Depuis la parution dans le BEM n°319 de l’article « Rojava : construire l’autonomie » présentant quelques principes politiques du confédéralisme démocratique mis en place dans le nord-est de la Syrie (souvent appellé Rojava de son nom kurde), des évolutions importantes ont eu lieu dans la région. Tout d’abord, le projet politique continue à s’étendre et à s’approfondir, notamment avec la déclaration du nouveau contrat social en 2023 par l’AADNES [1].
Le besoin d’un nouveau contrat social [2] (le précédent datait de 2016) s’était fait sentir notamment suite à l’intégration de plusieurs régions arabes dans l’administration autonome, au fur et à mesure que ces territoires avaient été libérés du contrôle de l’État islamique. Le but était alors « de construire un nouveau contrat social qui représenterait désormais les sept cantons libérés, où tous se reconnaîtraient comme faisant partie du même système politique et social », nous raconte Mizgin Ahmed, représentante des relations extérieures du PYD en Europe qui a également participé au comité de rédaction du nouveau contrat social. Un large processus de consultation populaire avait permis d’identifier des changements à apporter au contrat social précédent. « 106 personnes ont alors rejoint le comité de rédaction, incluant des représentants de tous les groupes ethniques, religieux et culturels ainsi que des femmes et des jeunes de la région », poursuit-elle.
Or, cette avancée démocratique dans la région a provoqué l’ire du régime ultranationaliste et autoritaire turc : « Le 12 décembre 2023, le contrat social a été inauguré. En réponse, l’État turc et ses mercenaires dans la région [3] ont décidé de transformer toutes les infrastructures essentielles de la société en cibles militaires. » Des frappes aériennes turques intenses ont eu lieu, ciblant des stations d’électricité, de gaz et de pétrole ainsi que des lieux de travail [4], le but étant de rendre la vie insupportable et de pousser la population à s’exiler.
Face à ces difficultés, le mouvement de construction se poursuit dans la région. Sur le plan politique, des élections municipales sont prévues sur tout le territoire – malgré les menaces du président turc qui annonce une invasion terrestre si les élections devaient avoir lieu. Sur le plan matériel, la réparation des dégâts causés par les frappes aériennes est en cours. L’AADNES entend également développer davantage la dimension écologique de son projet politique. Actuellement, un appel à don circule pour soutenir l’installation de panneaux solaires au Rojava [5].
[1] Administration Autonome Démocratique du Nord et de l’Est de la Syrie.
[2] Vous pouvez consulter le nouveau contrat social en français sur le site Serhildan.org. Vous y trouverez aussi un bref historique des contrats sociaux du Rojava.
[3] La Turquie occupe plusieurs zones dans le nord-est de la Syrie, suite à des incursions militaires entre 2016 et 2019, où elle s’appuie sur différentes milices.
[4] Interview réalisé par le Rojava Information Center (RIC) avec différents responsables du canton d’Euphrate et de la ville de Kobanê sur les changements contenus dans le nouveau contrat social et des élections municipales à venir : rojavainformationcenter.org.
[5] Campagne « Solardarity Rojava » : www.solardarity-rojava.org/en/campaign