Toutes les études le disent, le parc de bureaux à Bruxelles souffre d’un vide locatif considérable. La preuve par le nombre de m² d’espaces administratifs, neufs ou obsolètes, inoccupés, à vendre ou à louer. Que faire de tous ces locaux inexploités ?
La première urgence est bien évidemment de freiner le développement de nouvelles constructions et de favoriser la réhabilitation des bâtiments vides et trop vétustes. Mais, face au besoin criant de terrains pour d’autres fonctions, telles le logement, il faut aussi penser à la reconversion de toutes ces superficies. L’occasion de développer une vision globale de la ville et de réfléchir à la réintroduction de l’habitat dans des zones mono-fonctionnelles de bureaux.
Des opportunités à saisir
Bruxelles compte 2 millions de m² de bureaux inoccupés, mais derrière ce chiffre se cachent des situations très multiples en termes d’implantation, d’état de vétusté, de morphologie, de taille,... Ceci nous oblige bien évidemment à considérer le problème au cas par cas.
Certains bâtiments peuvent tout simplement être rénovés et remis sur le marché avec la même fonction. Pour ce qui est des autres, ils constituent un potentiel non négligeable d’espaces vacants et offrent une réelle opportunité de recyclage pour toute une série de fonctions déficitaires à Bruxelles.
Dépasser les contraintes
Néanmoins, la transformation de ces surfaces n’est pas exempte de contraintes. Les immeubles de bureaux présentent une architecture très spécialisée en terme d’organisation de l’espace (luminosité, aération, et souvent un espace mort central). Le respect des normes impliquera bien souvent une transformation en profondeur du bâtiment : Code du Logement, normes de sécurité, isolation, installation des gaines techniques,... ce qui ne manquera pas d’occasionner un surcoût important pour ce type de rénovation. Ceci explique que les expériences de reconversion existantes sont, pour la plupart, des projets de création de logement haut de gamme, alors que c’est surtout au niveau du logement social et du logement moyen que les besoins sont les plus pressants.
Par ailleurs, si la transformation semble facilement envisageable pour des petites entités, elle deviendra souvent très complexe pour de grandes tours de bureau. Une étude au cas par cas est indispensable. Les différentes possibilités doivent donc être examinées en regard des contraintes techniques et financières, mais aussi en fonction de l’opportunité que peut constituer tel ou tel site.
La Plateforme Logements vides milite en ce sens pour la création d’une cellule d’accompagnement et de conseils, pour les propriétaires de bureaux, afin de les épauler dans la démarche et de faciliter les opérations de transformation.
Imaginer un autre destin
La reconversion de bureaux en logements est, vu les besoins criants dans ce secteur, la première piste à examiner. Dans ce sens, une étude du BRAT (Bureau de recherche en aménagement du territoire) a identifié une série d’immeubles de bureaux qui pourraient être transformés et reconvertis en quelque 3200 logements. A l’heure où les terrains à bâtir se font rares, il serait absurde de manquer une telle occasion de transformer ces bâtiments avant qu’ils ne deviennent les nouveaux chancres de la ville de demain.
Si la réaffectation en logements est sans doute la plus onéreuse et la moins facile en terme de réalisation, c’est celle qui serait pourtant la plus utile, à condition toutefois de réaliser en priorité des logements pour des revenus moyens et surtout des habitations sociales. Mais ces espaces peuvent aussi accueillir d’autres fonctions. Les petites PME et le secteur associatif éprouvent bien souvent du mal à trouver des lieux répondant à leurs besoins. Beaucoup d’entre eux occupent actuellement des surfaces d’habitation qui pourraient retourner sur le marché du logement s’ils étaient libérés. Il suffirait pour cela de partager des immeubles de bureaux en plus petites unités.
D’autres bâtiments sont également assez spacieux pour de l’accueil scolaire, pour des cours et des formations en tous genres. Les immeubles du Quartier Nord sont idéalement situés pour ce genre de projet puisque tout proches d’un pôle important de transports en commun. Certains grands plateaux de bureaux déserts sont certainement un lieu idéal pour des ateliers d’artistes, ou encore pour des salles de fitness et pourquoi pas de l’Horeca.
Certains immeubles restent vides des années durant. Ils pourraient fort utilement et légitimement servir de logements temporaires pour les plus défavorisés. Certains étudiants seraient également très heureux de profiter de ces lieux pour y vivre le temps de leurs études, avec un bail à court terme. Des associations de locataires ou des AIS pourraient se charger de l’encadrement et servir d’intermédiaires entre occupants et propriétaires pour ce qui concerne des ménages en situation précaire.
Actuellement, tout ce qui peut contribuer à diminuer la pression du prix des loyers constitue une piste à exploiter sérieusement. Humainement, ces expériences peuvent être le terreau de projets de réinsertion et de cohésion sociale enrichissants. Cela peut réintroduire la mixité et la convivialité, amener de nouveaux commerces et de nouveaux habitants et participer ainsi au renouveau économique et social d’une vie de quartier.
Soutenir les démarches
La première condition pour garantir une mise en œuvre réussie de reconversion des immeubles de bureaux passe par une volonté politique. Il manque à Bruxelles un plan de densification et une réflexion globale sur la pertinence du maintien de la fonction bureau dans certains quartiers.
IEB plaide clairement pour un moratoire sur les bureaux ainsi que pour l’introduction de plus de mixité dans les zones administratives et au sein même des immeubles. Le problème des bureaux, c’est un peu comme les ordinateurs : ils deviennent vite obsolètes, se vident tandis que d’autres se construisent, augmentant du même coup le nombre de bureaux, dévorant les terrains à bâtir au détriment de la fonction logement.
La seule manière de garantir une certaine longévité aux bâtiments qui sont construits serait de prévoir dès le début une mixité de fonctions ainsi que la possibilité de moduler l’utilisation des espaces en fonction de la demande. Mais le plus urgent, aujourd’hui, est de stopper la construction des bureaux, tout simplement et de s’attacher en priorité à la réfection de ce qui existe déjà.
Chargée de mission urbanisme de 2010 à 2016.