Les gilets jaunes ont fait la « une » des médias du mois de décembre, l’occasion pour IEB de revenir sur la nécessaire articulation entre les luttes sociales et écologiques.
« Gilets jaunes à Bruxelles : après des affrontements entre police et manifestants, la situation se calme » (Le Soir, 8 décembre 2018), les titres des articles de presse, les commentaires télévisuels ou radiophoniques dessinent des manifestations dans lesquelles seuls compteraient les « débordements », la « répression » et les « arrestations ».
Des manifestants, de leur émoi, de leurs revendications, de leurs (dés)espoirs, il en sera peu question... et pour cause ?
Hétérogènes, venus de nulle part et de partout, inspirés par le mouvement né en France, et majoritairement non bruxellois, les gilets jaunes sont inconnus des médias. Ils sont également inconnus des travailleurs associatifs bruxellois, de la classe moyenne intellectuelle, d’IEB.
Dès lors, l’absence totale d’un traitement journalistique un peu immergé se fait d’autant plus sentir : la presse n’aurait-elle pas pu simplement se fondre dans la masse, interviewant, au-delà d’un tout à l’image, les récits de vies, les ressorts de la colère, les besoins ? Sans jugement, simplement pour informer et partager avec ceux et celles qui n’y étaient pas ?
La lumière des fumigènes qui brûlent nous aveugle et renvoie dans l’angle mort tout ce qui ne peut pas faire l’objet d’un traitement spectaculaire. Des discussions, du ras-le-bol, de la solidarité dans ces moments de rue, il ne sera pas question. Ces réalités ne rentrent pas dans le schéma journalistique.
Au-delà de leur nombre, c’est ce qu’ils sont, leur façon de faire et ce qu’ils incarnent qui est interpellant. De quoi parle le mouvement des gilets jaunes ? Quelle colère entendons-nous ou pas ? Celle des prolétaires, des pressurés, celles des travailleurs qui savent bien qu’ils sont exploités, celle des chômeurs qui savent bien qu’ils sont traités comme des moins que rien ? Celle de ceux à qui les décisions d’un état austéritaire fait le plus fort ressentir sa violence, celle de ceux dont la sécurité d’existence se dégrade ? Ce sont aussi celles et ceux qui, pourtant les moins à même de se prémunir de la dégradation de leur environnement, sont priés de passer à la caisse pour s’absoudre de comportements devenus toxiques quand l’heure de la transition écologique a sonné, aussi cosmétique soit-elle. Et la grandeur morale associée à l’urgence écologique sert d’alibi pour rajouter une nouvelle couche de distinction entre ceux qui ont les moyens (financiers, culturels…) d’adapter leurs comportements pour être « éco-responsable » et ceux pour qui la survie se pratique d’abord à un niveau très local, avant de pouvoir s’envisager au global.
Là où le traitement médiatique de ces manifestations rend compte d’une masse sans queue ni tête, dirigeant le regard vers quelques poubelles enflammées quand tout menace de prendre l’eau, la vertu ou la non-vertu des comportements individuels permet d’identifier très facilement qui est du bon côté de l’histoire. Pendant ce temps là, le système qui nous a amené au bord du gouffre continue sans égratignures, business as usual.
Soyons clairs. On devrait certainement tous arrêter d’utiliser du pétrole tout de suite, pour toujours. Mais une transition à deux vitesses, celle qui taxe d’un côté les vieux véhicules diesel sans pour autant remettre en question la voiture de société, est condamnée à faire du sur-place.
Faire peser sur les classes populaires et sur la petite classe moyenne en déclassement, les mesures écologistes de façade est injuste, et inefficace. Inefficace parce que le cœur du problème demeure. Injuste car toutes les taxes qui s’ajoutent sans être proportionnées aux revenus, le sont.
Et c’est tout.
Inter-Environnement Bruxelles