Inter-Environnement Bruxelles
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Piétonnier de Bruxelles : il se passe toujours quelque chose au Conseil communal

Comment ça marche du côté des décideurs…

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Le 25 avril 2016, répondant à la suggestion du cdH d’organiser une consultation populaire sur la question du piétonnier, Yvan Mayeur déclare : « J’ai examiné l’idée de la consultation populaire qui a été organisée dans une grande ville de ce pays ». Le bourgmestre de cette ville, Maxime Prévot, dit ceci : « Une consultation populaire, ça doit rester ce que c’est : un avis. Il faut sortir de cette idée que le citoyen est roi et expert et qu’il en sait plus que les politiques. Un bourgmestre doit parfois prendre des risques pour assumer le changement. Dès qu’on veut un geste architectural fort, on est traité de mégalo. » Le « geste architectural fort » en question, c’est la construction d’un grand centre commercial, à deux pas de la gare de Namur. Ce projet, très contesté, en plus d’être une concurrence directe aux commerces existants, supposait la suppression d’un petit parc avec des arbres centenaires, le tout au nom de la « revitalisation du centre-ville ». Habitants et commerçants s’y sont majoritairement opposés. La consultation populaire ne fut qu’une mascarade dénoncée par de nombreux observateurs.

L’échevine du Commerce, Marion Lemesre, déclare, quant à elle : « Des logements de qualité qui vont attirer des catégories de personnes permettant de mieux mixer ce centre-ville du point de vue socioéconomique. » Moins de pauvres, plus de riches... C’est qu’à la différence de nombreuses autres grandes villes, le centre de Bruxelles est plutôt pauvre, les riches habitant généralement dans les communes excentrées, voire en périphérie. Historiquement, une première tentative de chasser les pauvres du centre-ville eut lieu, au XIXe siècle, lors des travaux de voûtement de la Senne, par la création des boulevards que nous connaissons aujourd’hui, de type haussmannien, à l’instar de Paris qui avait ainsi repoussé ses habitants les plus pauvres au-delà de cette « couronne » de boulevards.

C’est à cette époque (1873) que le Vieux Marché fut contraint de quitter la place Anneessens pour s’installer place du Jeu de Balle. Pourtant, ce qu’on appellerait aujourd’hui une « opération de gentrification » n’a jamais complètement réussi : des promoteurs ont fait faillite et la Ville a pu, via la Régie foncière, agrandir son parc immobilier, à moindre coût, sur le dos des promoteurs [1]… et des habitants expulsés. Le centre de Bruxelles est resté majoritairement habité, sinon par des pauvres, du moins par des foyers modestes. Ces dernières années, certaines rues ont connu un regain d’intérêt de la part d’habitants « à meilleure capacité contributive », pour citer encore Marion Lemesre lors d’un autre Conseil communal (01/12/2014).

Les propos de l’échevine laissent à penser que le « redéploiement du centre-ville », dont le piétonnier est le fer de lance, cache d’autres projets, outre ceux déjà connus à ce jour. L’immeuble du Parking 58, bientôt démoli et reconstruit pour abriter les bureaux de l’administration communale, le Centre Monnaie, destiné à devenir un centre commercial flambant neuf, autant de travaux qui auront inévitablement des conséquences sur le commerce et l’habitat. Il y a fort à parier que les départs qu’ils provoqueront – et provoquent déjà – dans un premier temps, laisseront ensuite le champ libre aux spéculateurs/promoteurs pour (re)construire, sur une terre brûlée, des « logements de qualité qui vont attirer des catégories de personnes permettant de mieux mixer ce centre-ville du point de vue socioéconomique. » De quoi rester vigilants !


[1Emission Le tram : Thierry Demey. http://bx1.be.