Entretien autour d’une enquête de terrain de six ans, à la rencontre des gestionnaires de la métropole et des habitant·es de Seine-Saint-Denis, où une partie des épreuves olympiques aura lieu et où de grosses infrastructures sont construites en détruisant le tissu urbain existant.
Journaliste au pôle écologie de Mediapart, Jade Lindgaard couvre les injustices environnementales, les pollutions industrielles, l’écologie urbaine et le nucléaire. Habitante d’Aubervilliers (93) et militante, elle répond ici aux questions de Stéphanie D’Haenens concernant son dernier ouvrage, Paris 2024. Une ville face à la violence olympique, qui vient de paraître aux éditions Divergences.
SDH Vous précisez d’emblée en introduction de votre ouvrage que vous n’avez pas voulu écrire un livre contre les Jeux olympiques. Pourtant, au fil des chapitres, on ne peut que se positionner contre l’organisation d’un tel méga-événement.
JL Je suis partie d’un point de vue très ignorant de ce que sont les Jeux olympiques et de la manière dont ils s’organisent. J’ai vraiment essayé d’avoir une démarche la plus empirique possible, de regarder depuis le terrain quels sont les effets notables de ces Jeux tout en essayant d’estimer les chances que les promesses affichées par les organisateurs se réalisent. Plus j’ai avancé dans cette enquête, plus j’étais impressionnée par l’ampleur des évictions sociales. Beaucoup de personnes ont été expulsées en raison de la construction du village olympique. Dès lors, mon point de départ qui était de travailler sur les impacts environnementaux des Jeux olympiques, puisque c’est ma spécialité comme journaliste à Mediapart, a assez vite dévié. Avant les impacts environnementaux, il fallait travailler sur les évictions sociales parce qu’elles étaient en train de se produire et personne n’en parlait.
C’est la deuxième chose qui m’a frappée dans cette enquête. C’est que, à aucun moment, les organisateurs des JO n’ont demandé aux gens leur avis. À aucun moment il n’y a eu une consultation pour demander aux Parisien·nes ou aux habitant·es de la Seine-Saint-Denis s’ils, elles étaient d’accord, voire favorables, à ce qu’on organise des Jeux olympiques à Paris en 2024.
Ensuite, une fois le processus d’organisation enclenché, ces personnes directement concernées n’ont pas été écoutées. Les habitants du foyer de travailleurs étrangers (ADEF) ont été relogés Lire p. 17-19. On est en France, les gens sont protégés par des droits, donc ils ont été hébergés temporairement avant un relogement définitif l’année prochaine, si tout va bien. Mais, pour autant, est-ce qu’ils étaient d’accord pour être délogés ? Est-ce qu’ils n’auraient pas voulu rester sur ce qui va devenir un écoquartier après le départ des athlètes du village olympique ? Ces questions-là n’ont pas été posées et c’est vraiment ce fil-là, à la fois d’éviction sociale et de rapt démocratique, que j’ai essayé de tirer.
Le sport peut avoir une dimension inclusive, notamment dans les quartiers défavorisés comme celui de la Seine-Saint-Denis. Sauf que ce que j’ai constaté, c’est un écart entre les promesses affichées d’égalité, de solidarité et d’inclusivité et la réalité sur le terrain.
Plus j’ai avancé dans cette enquête, plus j’étais impressionnée par l’ampleur des évictions sociales.
SDH Vous parlez dans votre ouvrage du « choc de la dépossession » subie par les habitant·es de Seine-Saint-Denis. Vous nous contez la construction d’un solarium sur les jardins ouvriers de Vertus pour le bon repos des athlètes, vous nous contez la construction du village olympique sur un territoire délaissé socialement, culturellement, économiquement par la puissance publique depuis des décennies et qui après les Jeux deviendra un nouvel écoquartier. Tous les mots qui sont utilisés dans votre ouvrage content la brutalité de la puissance publique à cet égard. Quel sera l’héritage social pour les habitants ? Et aussi quel ruissellement peut-on espérer justement de ces JO au niveau sportif pour les habitant·es dont les plus démunis ont un accès au sport aléatoire ?
JL C’est une question fondamentale. Parce qu’en fait, les Jeux olympiques sont toujours des aménagements urbains et des aménagements d’équipements sportifs. C’est la promesse pérenne de ces Jeux. C’est-à-dire qu’une fois terminés ils sont censés laisser derrière eux des équipements et des aménagements qui permettent d’avoir une meilleure pratique sportive.
Ça, encore une fois, c’est la promesse. Alors qu’est-ce qui va rester ? Une très grande piscine qui s’appelle le Centre aquatique olympique à Saint-Denis, mais qui n’est pas une piscine à taille olympique. Il va rester le stade Adidas Arena, dans le XVIIIe, Porte de la Chapelle, qui peut aussi servir de salle de concert. Il va rester des pistes cyclables aménagées le long du canal en Seine-Saint-Denis, au nord de Paris, puis aussi un ensemble de gymnases qui ont été réhabilités parce qu’ils étaient en mauvais état, et enfin des piscines d’entraînement des JO qui ne sont pas des piscines utilisées pour les compétitions, mais qui ont été construites pour permettre l’entraînement des athlètes, et pour laisser un héritage aux villes mitoyennes.
Ce que disent les chercheurs qui travaillent sur les JO, c’est qu’il y a très peu d’effets des JO sur l’augmentation de la pratique sportive des gens. Au moment des Jeux, il y a une excitation autour du sport. Surtout si un athlète français ou l’équipe de France gagne une médaille, il y a un effet d’entraînement et une vague d’inscriptions dans les clubs, mais pas de très longue durée et ça ne joue que pour certains sports les plus connus, alors que le principe des JO offre le spectacle d’une multiplicité de sports qui ne sont pas accessibles.
À aucun moment, les organisateurs des JO n’ont demandé aux gens leur avis.
Dans la plupart des villes en France, les clubs sont limités aux clubs de foot, vélo, natation et un peu de gymnastique. Il y a un décalage entre la multiplicité des sports olympiques et la réalité des offres dans les communes, ce qui constitue la première difficulté d’accès. Ensuite, la manière dont les fédérations sportives sont organisées en France fait que, lorsque vous êtes enfant, vous pouvez entrer dans les clubs sportifs de votre ville, mais ces fédérations sont organisées autour de la formation de champions. Donc si, par exemple, vous êtes ado et que tout d’un coup vous voulez vous mettre au tennis, ce n’est plus possible de passer par un club parce que vous êtes trop vieux. Il faut alors passer par le privé. Cette difficulté structurelle d’accès aux sports n’est pas modifiée par les Jeux olympiques.
En termes d’équipements, le village olympique et le village des médias construits en Seine-Saint-Denis vont devenir des nouveaux quartiers d’habitation et de bureaux et commerces. La promesse est d’augmenter l’offre de logements mais la limite de cette offre, sur laquelle j’ai beaucoup travaillé, est que, comme ces nouveaux quartiers ont été construits en très grande majorité avec des investissements privés par de grosses entreprises françaises liées aux BTP (bâtiments et travaux publics) et à l’immobilier (les groupe Vinci Eiffage, la banque Nexcity, la filière immobilière de la Société Générale ainsi que d’autres groupes plus petits), ces logements sont mis sur le marché de l’immobilier. Sur les 6 000 logements 30 % seront sociaux, 70 % privés. Une partie est déjà vendue puisqu’ils ont été mis en vente depuis l’année dernière avant d’être construits comme cela se fait beaucoup dans l’immobilier. Et donc ces logements ne sont accessibles qu’aux personnes qui ont accès au crédit bancaire. Aujourd’hui en France, ce sont les classes moyennes supérieures et les classes supérieures.
Ça veut dire que les habitant·es de SeineSaint-Denis, plus pauvres que la moyenne dans leur immense majorité, n’auront pas accès à ces logements. Cette politique-là est défendue par les élus de Seine-Saint-Denis.
Donc, grâce à ces logements, la municipalité va attirer des gens qui ont davantage de moyens. C’est le discours bien connu de la mixité sociale qui est aussi un discours de gentrification, ce sont deux noms qui désignent le même processus. C’est la question que j’ai essayé de soulever avec mon enquête de terrain : quand on investit autant d’argent public et privé dans un quartier – parce que le village olympique c’est 2 milliards d’euros – estil souhaitable que son bénéfice revienne majoritairement aux classes moyennes supérieures ?
C’est le discours bien connu de la mixité sociale qui est aussi un discours de gentrification. Ce sont deux noms qui désignent le même processus.
SDH Au-delà de la gentrification, vous expliquez le lien très fort entre l’État, « les grandes familles de l’État olympique » comme vous dites, et les différentes instances et institutions des Jeux olympiques et leur évolution. Ce fameux slogan que vous dépliez au fil des pages « Les Jeux financent les Jeux », et sa logique marchande et publicitaire. Vous dites qu’il y a eu un basculement en 1984, avec les Jeux olympiques de Los Angeles. Vous parlez même d’un « urbanisme de trophée ». Alors vous venez de citer l’Adidas Arena comme héritage potentiel pour les Parisien·nes. Est-ce que vous pouvez expliquer cette évolution des Jeux ?
JL C’est un des éléments vraiment intéressants de cette question olympique. Historiquement, les Jeux étaient financés par les pouvoirs publics parce qu’ils étaient considérés comme des événements importants pour les États, en réunissant une nation.
Plus les années passaient, plus il y avait d’énormes dépenses avec la construction de gigantesques ouvrages olympiques. Jusqu’aux Jeux de Montréal, en 1976, qui se sont terminés par un énorme endettement de la Ville de Montréal [1]. Suite à cette quasi-banqueroute, de nombreuses villes on fait savoir au Comité international olympique (CIO, l’instance organisatrice des Jeux dont le siège est à Lausanne) qu’elles ne souhaitaient plus organiser les jeux parce qu’elles ne voulaient pas se retrouver en situation de dette comme Montréal. Donc le CIO a retravaillé son modèle économique pour faire entrer les sponsors. Le moment de consécration de ce nouveau modèle olympique, ce sont les Jeux olympiques de Los Angeles en 1984, qui sont donc massivement sponsorisés par le privé. C’est l’arrivée des grands sponsors qui restent encore des sponsors olympiques aujourd’hui, notamment Coca-Cola, avec tout un système de sponsors premium qui sont choisis par le CIO lui-même et qui obtiennent en échange de leur financement (dont les montants ne sont jamais vraiment révélés) non seulement une présence publicitaire mondiale gigantesque, mais en plus des droits exclusifs. Par exemple, seul le Coca sera vendu dans les enceintes des Jeux et dans les fan-zones et pas le Pepsi. Ce qui conduit au modèle actuel de financement des Jeux. Il y a trois sources de financement : la billetterie (15 millions de billets sont en vente), les sponsors privés et les droits de diffusion qui sont touchés par le CIO et reversés au comité d’organisation des JO – en France, c’est le COJOP (Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques) qui est présidé par Tony Estanguet.
Ça, c’est le mode de financement des JO pour la partie événementielle, donc l’organisation des Jeux en tant qu’événement. Mais comme je disais au début, les Jeux olympiques sont toujours des opérations d’aménagements urbains qui sont en partie financées par les pouvoirs publics, c’est-àdire l’État et les collectivités locales. Ils sont pris en charge par une autre instance, un établissement public qui s’appelle la Solideo (Société de livraison des Jeux olympiques) qui a construit le village olympique, le village des médias, la piscine à Saint-Denis. L’Adidas Aréna, elle, a été construite par la mairie de Paris.
Donc la Solideo est maître d’ouvrage, elle a un rôle de coordination. C’est un établissement public qui a eu pour mission d’assurer que tous les équipements soient prêts pour le 26 juillet, jour de la cérémonie d’ouverture. Mais elle a coordonné des ouvrages en grande partie financés par le privé. Des partenariats public-privé. C’est notamment le cas du village olympique dont la construction a été coordonnée par la Solideo, mais qui a été construit avec des fonds privés à 78 %. C’est-à-dire que la Solideo a financé la partie publique, l’espace public, l’aménagement des rues, ce qui est extérieur, tandis que le village en tant que quartier a été financé par les investissements privés. Idem pour le village des médias. Il y a constamment un entrelacement de fonds privés et de fonds publics, ce qui rend d’ailleurs la lisibilité de « qu’est-ce qui coûte à qui ? » difficile. La promesse initiale de la candidature de Paris, qui était « les Jeux financent les Jeux » est donc fausse étant donné qu’il y a de nombreux investissements publics. Et d’ailleurs il y a toute une série de coûts cachés parce que ce sont des coûts assurés par la puissance publique mais qui ne sont pas comptabilisés dans les comptes des JO.
Par exemple, le coût de construction du Grand Paris Express (métro), dont plusieurs nouvelles lignes encerclent Paris, n’est pas compté. Seule la ligne 14 sera achevée pour le début des Jeux et c’est la plus importante puisqu’elle relie le village olympique au reste de la métropole.
Ce qui n’est pas compté non plus, ce sont les coûts des traitements des fonctionnaires de police, des militaires, tous les services de sécurité. Ne sont pas comptés non plus les salaires des cheminots qui vont construire les métros, conduire les bus, etc. D’ailleurs, le prix du ticket de métro passera de 2,10 euros aujourd’hui à 4 euros du 20 juillet au 8 septembre et le trajet Paris-banlieue passera lui à 6 euros. Une augmentation justifiée par le fait qu’il y a des dépenses supplémentaires pendant les Jeux puisqu’il faut faire travailler plus de personnel.
Il y a un effet de communication : les organisateurs sous-estiment dans leurs discours ce que les JO coûtent à l’État pour contrer la peur que cela peut engendrer. Mais l’État est très impliqué dans l’organisation des JO et il les organise pour des raisons de rayonnement international et de vision du développement économique. Les économistes qui travaillent sur les JO montrent qu’en réalité les Jeux coûtent toujours plus qu’ils ne rapportent.
SDH Pouvez-vous expliquer cette fameuse loi olympique qui permet d’éviter les procédures juridiques d’application en temps normal ? Vous la citez s’agissant de la destruction partielle des jardins de Vertus, aussi appelés Jardins ouvriers d’Aubervilliers [2], que vous avez défendus en tant qu’habitante et dont la destruction a été jugée illégale alors que les travaux avaient déjà commencé.
JL En fait, il y a même eu deux lois olympiques. Une première loi d’urbanisme en 2018 pour faciliter les constructions et les aménagements et une autre en mai 2023, sur les dispositifs sécuritaires (sur l’usage de la « vidéoprotection intelligente » entre autres). La loi de 2018 a plusieurs implications. D’abord, la suppression d’un échelon judiciaire : afin de réduire les délais juridiques, tous les recours devant la justice administrative qui étaient liés aux JO ont été jugés directement en cour d’appel au lieu de passer d’abord par un tribunal administratif. Ensuite, elle permet de procéder à des expropriations accélérées par rapport aux délais habituels. Mais il n’y a pas eu d’expropriation stricto sensu pour le village olympique. La question ne s’est pas posée. Un gros tiers des Jardins ouvriers d’Aubervilliers, soit une vingtaine, qui datent du début du XXe siècle, ont été détruits par un chantier de solarium qui devait accompagner une piscine d’entraînement des Jeux Olympiques. Assez vite, les habitant·es se sont mobilisé·es. Ils n’étaient pas contre les JO ni contre la piscine. Mais, par contre, ils trouvaient absurde de détruire des jardins nourriciers pour y construire un solarium. Les habitant·es sont allé·es à la mairie, ensuite à la préfecture, ensuite au département, ensuite à la Solideo, ensuite à l’Établissement public Grand Paris Aménagement qui était chargé de la construction, pour proposer d’installer le solarium sur le toit de la piscine. La réponse a été : « Ah oui, c’est vrai, vous avez raison, c’est dommage, mais bon, on n’a pas le temps, c’est les JO, ne vous inquiétez pas, les jardins seront compensés. » Un dialogue de sourds s’est mis en place, les habitant·es ont occupé les jardins pendant trois mois, tout un été, pour empêcher leur destruction.
Cette occupation a été expulsée par la police et des personnes ont été arrêtées. J’en faisais partie. Dans la foulée, les pelleteuses sont arrivées et ont excavé la terre des jardins par quatre mètres de profondeur. C’était vraiment terrible cet énorme trou. Cette terre qui avait été cultivée et amendée pendant des décennies, cette terre précieuse parce que féconde, a été balancée dans des trous du Grand Paris Express ! Parallèlement, des habitant·es avaient introduit un recours devant la justice pour s’opposer à cette destruction. Une semaine après l’excavation, la justice a arrêté le chantier statuant qu’il était illégal de détruire ces jardins parce qu’ils étaient protégés au nom de la biodiversité [3]. La justice a demandé à la mairie d’Aubervilliers de reconstituer les jardins mais malheureusement c’était trop tard par rapport à leur destruction. L’histoire des jardins est emblématique de ce qui se passe avec les aménagements olympiques.
Par ailleurs, c’est du foncier qui appartenait à la puissance publique. Et d’ailleurs les jardins qui ont été détruits ne vont pas être reconstitués d’aussitôt parce que maintenant ils servent d’emprise à un chantier du Grand Paris Express pour la construction de la future gare Fort-d’Aubervilliers. L’espoir de leur reconstitution est reportée à dix ans.
Cette terre, précieuse parce que féconde, a été balancée dans des trous du Grand Paris Express.
SDH Comment seront « compensés » ces jardins ?
JL Les compensations pour les destructions environnementales occasionnées par les JO ne sont pas claires du tout. Les autorités n’ont toujours pas communiqué à ce sujet. En revanche, la compensation pour la destruction d’une partie des jardins consiste à planter une bande arborée derrière les jardins épargnés. Il y a aujourd’hui toute une littérature scientifique critique du principe de compensation. Les arbres mettent des décennies à pousser avant qu’ils ne retrouvent la fonction vivante végétale de tout ce qui a été détruit, c’est-à-dire la biodiversité dans le sol. Or Aubervilliers est un quartier très bétonné et très pollué. Ce qu’il faudrait faire au contraire, c’est étendre les espaces vivants, végétaux, la faune et la flore, à la fois pour la biodiversité, et tout autant pour les habitants. Ce sont des quartiers très impactés par la canicule.
Par ailleurs, des liens sociaux se tissent dans ces jardins. Donc il faudrait étendre cette compensation pour autant que ce soit possible, ce qui est à mettre en doute. Mais même si on y arrivait, en fait, c’est de toute façon très insuffisant par rapport à ce qu’il faudrait faire, c’està-dire offrir beaucoup plus d’espace vivant à ces habitants. Les jardiniers, en revanche, ont pu renouer avec le travail de la terre car pas loin de là des parcelles inutilisées des jardins de Pantin leur ont été attribuées.
SDH Est-ce qu’il y a un risque de manifestation à l’ouverture des JO ? Il y a un an, et cette année encore, les manifs « Pas de retrait [de la loi, NDLR], pas de JO » menées par des cheminots et des agents de la RATP ont fleuri au moment des mesures prises pour réformer le système des retraites. Tous les mouvements sociaux qui contestent les budgets pharaoniques des JO, indécents en regard de la situation économique de la majorité des gens aujourd’hui, ne risquent-ils pas de se réveiller ?
C’est hyper improbable qu’il y ait un gros mouvement de protestation contre ces Jeux parce que les choses sont faites et décidées, parce qu’il y aura un dispositif policier et sécuritaire énorme. Il y aura une zone rouge, uniquement accessible sur présentation d’un QRcode qui restreindra l’accès dans certaines rues de la métropole. L’espace sera hyper-sécurisé. Il y aura des espaces pour les manifestations mais hyper encadrés par la préfecture. Les gens les plus en colère n’auront pas forcément envie de manifester dans ces conditions-là. Par ailleurs, il y a beaucoup de résignation par rapport à ces Jeux. Il n’en reste pas moins que la CGT (premier syndicat de la fonction publique) a déposé des préavis de grève qui courent pendant la durée des JO [4]. Mais moi, franchement, je doute que la CGT ne prenne le risque de bloquer les métros pendant les JO. Ce serait rendre les JO impossibles. Ce serait vraiment établir un rapport de force brutal avec les pouvoirs publics.
Les Jeux coûtent toujours plus qu’ils ne rapportent.
[1] Les Jeux de Montréal ont coûté près de huit fois plus cher (+ 796 %) que les prévisions de départ.
[3] Légifrance, loi n° 2016-1087 pour la reconquête de la biodiversité de la nature et des paysages
[4] La CGT (Confédération générale du travail) a déposé des préavis de grève dans les trois branches de la fonction publique courant du 15 avril au 15 septembre et qui couvriront donc la période des Jeux olympiques et paralympiques. Elle demande notamment « des recrutements pérennes, des compensations salariales au titre des contraintes professionnelles générées par les Jeux, […] des droits aux congés, au télétravail choisi et à la déconnexion ». Ce préavis rejoint celui du deuxième syndicat de la fonction publique, Force ouvrière (FO), qui a également déposé début mars un préavis de grève s’étendant sur toute la période des Jeux olympiques, réclamant une meilleure rémunération des fonctionnaires. Selon AFP, 10/04/2024.