Des habitant(e)s de la rue du Progrès à Schaerbeek concerné(e)s par l’expropriation s’expriment.
Depuis 1963, j’ai toujours vécu ici, je quitterai pas. De toute façon je quitterai pas Schaerbeek. Les liens avec le quartier sont forts. Tous les voisins, je les connais, on s’entend bien, on s’occupe des autres. On a les comme ci, les comme ça, les bizarres, la rue elle est bien comme ça !
Aujourd’hui en copropriété à trois familles dans une des maisons de la rue -côté expropriation-, ma sœur vit en haut et nous au premier, on est bien.
C’était pas dans cet état-là quand on est arrivé, j’ai fait beaucoup de travaux, des investissements et beaucoup de temps.
Au début, il y a eu trois quatre réunions à la commune, c’était toujours le même blabla. Aux réunions, ils ont parlé, parlé, ça nous disait rien. Ils ont montré des schémas et ils sont partis.
C’est pas une rue, c’est un village ici. Mais maintenant, l’ambiance est moins bonne, avec les expropriations, tous ça, les propriétaires qui vendent, qui vendent pas, en tant que locataire, qu’est-ce-qu’on a à dire ? Un jour j’allais pas bien, j’ai croisé la voisine chez Rosa (l’épicière), ça faisait déjà des mois qu’elle était là, mais je la connaissais pas encore. Elle me dit : t’as pas l’air bien. Je lui dit que non. Deux heures après, on sonne à la porte, c’était elle et elle m’avait fait un couscous.
Se rendre malade pour ces histoires-là, c’est pas la peine. Si j’étais pas tombée malade, j’aurais même pas attendu les 5000 euros, je serais partie.
Bien sûr je suis bien ici, je veux pas bouger, mais moi si l’État dit qu’il faut partir, je pense qu’il faut partir. Après tout, il y a 80 familles ici concernées, même si toutes disent non, ils vont quand même le faire. Au fond ça m’appartient pas ici, en fait tout appartient à l’État. Et si l’État dit qu’il a besoin de faire ça, eh bien je veux pas dire vous ne pouvez pas casser ma maison. Les gens devraient vouloir que l’État aille bien parce que si ça fait du bien au pays, les gens vont bien aussi. Moi je suis comme ça, je ne fais pas de problèmes et je ne veux pas qu’on me fasse des problèmes.
Vous savez, ma voisine n’osait pas partir au Maroc, rentrer pour les vacances. Elle m’a dit qu’elle avait peur de ne rien retrouver en revenant ! Je lui ai dit qu’on ne déloge quand même pas les gens du jour au lendemain sans prévenir.
Les voisins partent, les maisons vides sont squattées. Rénover, faire des travaux ne servirait à rien, ce serait de l’argent perdu. On est vraiment entre deux chaises, les gens ne font plus rien, ils laissent aller. C’est normal, on ne peut pas leur en vouloir, c’est aussi ce qui s’est passé au quartier du Midi, les gens ont été expropriés 10 ans après.
La commune ne dit rien du tout, depuis mai 2009, il n’y a eu aucune réunion. Au début, il y a 5 ans, Mme Jodogne, la Bourgmestre, a organisé des réunions, mais on a vite compris qu’elle était du côté d’Infrabel. Quand des réunions sont organisées, c’est par des associations.
Là, Infrabel est passé pour expertiser la maison, on sait pas, ils nous ont rien dit encore. Ils ont donné des prix à certains, pas à d’autres, on sait pas trop, personne ne sait. C’est dans le secret, c’est pas bon pour l’ambiance du quartier. On a peur que du jour au lendemain il n’y ait plus rien.
Les gens commencent à dire : « non, non, j’ai pas vendu » alors qu’ils ont vendu. On comprend plus rien. Il y a une guerre entre propriétaires et c’est le locataire qui subit tout.
Le pire, c’est les locataires. Pour l’argent, on a aucun papier noir sur blanc avec une signature qui dise combien on aura. « Je crois que dans l’ensemble, ils essayent de nous lasser. Comme ça à la fin tout le monde sera parti et ils devront plus verser d’indemnité à personne. »
D’Infrabel on ne sait rien. Il y avait un numéro gratuit pour téléphoner, pour les travaux, et quand on appelait, la dame savait rien, elle disait : Quels travaux ? Il n’y a pas de travaux rue du Progrès !
Au début des dirigeants d’Infrabel sont venus aux premières réunions, au Soleil du Nord. Je suis allé deux fois écouter les mêmes conneries, quand on sortait de là on se demandait ce qu’on avait appris. Ils ont dit qu’il y avait 90% de chances que le projet se fasse.