle, 2020. Un ouvrage très actuel, bien documenté, sur la « prolifération » des animaux sauvages en ville et sur les manières de les côtoyer ou de cohabiter avec eux.

Pour une écologie pirate – Et nous serons libres, Fatima Ouassak, éd. La Découverte, 2023. Fatima Ouassak dénonce l’absence d’un véritable projet écologiste capable de résister aux politiques d’étouffement, un projet qui naîtrait dans les quartiers populaires, et articulerait enfin l’ancrage dans la terre et la liberté de circuler. Ce projet, c’est celui de l’écologie pirate dont elle esquisse les contours : internationaliste, centrée sur la Méditerranée comme espace autonome et point de ralliement des mutineries du Nord et du Sud, se donnant comme horizon la lutte contre le réchauffement climatique et la destruction du vivant, la libération des terres, la libération animale et l’égale dignité humaine, fondamentalement liées. Un projet qui se mettrait à hauteur d’enfants et chercherait leur bien-être et leur libération.

Proliférations, Ana Lowenhaupt Tsing, éd. Wildproject, 2022. À travers trois textes, l’autrice défend l’idée que la prolifération est la condition écologique et anthropologique contemporaine et une clef pour comprendre l’état du monde dans lequel une foule de vivants se met à habiter les écosystèmes de façon troublante.

J’habite ici aussi. Histories vraies de rencontres urbaines sauvages, Marie Mahler et Jean-François Leclerq, CFC-Éditions, 2022. Ouvrage poétique, lumineux, avec seize histoires vraies pleines de couleurs et de dessins, pour rire, s’étonner, s’émerveiller et repenser les relations entre humains et animaux sauvages. Et en plus ça se passe à Bruxelles !

Des sites

Des articles

« La part sauvage des communs ? Une enquête écologique au Marais Wiels », Léna Balaud, Antoine Chopot & Allan Wei, Terrestres, 14 février 2023. L’attention au « vivant » est la cible d’un procès en dépolitisation intenté par une partie du mouvement anticapitaliste. En partant de l’histoire du Marais Wiels, ce plan d’eau accidentel ayant émergé à Forest, dans un quartier populaire de Bruxelles, cette enquête écologique cherche à montrer qu’il est possible de mettre au jour des stratégies anticapitalistes multi-espèces, nécessaires à la bifurcation écologique des luttes sociales. terrestres.org

« Le “vivant” noie-t-il le poisson politique ? Allier le rouge et le vert au-delà de l’anthropocentrisme », Joseph Confavreux, Revue du Crieur, 2023/1, 22, p. 108-125. L’auteur propose un texte très intéressant sur les difficiles reconfigurations des mouvements de gauche autour des questions liées à la « nature » ou au « vivant ». En se demandant si l’arbre du « vivant » cache la forêt de l’exploitation et de la domination, ou si les adeptes du tournant « non humain » sont voués à être tous et toutes récupérés par le capital(isme), il pose des questions essentielles. Intégrer les plantes et animaux dans les mobilisations est-il incompatible avec la lutte des classes, ou cela constitue-t-il au contraire une condition de la nécessaire reconfiguration de celle-ci ? Même si, selon l’auteur, les cosmologies contradictoires des uns et des autres autant que leurs radicalités de postures rendent difficile un alliage durable entre l’écologie et le social, il montre qu’il se dessine tout de même une piste étroite de conciliation, que certains mouvements/auteurs ont commencé à emprunter. [https://www.cairn.info/revue-ducrieur-2023-1-page-108.htm] « Des animaux en révolte ? », Frédéric Keck, Terrestres, octobre 2023. Cet article discute le livre de Amir Fahim cité plus haut et la capacité des animaux à se « révolter » en le confrontant à la pensée d’autres auteurs. Pour celles et ceux qui aiment la théorie. terrestres.org