La rentrée médiatique est résolument centrée autour des nouveaux plans de mobilité. Dans une présentation caricaturale, chacun est renvoyé dos à dos : de dangereux automobilistes luttant pour leurs privilèges affronteraient une petite bourgeoisie cycliste, gentrificatrice. Derrière la caricature se dissimule des choix stratégiques non avoués et un manque avéré de dialogue démocratique.
Revenons-en aux bases, les mailles apaisées c’est quoi ? C’est un dispositif prévu par le plan régional de mobilité « Good Move ». Il s’appuie sur une logique de hiérarchisation des voiries et renvoi le trafic de transit sur des axes qui lui sont dévolus. Bref, l’objectif est louable : il s’agit de créer cinquante quartiers subissant moins les nuisances des automobilistes de passage. Cependant, derrière la simplicité relative du concept se cache une double complexité. En premier lieu, une maille apaisée, c’est flou ! Si elles sont délimitées dans les plans, il n’existe pas de définition claire des mesures qu’il s’agit d’y appliquer. Cet état de fait explique la grande diversité des quartiers « apaisés » en phase de test aujourd’hui. La maille du Pentagone se divise en sept sous quartier, la maille Collignon en trois et la chaussée de Mons se retrouve inexplicablement exclue du quartier « apaisé » de Cureghem. En fait, l’organisation de la circulation relève de l’autorité communale et ces différences sont le reflet des diverses réalités locales
On est face ici au deuxième écueil : les mailles apaisées sont planifiées par le pouvoir régional, pourtant c’est l’autorité communale qui les met en application. Pour l’inciter à utiliser l’outil, l’administration régionale est donc obligée de passer par un dispositif incitatif. Un outil émerge alors : le Contrat Local de Mobilité sous forme d’appel à projet auquel les communes peuvent participer. Elles soumettent alors la candidature d’un quartier qui bénéficiera d’un financement important. Cinq quartiers sont sélectionnés par an : les quartiers de Cureghem, Parvis (Saint-Gilles), Dieleghem (Jette) et Flagey l’ont été en 2020 et les quartiers de Neerstale, Roodebeek, Chant d’Oiseau, Pannenhuis et le vieux Molenbeek en 2021. L’objectif est d’aboutir en 2030 à une Région où cinquante quartiers seraient apaisés.
La conjonction de ces deux éléments implique que tant le choix de la maille que l’organisation du trafic relève de l’arbitraire du Collège… Les plans de mobilité s’inscrivent dès lors dans une vision locale et les communes les mobilisent indéniablement pour leur propre agenda. Il peut s’agir de renforcer l’attractivité commerciale ou la fonction HoReCa, faciliter la « transition rénovatrice », etc. Cette dernière expression est explicitement utilisée dans la synthèse du diagnostic partagé du contrat local de mobilité Cureghem lequel suscite particulièrement l’ire des habitant·e·s et commerçant·e·s de ce territoire dense et populaire.
Le problème de gouvernance est donc le suivant : l’intérêt général que promet le dispositif de maille apaisée (la réduction du trafic de transit) se trouve subordonné à la volonté des communes. Donc, c’est bien une la mobilité à deux vitesses qui émerge en fonction des quartiers. Or, on ne peut objectivement garantir que le processus aboutira à son terme. Il dépend trop des rapports de force, des tractations politiques et des revirements d’alliances. Dans ces conditions, il est nécessaire de sortir du secret des alcôves.
IEB s’étonne de l’absence de comptages et d’études publics nécessaires à la réalisation de tels plans permettant au citoyen d’analyser sur pièce l’impact de ces plans sur son quartier. Des transformations aussi importantes, mêmes justifiées pour le plus grand bien de tous, ne peuvent se contenter d’une participation de façade des bureaux d’études. Au-delà de la phase test, nous demandons également que ces plans de mobilités soient évalués pour s’assurer du fait qu’ils améliorent réellement la qualité de vie des riverains, assurent une réduction de la pollution chimique et sonore (et non l’inverse), améliorent la sécurité des piétons et des autres usagers faibles des voiries et n’impactent pas négativement les activités socio-économiques déjà en place.
IEB demande également que les mailles apaisées :
- ne se trompent pas de cible : il s’agit du trafic de transit pas celui des riverains ;
- prennent en compte les réalités singulières des quartiers, de leur population, de leur densité, des besoins des activités socio-économiques qui s’y développent, de la bonne desserte ou non en transport en commun.
Par ailleurs, IEB plaide pour une approche transversale des politiques urbaines et de mobilité. Dans une Région où les prix de l’immobilier explosent, on peut légitimement se demander qui sera encore capable de se loger dans ces nouveaux quartiers plus apaisés ? Les populations exclues des quartiers centraux se retrouvent aujourd’hui reléguées vers la périphérie, dans des zones moins bien desservies qui les obligent à se déplacer en voiture. Une politique de mobilité durable se couple donc à la création de logements abordables (entendez sociaux) dans les quartiers bien desservis.
Dans cet ordre idée, nous ne résistons pas à l’envie de vous annoncer la sortie très prochaine de la nouvelle capsule vidéo d’IEB : « Moins de voiture en ville pour des politiques sociales et environnementales ».