Claire Scohier, Stéphanie D’Haenens, Jérôme Matagne et Thierry Kuyken – Décembre 2015
Le Plan régional Air-Climat-Energie (PACE), soumis à l’enquête publique du 25 mai au 31 juillet 2015, est présenté par le gouvernement comme l’un des plans qui permettra à la région bruxelloise de devenir un modèle de gestion urbaine durable. Il pointe des objectifs à atteindre en matière de qualité de l’air, de réduction des gaz à effet de serre, de production d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique. Vu l’importance de la matière, cette étude se propose de décortiquer en détail les différentes mesures envisagées.
Au vu des objectifs contraignants fixés notamment par l’Union européenne, la Région ne peut se contenter en ces matières d’un inventaire de mesures non contraignantes, mais doit mettre sur pied une méthodologie planificatrice permettant de garantir des résultats en vue d’être en conformité avec les normes supra régionales. A cet égard, la Région dit aller au-delà de l’objectif 20-20-20 de l’Union européenne qui consiste d’ici 2020 à : faire passer la part des énergies renouvelables dans le “mix énergétique” européen à 20%, réduire les émissions de CO2 des pays de l’Union de 20% et accroître l’efficacité énergétique de 20%. Or, la Région s’est engagée à réduire d’ici 2025 ses émissions de gaz à effet de serre de 30% par rapport aux émissions de 1990. Toutefois, l’objectif de l’Union européenne à l’horizon 2030 est durci puisque les émissions de gaz à effet de serre devront être réduites de 40% à l’échelle du territoire européen par rapport à leur niveau de 1990 et les énergies renouvelables devront atteindre 27% dans la consommation énergétique de l’UE.
Le mouvement environnemental bruxellois qui appelle à l’adoption d’un plan quinquennal et à une vision d’avenir, attendait donc beaucoup de cette planification. Or, ce plan d’une importance stratégique pour la région de Bruxelles-Capitale n’a été mis à l’enquête du public que sur une période de 2 mois qui était pour moitié couverte par les congés d’été.
Le plan liste un certain nombre d’objectifs qui reproduisent principalement les objectifs d’autres plans existants ou de directives européennes. En regard de ces objectifs, le plan dresse une structuration intéressante en 9 axes de travail déclinés d’abord en mesures (59) puis en actions concrètes (124). Pour la clarté de notre propos nous reprenons dans les pages qui suivent cette architecture. Le lecteur pourra ainsi aisément se référer au texte du PACE.
Malheureusement, ces 59 mesures ne sont ni budgétées, ni hiérarchisées, ni planifiées dans le temps. Elles n’identifient ni le pilote de la mesure ni les partenaires auxquels il doit s’associer. De la même manière, il ne prévoit pas non plus d’indicateurs permettant de mesurer l’état d’avancement de la mise en œuvre de la mesure. Le contrôle du respect de la mesure et l’évaluation des actions menées semblent donc compromises en l’état. Afin de remédier à ces manquements, ce plan stratégique doit donc être complété par un volet opérationnel.
Il nous est apparu que la lecture du rapport d’incidences environnementales (RIE) du PACE était à cet égard riche d’enseignements. On y relève un grand nombre de manquements et de recommandations. Il aurait donc été utile que le Plan se saisisse plus pleinement des recommandations du RIE.
1.– Articulation avec les autres plans et Régions
Le Plan Air-Climat-Énergie s’appuie en toute logique sur des plans existants, dont le Plan Régional de Développement Durable (PRDD). Il part du postulat que « le PRDD traduit le projet de ville définit par le Gouvernement bruxellois et fixe notamment les balises des politiques qui seront mises en œuvre à l’horizon 2020 » [1]. Or, ce plan stratégique n’a jamais fait l’objet d’une enquête publique et n’a pas été approuvé : il est toujours à l’état de projet actuellement. S’il est intéressant d’y faire référence, le PACE ne peut néanmoins se reposer sur ce qui est à l’état de projet comme s’il s’agissait de lignes directrices déjà décidées par le Gouvernement en faisant fi de la consultation démocratique.
En ce sens, l’avis rendu par la Commission régionale de Développement (CRD) aurait dû être rendu à l’issue de l’enquête publique afin de pouvoir se saisir des différents avis de la société civile. Rappelons en effet que le CRD chapeaute d’autres commissions/conseils d’avis telles que le Conseil consultatif du logement, la Commission régionale de la Mobilité (CRM), le Conseil de l’Environnement pour la Région de Bruxelles-Capitale (CERBC), la Commission Royale des Monuments et Sites (CRMS) et le Conseil Economique et Social (CES), entre autres.
Outre le PRDD, le plan vise surtout à la réalisation de mesures et actions prévues par ailleurs dans d’autres plans, principalement le Code bruxellois de l’air, du climat et de la maîtrise de l’énergie (COBRACE) ou le Plan Iris 2, plan stratégique qui reprend les principales orientations concernant la mobilité en région bruxelloise à l’horizon 2015-2020 et qui vise principalement à décongestionner la capitale. Le RIE constate que « (...) une des grandes difficultés rencontrées a été de discerner les apports spécifiques du Plan Air-Climat-Énergie par rapport à ces autres plans et programmes » [2]. Il nous semble important que l’articulation entre les différents plans soit rendue plus lisible. Cela pourrait être possible grâce à un diagramme des actions et mesures qui permettrait d’identifier les interactions entre les différents plans à l’œuvre en région bruxelloise.
En ce sens, le PACE présente d’ailleurs peu d’innovations, il se repose essentiellement sur des dynamiques déjà lancées antérieurement par d’autres plans ou mesures. S’ajoute à cela le fait que la plupart des plans cités datent de 2010 et sont donc déjà dépassés. Le PACE était l’occasion de revigorer/réactualiser ces différents plans et non d’en être à la traîne. Or, il dresse peu de passerelles avec les plans existants se rattachant pourtant aux matières qu’il traite.
On relèvera également, que le plan s’enferme trop dans les frontières de la région alors que l’air, le climat, l’énergie ne se soucient pas des frontières administratives belges. L’absence de concertation et d’actions conjointes avec les deux autres autres régions est regrettable. Des missions conjointes auraient pu être détaillées et budgétées. La Région ne peut pas ne pas s’intéresser au Milieubeleidsplan (MINA 5) sur le point d’être adopté en région flamande, ni au Plan Air Climat Energie de la région Wallonne (soumis à l’enquête publique un an avant celui de la région bruxelloise). Notons encore que le Plan Marshall 4.0 de l’actuelle législature régionale wallonne se réfère spécifiquement en son axe 4 au nouveau paradigme de l’économie circulaire. Un paradigme effleuré dans l’axe 3 du PACE, dont le titre “économie” aurait pu être assorti du mot “circulaire”, tant il s’en réfère à ce seul nouveau (business) modèle.
2.– Hiérarchisation des objectifs et allocation budgétaire
Il est nécessaire de hiérarchiser les mesures et les actions, de les planifier dans le temps et de s’engager sur leur budgétisation, leur caractère exécutable et par conséquent productif. Nous réclamons un ordre de priorité et une planification dans le temps des actions notamment en identifiant les mesures les plus propices à l’atteinte des objectifs. Un échéancier mettant en évidence plusieurs objectifs précis correspondant aux diverses directives et orientations européennes s’avère indispensable.
Pour chaque mesure devrait être posés : les objectifs contraignants émanant notamment d’autres réglementations européennes, l’administration/le service/le parastatal responsable de la mesure, les partenaires, un échéancier à court/moyen/long terme,… Il importe que les acteurs auxquels s’imposent de nouvelles obligations environnementales puissent mesurer l’effet de leur contribution aux objectifs environnementaux, climatiques et énergétiques régionaux. Le Plan stratégique de transport de marchandises peut servir de modèle en ce sens.
Pour nombre d’actions concernées, le RIE constate que « Les moyens auxquels les actions du plan font appel relèvent principalement (...) de la dispense de formations et de développement d’outils ainsi que de l’information et la sensibilisation des acteurs » [3]. Le mot « sensibilisation » apparaît 42 fois dans le rapport. Si les formations et la sensibilisation ne sont pas inutiles, elles doivent être soutenues par un cadre réglementaire fort et ambitieux afin de répondre à une problématique sociale d’ordre systémique. La responsabilité des changements climatiques ne peut pas reposer sur les épaules des individus isolés, mais bien sur la société dans son ensemble. C’est donc au Gouvernement de prendre ses responsabilités et d’adopter des mesures claires qui permettront aux citoyens d’améliorer leurs comportements environnementaux. En l’absence de politique systémique, il est illusoire d’attendre des résultats probants de la seule sensibilisation des acteurs.
En sus d’une quantification utile des objectifs et impacts du projet de plan, IEB souhaiterait que le plan s’inscrive dans les spécificités du territoire bruxellois, de ses bassins versants, de son maillage vert et bleu, de son irrigation par la voie d’eau et de nombreuses lignes de transports publics, de ses réserves foncières,… L’accroissement de la densité en région bruxelloise rendrait en outre intéressante l’idée de disposer d’indicateurs au niveau de la zone RER.
En l’absence d’allocation budgétaire spécifique, il y a lieu de douter de la capacité de la Région à mettre en œuvre ce plan. Certes, le plan touche à des compétences de différents Ministres régionaux et de différentes administrations ; toutefois, les mesures ne seront pas concrétisées sans des moyens financiers dont on ignore aujourd’hui la provenance et la disponibilité. Il serait souhaitable que des analyses du coût-efficacité (environnementale) de mesures susceptibles d’avoir un impact budgétaire important soient menées : leurs résultats permettraient de préciser l’impact environnemental attendu, voire de faire évoluer les mesures vers davantage d’efficacité (choix des outils, détermination des publics-cibles, établissement de priorités, etc.).
3.– Évaluation et suivi
En accord avec le RIE du Plan régional Air-Climat-Énergie, nous constatons que ce plan ne dépasse pas le cadre de la déclaration d’intention : « Les modalités de mise en œuvre de plusieurs actions du Plan Air-Climat-Énergie ne sont pas toujours connues avec précision. Les objectifs de certaines actions sont parfois très larges et non chiffrés. » [4]
IEB souhaiterait que le Plan régional Air-Climat-Énergie s’adjoigne un ensemble d’indicateurs propres à en assurer le suivi, d’autant plus nécessaire, au vu de la complexité et la multiplicité des mesures qu’il contient. Cela répondra, par ailleurs, à l’obligation du COBRACE d’effectuer le suivi des plans. Les mesures envisagées pour assurer le suivi de la mise en œuvre du plan sont en effet énoncées dans le COBRACE, titres 4, chapitre 3 :
Ceci devrait être intégré dans le plan qui en l’état ne prévoit rien au sujet de sa durée, de son suivi et de son évaluation et se contente d’affirmer « qu’il n’y a aucun doute que la plan équipera la Région pour atteindre son objectif régional ». Des échéances devraient être prévues pour procéder à l’évaluation périodique de la mise en œuvre du plan et à son éventuelle actualisation.
a. Généralités
Le secteur du bâtiment est à juste raison considéré comme prioritaire dès lors qu’il représente 70 % de la consommation d’énergie en RBC. Comme pour les autres axes, l’axe 1 se base pour sa plus grande partie sur une série d’outils et de dispositifs existants. Il consiste tantôt en une transposition de directives ou d’arrêtés bruxellois, tantôt en une mise en œuvre de principes déjà présents dans le COBRACE. Il pose également la continuité de l’Alliance Emploi-Environnement. Il aurait été intéressant, avant de fondre l’ensemble de ces outils dans un texte unique, d’en mener une évaluation systématique. Nous nous étonnons par ailleurs, que même au niveau du rapport d’incidence du PACE, les différentes mesures envisagées ne soient véritablement quantifiées. Le rapport d’incidence s’apparente plus à ce niveau à une note explicative du plan, omettant une analyse profonde des dispositifs et de leur impact.
En ce qui concerne l’axe bâtiments en particulier, nous nous étonnons également que seuls soient mis en avant les impacts du PACE sur le secteur de la construction et sur la qualité du bâti, en particulier le bâti public. Pas un mot ou presque sur l’impact social qu’auront immanquablement les mesures préconisées. Ceci est pourtant primordial dans le contexte de crise du logement dans laquelle notre ville s’enlise depuis 2 ou 3 décennies déjà. Il est clair qu’une part importante du phénomène de la hausse continue et abusive des loyers bruxellois doit être imputée à la spéculation, et donc à l’explosion de la valeur du foncier. Néanmoins, l’évolution des normes de construction et des exigences en termes de bâti (performance, habitabilité,…) a également un impact non négligeable sur les prix de l’immobilier. Dans un contexte de marché locatif non régulé, nous observons que ces surcoûts sont systématiquement répercutés sur les loyers. La part du budget des ménages bruxellois consacrée au loyer ne cesse de croître et cette réalité ne peut être ignorée, ainsi que les conséquences sociales et économiques qu’elle implique.
Pour ce qui est du logement public, cette évolution des normes constitue également une difficulté supplémentaire et même un frein à la bonne réalisation des missions des différents opérateurs concernés. Les programmes de construction dans le secteur du logement social qui ont déjà bien du mal de produire leurs effets n’en seront que ralentis d’autant. Le calcul est simple : le budget que la Région est en mesure d’allouer à la construction de logements sociaux supplémentaires est limité [5] et toute hausse des coûts diminuera donc en conséquence le nombre de logements qui seront construits alors que dans le même temps, plus de 40 000 ménages trépignent sur les listes d’attente. L’impact sera similaire sur les programmes de rénovation avec cette difficulté supplémentaire propre à la rénovation que constitue l’adaptation d’un bâti parfois ancien et la prise en compte de ses caractéristiques tant techniques que patrimoniales qui se révèlent bien souvent en inadéquation totale avec le respect des normes d’habitabilités ou énergétiques actuelles. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les Sociétés Immobilières de Service Public (SISP) qui gèrent aujourd’hui les 41 000 logements sociaux bruxellois sont confrontées ces dernières années à une explosion du nombre de logements vides (3 113 unités au 31 décembre 2013 [6]). Une situation que nous jugeons inacceptable au vu de l’urgence sociale à laquelle nous devons faire face.
Ceci dit, une part croissante du budget des ménages (locataires et propriétaires) est également consacrée aux charges et en particulier aux charges énergétiques. Cette situation ne cessera probablement pas d’évoluer au vu des perspectives de pénuries futures et de l’évolution des prix sur les marchés de l’énergie. Jusqu’à présent, les différents dispositifs de primes et d’aides touchaient essentiellement les propriétaires occupants alors que ceux-ci ne sont a priori pas les plus fragilisés économiquement. IEB salue donc le fait que le gouvernement veuille favoriser les investissements des propriétaires bailleurs également. Néanmoins, il est essentiel de pouvoir garantir que l’économie réalisée par ces investissements économiseurs d’énergie ne soit pas entièrement annulée par les adaptations de loyer qui en découleraient.
D’autre part, cet axe propose un éventail de mesures susceptibles de stimuler le marché bruxellois de la construction durable et d’encourager la rénovation du bâti existant. Cet axe est en lien étroit avec l’axe 4 – Planification urbaine – pointant le défi démographique auquel la région bruxelloise doit répondre. Un défi dont Bruxelles ne détient pas le monopole. En effet, l’agrégation urbaine ne cesse de s’intensifier à l’échelle planétaire. Plus de 50% de la population mondiale vit dans des villes. Une tendance qui invite à penser de nouvelles façons de construire la ville et de l’approvisionner de manière durable en matières indispensables à son développement. Construire la ville autrement fait partie intégrante de la nécessaire « transition énergétique » qui garantit le bien-être des générations futures.
De ce point de vue, il importe d’avoir égard aux chantiers de construction et de rénovation. Concernant, la construction, le choix des matériaux, de leur provenance et de leur acheminement peut avoir un impact déterminant sur la bilan carbone total d’un bâtiment. Lequel devrait être comparé à celui d’une rénovation du bâti existant lorsque cette option est possible. C’est pourquoi IEB propose d’intégrer dans toute étude d’incidences environnementales, le calcul du bilan carbone d’une démolition-reconstruction versus rénovation d’un bâti existant. Un calcul qui devrait proposer différents scenario de modification du bâti avec à la clé une vision globale sur la performance environnementale (sous l’angle des gaz à effet de serre) du bâtiment existant et du projet en tenant compte de la construction (énergie grise). Par ailleurs, le temps nécessaire pour que le nouveau projet permette globalement (exploitation + construction) une réduction des émissions de gaz à effet de serre devrait également être calculé. Bref, ce calculateur devrait proposer, à partir des données généralement disponibles lors des procédures de publicité/concertation, de : comparer les surfaces en jeu ; comparer les performances énergétiques relatives ; comparer les émissions de gaz à effet de serre annuelles et sur 20 ans ; estimer la production de déchets de la démolition du projet existant ; estimer le temps nécessaire pour que le nouveau projet d’aménagement émettent au total moins de gaz à effet de serre que le projet existant ; envisager plusieurs scénario alternatifs d’aménagement. Un tel calcul du bilan carbone viendrait utilement renforcer les capacités d’analyse des procédures de publicité/concertation dans l’aménagement du territoire auxquelles nombre de collectivités et d’administrations participent.
Pour IEB, l’enjeu est bien d’objectiver la question de la démolition/reconstruction d’un site en le situant au cœur des enjeux environnementaux au sens large. Il n’est pas tenu compte, par exemple de la pertinence d’un changement d’affectation d’un point de vue social. Ainsi, dans le contexte bruxellois, un projet de démolition de bureaux au profit de logements n’a pas la même valeur du point de vue de l’intérêt général que la démolition d’un îlot ancien de logements au profit de bureaux...
Idéalement, le bilan-carbone devrait donc rendre compte de façon globale des projets sous l’angle de l’utilité sociale. Pour ce faire, il devrait intégrer des indicateurs sociaux tels que :
Une telle approche de la question permettrait non seulement d’ouvrir de nouveaux champs de réflexion sur la manière dont la ville se construit mais elle permettrait aussi d’améliorer à terme certaines politiques volontaristes mises en œuvre par les autorités publiques (certification ISO, EMAS, etc.).
Enfin la « Convention des Maires », qui vise une réduction des émissions de GES de 30 % d’ici 2025, engage la Région de Bruxelles à construire une ville durable, soit une ville où la durée de vie des bâtiments devrait dépasser la durée moyenne aujourd’hui en cours (15-20 ans pour un grand nombre d’immeubles de bureaux). Un impératif catégorique qui pousse à intégrer dans tout projet de construction, outre les nouvelles normes énergétiques, une analyse approfondie de la convertibilité du bâti, c’est-à-dire qui anticipe et intègre les possibles changements de fonctions du bâti dans le cadre d’une rénovation.
Cet argumentaire sera partiellement répété au sein de l’Axe 4, auquel il est également adapté.
b. Concernant les mesures proposées
Mesure 1 – supprimer les obstacles à certains travaux visant à améliorer l’efficacité énergétiques des bâtiments
L’approche choisie pour présenter cette mesure nous semble très floue. Le PACE envisage la création d’un groupe de travail pour déterminer des lignes directrices afin de répondre au conflit pouvant exister entre performance énergétique et préservation du patrimoine dans les projets de rénovation. Les missions, le fonctionnement et la composition de ce groupe nous semble pour le moins floues à ce stade.
Surtout, les aspects humains et sociaux semblent totalement écarté de la réflexion et de la mission du groupe. Or, comme nous l’avons déjà évoqué, les coûts liés à une rénovation énergétique peuvent avoir des conséquences importantes sur la hausse des valeurs foncières. Par ailleurs, une part importante du bâti mal isolé et peu performant énergétiquement est localisée dans les quartiers centraux et populaires. Il n’est pas évident que les propriétaires et occupants de ces logements aient les moyens d’opérer les rénovations attendues. Nous attirons également l’attention sur la complexité administrative des procédures à remplir avant de faire exécuter ce genre de travaux. Il y a selon nous nécessité à mettre sur pieds un accompagnement plus important en la matière.
Mesure 2 – favoriser les travaux qui améliorent la performance énergétique des biens mis en location
L’initiative du Gouvernement qui vise à également faire bénéficier les locataires des mesures en faveurs de l’amélioration de la performance énergétique des logements est très positive.
Par contre, en l’état actuel, les lignes directrices de cette intention politique, telles que tracées par le PACE, vont immanquablement conduire à une hausse tant des loyers que des charges locatives.
Tout d’abord, même si l’évolution des loyers est encadrée en cours de bail, rien, à l’heure actuelle, n’empêche un propriétaire d’adapter librement son loyer à l’occasion d’un nouveau bail. Or, on sait que le taux de rotation du secteur locatif (surtout lorsque le bâti est mal entretenu à la base) dépasse rarement 3 ans ou 4 ans. Cette mesure aura donc pour effet de faire flamber les loyers à très court terme.
Ensuite, au niveau des charges locatives, nous craignons fort que cette mesure n’ouvre la porte à l’application de charge locatives abusives. Comment faire en sorte que les pouvoirs publics et le locataire puissent contrôler que les montants versés correspondent bien aux investissements consentis ? Par ailleurs, comment imposer une charge locative supplémentaire à un locataire qui ne l’aurait pas choisi et qui n’aura peut être pas les moyens de l’assumer ? Comment garantir aussi que le paiement s’arrêtera une fois les investissements amortis ? Il sera sans doute impossible dans le cadre de la signature d’un nouveau bail pour le locataire d’obtenir un historique des paiements déjà effectués dans le passé par ses prédécesseurs.
Quoi qu’il en soit, le principe même du report des coûts sur le locataire nous paraît contestable, car, in fine, économiquement, le locataire sera perdant puisqu’il supportera le coût d’un investissement bénéficiant à terme au propriétaire. Si le propriétaire bénéficie d’une aide publique, cela lui permet d’améliorer son bien et d’en augmenter la valeur. Par ailleurs cette aide publique doit permettre une diminution de la charge globale (loyer + charge) pour les locataires.
Le texte fait toutefois référence à la nécessité « d’établir un lien avec le dispositif d’encadrement des loyers ». Un tel dispositif n’existe pas encore en région bruxelloise. Il nous semble dès lors pour le moins imprudent d’y faire référence à ce stade. Bien sûr un tel dispositif est plus que souhaitable et permettra de fixer des gardes fous. Mais en l’absence d’une vision claire du mécanisme qui sera mis en place et de la grille des loyers qui devra y être appliquée, il y a lieu d’envisager temporairement d’autres pistes moins hasardeuses, en réfléchissant par exemple à l’intervention d’un acteur type AIS ou à l’utilisation de mécanismes de type baux à rénovation.
Mesure 5 – Instaurer une tarification progressive et solidaire de l’énergie…
Plusieurs éléments de réflexion doivent être avancé sur ce point :
Il y a donc lieu, encore une fois de mieux intégrer la réflexion sur les facteurs environnementaux et sociaux en différenciant plus les mesures et les publics visés.
Mesure 6 – Mettre en place les mécanismes de certification et labellisation « bâtiment durable »
Comme évoqué dans nos remarques générales sur l’axe 1, il n’y a ici pas de prise en compte de l’énergie grise comprise dans la construction des bâtiments. Quelle était la situation de départ ? A-t-il fallu procéder à une démolition ? Quelle est la provenance des matériaux utilisés ? Vers où sont envoyés les déchets ? Bref, un bilan énergétique global est souhaitable pour estimer le coût/bénéfice de l’opération.
Par ailleurs, aucune mention n’est faite de la durée de vie présumée de l’immeuble. Or, un des premier critère de durabilité d’un bâtiment est bien la durée, tant les opérations de démolition, construction et rénovation pèsent lourdement dans la balance énergétique.
Mesure 7 – Étendre le système de prêt pour les investissements...
Les aides actuelles visent exclusivement le public fragilisé. Nous ne comprenons pas l’intention du Gouvernement d’élargir ces possibilités d’aides à d’autres publics sans limite de revenus. Les aides publiques doivent exclusivement servir aux ménages qui en ont besoin. Les moyens de la Région n’étant pas illimité, il y a lieu d’affecter les moyens financiers aux situations prioritaires.
Mesure 9 – Dans le cadre de la réforme de la fiscalité immobilière, tenir compte de critères de performance énergétique du bâtiments
Cette mesure nous semble effectivement cohérente et sensée si l’on veut favoriser les investissements en matière de performance énergétique. Néanmoins, il n’est pas clair si elle s’appliquerait sans prise en compte de la situation des ménages concernés (propriétaires occupants, bailleurs, multipropriétaires, locataires). Encore une fois, il y a lieu à notre sens de prendre en compte la situation sociale des ménages concernés.
Par ailleurs, nous craignons fort, qu’en l’absence d’un système d’encadrement des loyers, toute hausse de la fiscalité immobilière ne se répercute automatiquement sur les locataires. Ceci est regrettable puisqu’il s’agit a priori des ménages les moins favorisés et qu’en outre, ce ne sont pas eux qui décident ou non des investissements consentis dans leur logement. Il y a lieu de conditionner cette mesure au respect d’une grille des loyers prenant en compte les qualités du bâti.
Mesure 12 – soumettre les projets immobiliers publics à la certification « Bâtiments durables »
L’action 21 entend imposer un certificat PEEB dans les bâtiments loués ou achetés par les pouvoirs publics. Sur le principe nous n’avons bien sûr aucune objection. Les pouvoirs publics se doivent de mettre en œuvre, autant que possible, les meilleures pratiques dans tous les domaines.
Néanmoins, il faut être conscient que cette approche engendrera un surcoût d’occupation important. Or, on voit que dans certains secteurs en particulier il existe déjà une pénurie importante d’infrastructures publiques, tant par manque de moyens financiers que par manque de foncier. Prenons pour seuls exemples le logement social et les écoles qui souffrent tous deux d’une pénurie chronique de bâtiments et n’ont pas suffisamment de moyens actuellement pour atteindre les objectifs qui devraient être les leurs.
Nous craignons que le niveau d’exigence demandé n’engendre pour ces pouvoirs publics une somme de difficultés encore plus insurmontables.
Le constat introduisant l’axe 2 du Plan rappelle l’ampleur du défi : « Le secteur du transport est le principal émetteur d’oxydes d’azote (NOx) et le deuxième émetteur de particules fines (PM10) en RBC : 67% des émissions de NOX et 39% des émissions de PM10 proviennent du transport routier. (...) A cet égard, l’amélioration des concentrations de ces polluants observée depuis 20 ans est insuffisante, ce qui impose de mettre en œuvre des actions ambitieuses et efficaces. »
Malgré ce rappel, il n’y a pas de logique ni d’ambition dans les mesures envisagées. Par exemple, seules les émissions de CO2 sont assorties d’objectifs précis, contrairement à d’autres polluants (PM, oxydes d’azote, suie,..) et aux dépenses énergétiques. C’est une politique de santé publique globale, pour tout le territoire et tous les polluants qui est nécessaire, plutôt que des actions ciblées dans l’espace ou dans le temps.
Au sein de cet axe, plusieurs recommandations spécifiques du RIE ne sont pas suivies par le Gouvernement, sans qu’aucune justification ne soit donnée. D’un point de vue général, le RIE stipule clairement que les objectifs du Plan Air-Climat-Énergie ne seront pas remplis si le Plan Iris2 n’est pas lui-même concrétisé. Or, à l’heure d’aujourd’hui, nombre de mesures d’Iris2 tardent à être mises en œuvre et ne produiront pas leurs effets dans les temps impartis. Pourtant, le Plan Air-Climat-Énergie n’en tire aucune conclusion. Sur tous ces aspects, la crédibilité du Plan Air-Climat-Énergie est clairement remise en question.
Au vu de l’importance de cet axe dans l’atteinte des objectifs climatiques, nous nous permettons de mettre en évidence quelques actions simples et efficaces qui auraient dû se retrouver dans le Plan Air-Climat-Énergie, d’autant plus qu’elles sont bien connues du Gouvernement :
Le plan est muet sur tout ce qui concerne le stationnement et les places de parking alors que le RIE (p.98) mentionne qu’en cas de parking à disposition, le recours à la voiture pour les déplacements à destination/au départ de la RBC double pratiquement – de 31,6% à 58,5% - et que l’utilisation des transports en commun diminue de moitié pour les déplacements à destination/au départ de la RBC. Il importerait notamment de revoir les normes du RRU bien trop laxistes sur le nombre d’emplacements de parking autorisés. Il faudrait également revoir les critères conduisant à l’obligation de réaliser une étude d’incidences. À l’heure actuelle, pour un même projet, le demandeur peut échapper à la réalisation d’une étude d’incidences s’il crée des places de parking pour un nombre inférieur à 200 une fois en sous-sol et une fois en surface même si le nombre total de places pour ce même projet dépasse 200 places. Or, il faudrait prendre en considération le nombre total de places, que celles-ci soient en plein air ou en sous-sol.
Mesure 25. Rationaliser l’usage des poids lourds + action 47 Mettre en œuvre le plan de transport de marchandises
Le transport de marchandises de façon générale et le transport par voie d’eau, au vu de son potentiel, mériterait nettement plus d’attention. Or, il fait juste l’objet d’une référence à l’action 47 de la mesure 25. À l’heure actuelle, le transport routier assure à 80 % le transport de marchandises en RBC. Ce transport de marchandises routier est responsable de 25% des émissions de CO2 et de 41% des PM10 alors qu’ils ne représentent que 14% de l’ensemble du trafic routier. Ce qui s’explique par l’usage du diesel. Bien que Bruxelles ait la chance de disposer d’une accessibilité multimodale particulièrement développée, un seul mode accapare la quasi totalité du trafic de marchandises : la route.
Le transport maritime consomme 2 fois moins d’énergie que le chemin de fer, 10 fois moins que la route. Par tonne transportée, il émet 5 fois moins d’émission de CO2 que la route et 13 fois moins que l’avion. Or, le Bureau du Plan prévoit une forte augmentation du transport de marchandises, en raison du boom démographique et aussi de la délocalisation croissante des activités logistiques en périphérie, ce qui rallonge les distances parcourues.
L’usage de la voie d’eau permet déjà aujourd’hui d’économiser chaque année 625 000 camions sur nos voiries et 97 000 tonnes de CO2. Néanmoins, pour le moment, ce mode de transport stagne. De 2008 à 2014, l’évolution du trafic par voie d’eau a baissé de 9 %. Sans mesures fortes, le transfert modal du camion vers la voie d’eau ne prendra jamais corps. Un des secteurs de prédilection est celui des matériaux de construction (62,2 % du trafic en 2014). Pour le moment, le Port de Bruxelles doit se battre pour faire en sorte que les gros chantiers bruxellois au bord du canal fasse usage de la voie d’eau. Des mesures contraignantes devraient être prises pour que tout chantier à proximité de la voie d’eau l’utilise pour évacuer ses déchets. De telles clauses devraient être reprises dans les permis d’urbanisme et d’environnement.
Les activités logistiques liées à la voie d’eau doivent pouvoir être maintenues au bassin Vergote. Tout ne peut être reporté à l’avant-port d’autant que le site de Schaerbeek-Formation ne sera pas disponible avant 2025. Il est illusoire de croire que les terrains de l’avant-port pourraient suffire pour l’approvisionnement et la distribution de la RBC. Le Plan devrait prévoir les mesures nécessaires à l’implantation de plate-formes logistiques liées à la voie d’eau tant au Nord (bassin Vergote) qu’au Sud de Bruxelles (bassin de Biestebroeck). Car le potentiel de la voie d’eau risque d’être condamnée en raison de la pression immobilière qui fait basculer l’équilibre actuel de ces territoires entre activités productives, bassins d’emplois et habitats populaires vers des zones de logements privés spéculatives.
Mesure 26. Rationaliser l’usage des voitures
a. Action 48. Définir un plan d’action pour la mise en œuvre d’une tarification à l’usage pour véhicules particuliers
Le Plan se limite à proposer un « plan d’action » alors que depuis le Plan Iris2, nous disposons d’un grand nombre de données supplémentaires qui nous permettraient d’aller de l’avant. Notons que l’OCDE, dans son rapport « Études économiques de l’OCDE – Belgique, 2013 » recommande à la Belgique, afin de réduire la congestion routière et d’améliorer la qualité de l’air dans les centres-villes, d’introduire un système de péage routier, assorti de tarifs différenciés selon la période et la zone. L’OCDE préconise de commencer par instaurer des péages de congestion dans les grandes villes avant d’instaurer un dispositif national. Pourtant, le PACE soutient une tarification kilométrique sur l’ensemble de la zone RER, voire du territoire belge. Une application sur un territoire élargi nécessitant obligatoirement la collaboration de plusieurs niveaux de pouvoir, cette mesure décisive est de facto repoussée et déléguée à d’autres autorités responsables.
Déjà en 2007, IEB notamment sur base de l’étude de Stratec préconisait un péage urbain sur les territoires les plus congestionnés de la ville (voir : Le péage urbain aux portes de Bruxelles : la clé d’une ville humaine ?). Le péage recèle plusieurs avantages. La formule est souple, adaptable aux spécificités des villes. Le système s’autofinance (même s’il faut trouver des prêteurs ou partenaires économiques pour le lancement de l’opération). Il existe déjà dans plusieurs villes permettant de sortir des modélisations de projet pour constater sur le terrain les effets positifs et négatifs des différents systèmes. Il a fait ses preuves, tant en termes d’efficacité (il est la solution la plus efficace en termes de réduction de gaz à effets de serre) qu’en termes de rentabilité.
Comme le mentionne le RIE (p.212), les réductions de trafic attendues sont plus importantes dans le cas d’un péage de zone (et ce, dès 3€/jour) que dans le cas de la tarification kilométrique à 0,07€/EVP-km. Les scénarios de péage de zone produisent des impacts d’ampleur différente selon la zone soumise à tarification et le tarif journalier. Premièrement, le péage de zone à 3€ sur la RBC est légèrement plus avantageux que celui à 3€ sur la zone RER. Deuxièmement, un tarif de 3€/jour permet déjà d’observer une diminution du trafic. Ensuite, plus le tarif est élevé, plus l’impact sur le trafic est important.
IEB soutient le plan en ce qu’il prévoit que les recettes soient affectées à l’amélioration de l’offre en transport public et aux aménagement de mobilité durable. En effet, cette condition est indispensable pour permettre aux transports en commun d’absorber les transferts suite à l’introduction du péage.
Par contre, on regrettera que le plan ne prenne aucune option par rapport à la mise en œuvre concrète de la tarification ni par rapport au calcul de la taxe à payer.
b. Action 49. Revoir la fiscalité des voitures de société
L’utilisation des transports en commun diminue d’un tiers lorsqu’on dispose d’une voiture de société et ces dernières parcourent par an 60% de kilomètres en plus qu’un véhicule de particulier. Si la fiscalité des voitures de société dépend en grande partie du niveau fédéral, des mesures peuvent être prises à l’échelle de la région pour inciter les employeurs à offrir un package alternatif à la voiture de société. IEB défend le pack-mobilité mais marque des réserves sur les interventions dans les frais de logement comme prévu par le plan. En effet, une telle intervention risque d’être source d’inégalité sociale dès lors que le marché du logement bruxellois est déjà fortement inégalitaire et que les personnes disposant d’une voiture de société ne sont pas les plus démunies. Ces dernières bénéficieraient d’une aide pour payer leur logement alors qu’un tiers des Bruxellois est en-dessous du seuil de pauvreté et éprouve des difficultés à payer son loyer. En l’absence de mesures d’encadrement des loyers, un tel dispositif doit être questionné.
Mesure 27. Favoriser les alternatives à la voiture individuelle.
Action 50. Renforcer et promouvoir l’intermodalité des transports.
Action 51. Promouvoir et étoffer l’offre de transports publics.
La promotion du transport public s’impose tant il présente des avantages en matière de mobilité et de respect de l’environnement. Hélas, les mesures proposées dans le PACE comme sources d’alternatives à la voiture individuelle ne pourront produire que des bénéfices marginaux. Pour présenter une offre concurrentielle au déplacement individuel, le réseau de transport public doit se développer de manière drastique et accélérée. Une logique d’efficacité impliquerait la construction d’un transport public de surface rapide, notamment en garantissant la tramification des grandes lignes de bus en site propre.
Le PACE souligne la sous exploitation du réseau RER et son intérêt pour les déplacements intra-bruxellois. Or, pour l’exploitation de ce réseau, le PACE renvoie exclusivement à l’offre actuellement envisagée, en concertation avec le Fédéral et les deux autres Régions. Pourtant, cette offre sera notoirement inutile pour les déplacements dont l’origine et la destinations se situent toutes deux à l’intérieur du territoire bruxellois. Le projet de réseau RER présenté par la Ministre fédérale s’inscrit clairement dans une optique de transport de longue distance destiné aux navetteurs, notamment parce qu’il ne prévoit pas la desserte de plusieurs petites gares, contrairement au souhait des autorités bruxelloises. Par ailleurs, on ne peut juger que comme fallacieuse l’affirmation du PACE au sujet de la fréquence des lignes RER qui serait établie à 15 minutes. D’une part, car la SNCB n’envisage cette haute fréquence que pour certaines lignes du réseau : celles qui présentent le moins d’arrêts au sein de la région. D’autre part, car cette fréquence n’est dans tous les cas prévue qu’aux heures de pointe, soit pendant moins de 4 heures quotidiennement.
L’ambition affichée par le PACE de promouvoir l’intermodalité repose principalement sur des projets en cours, mais ne table sur quasiment aucune mesure innovante. On peut dès lors légitimement estimer que ce volet du plan constitue un vœu pieux.
Action 56. Promouvoir le covoiturage
Le covoiturage est mis en évidence dans le PACE en tant que “alternative crédible” pour les navetteurs travaillant à Bruxelles. C’est probablement bel et bien le cas, mais la mise en oeuvre de cette politique ne repose pas sur notre Région, mais sur la Flandre et la Wallonie qui sont appelées à y consacrer des infrastructures (bandes dédiées sur les autoroutes pénétrantes, etc.). Encore une fois, la responsabilité des mesures sont déléguées à d’autres niveaux de pouvoirs sur lesquels Bruxelles n’a pas de prise. Ce genre d’appel ne peut en aucun cas être porté au crédit de la Région de Bruxelles-Capitale dans son action envers l’amélioration de l’environnement.
Mesure 29. Sensibiliser le public aux alternatives à la voiture individuelle.
Action 60. Mettre en œuvre des zones de basses émissions
Le Plan privilégie des zones de basses émissions inférieures à celles présentées dans l’étude de la Région en la matière. La Région fait donc le choix politique de ne pas se conformer aux recommandations scientifiques en matière de contrôle des émissions polluantes sur son territoire. Certes, elle dispose de toute la légitimité d’opérer ce genre de choix, mais cela peut difficilement être présenté comme une mesure ambitieuse ou décisive. Au contraire, il s’agit d’une action dont on sait avant même sa mise en oeuvre qu’elle ne permettra pas d’atteindre son but affiché. La qualité de vie en ville, en terme de pollution atmosphérique, de bruit ou de sécurité routière, mérite d’être considérée avec plus d’honnêteté.
Le plan envisage l’économie comme en transition d’un modèle linéaire (extraire, produire, consommer, jeter) vers un modèle circulaire (récupérer, produire, consommer, réutiliser). Le Ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale a d’ailleurs indiqué dans sa déclaration de politique régionale du 22 octobre dernier, que « en complément de sa politique de mobilité, [son] gouvernement développera et exécutera en 2016, de manière prioritaire, deux stratégies environnementales majeures ». Une des deux est le lancement d’un programme ambitieux en matière d’économie circulaire à travers la stratégie 2025. Il s’agit du Plan régional d’économie circulaire (PREC) dont la sortie prévue fin 2015 semble reportée à début 2016.
L’économie circulaire est un concept qui a le vent en poupe. À défaut d’une définition et d’un encadrement législatif stricte, ce concept flatteur pourrait facilement basculé dans le champ stricto sensu d’un nouveau business modèle, autorisant le grand écart entre greenwashing et économie sociale.
Il est moins question dans les mesures 33 à 36 d’un changement de paradigme sociétal que d’une conservation de la capacité des entreprises bruxelloises à décrocher de nouveaux marchés dans le respect d’une économie soucieuse des limites en ressources de notre planète. L’économie circulaire est donc présentée comme capable de renforcer la compétitivité, créer des emplois et générer une croissance durable. Oxymore ?
Force est de constater que l’économie circulaire est un concept générique et polysémique qu’il importe de définir, ce que ne fait pas le plan. Pourtant, plus de 40 ans ont passé depuis que les premiers modèles “d’économie en boucle” ont été proposés. Le concept est à l’origine issu du rapport du Club de Rome, « The limits to Growth » – publié en 1972, mieux connu sous le nom de ‘Rapport Meadows’ (du nom de ses chercheurs Donella et Denis Meadows). Son titre en français interrogeait déjà les limites d’une croissance effrénée qui arrivait brutalement à sa fin : « Halte à la croissance ? » Les Trente glorieuses dans le dos, le document s’appuie sur un modèle théorique, le World3, qui permet une simulation informatique des interactions entre population, croissance industrielle, production de nourriture et limites des écosystèmes terrestres.
Ce défaut de précision du PACE peut partiellement s’expliquer par l’attente d’une réglementation européenne en la matière. En effet, au moment même de l’enquête publique sur le PACE, les États membres de l’Union attendaient un nouveau train de mesures ambitieuses sur l’économie circulaire suite au retrait, l’année dernière, du Paquet par la Commission Junker. C’est chose faite, depuis le 2 décembre dernier. Pour l’heure, il est difficile de se prononcer sur l’aide dont les entreprises et les consommateurs européens vont bénéficier pour opérer la transition vers une économie “plus forte et plus circulaire”, dans laquelle les ressources sont utilisées de manière plus durable. A la lecture du paquet de mesures auquel la Belgique va devoir se conformer, il nous apparaît essentiel d’instaurer un cadre législatif contraignant pour que les produits commercialisés sur le marché intérieur européen répondent à des normes de “réparabilité” et de “durabilité”. Nous y reviendrons plus bas.
Notons que dans le cadre de la préparation du “paquet sur l’économie circulaire”, la Commission a organisé une conférence sur le thème en juin 2015 à laquelle 700 “parties prenantes” (stakeholders privés et publics) ont contribué en vue de l’élaboration de la politique économique européenne. Dans le même temps, une consultation publique de 3 mois était lancée du 28 mai au 20 août. Le “symposium (international) sur l’économie circulaire” organisé par Bruxelles Environnement le 10 juin 2015, s’inscrit donc dans cette mouvance.
Pour IEB, il importe de définir les objectifs qu’une économie doit atteindre pour être le moins dommageables sur le plan environnemental et décliner, à partir de là, le type d’économie à développer pour atteindre ces objectifs. Par exemple, l’éco-conception ou l’eco-design ne seront pas durables s’ils conduisent à une surconsommation de produits neufs à un prix peu accessible à la majorité des bourses. Il est primordial de privilégier l’utilisation de matières premières recyclées par rapport à des matières premières vierges, dont les facteurs d’émissions sont nettement supérieurs. Le facteur d’émission de GES de la production de l’aluminium est par exemple 19 fois supérieur à celui de l’aluminium recyclé.
En outre, la politique environnementale ne peut être réduite sur le plan économique à la valorisation de l’économie circulaire. Valoriser le commerce de proximité plutôt que les grands centres commerciaux, s’interroger sur les lieux d’implantations des grossistes et sur les transports générés par ses choix ne tombent pas dans le champ de l’économie circulaire. Or, ces questions doivent être traitées si l’on veut développer une économie durable.
C’est pourquoi IEB insiste pour qu’une attention forte soit portée à l’économie endogène qui se recoupe pour partie avec l’économie circulaire et s’ancre dans une économie sociale, une économie productrice d’emplois adaptés à la main-d’œuvre bruxelloise, non délocalisable, qui valorise le commerce de proximité, les activités productives liées aux besoins de la ville,...
Il nous apparaît donc essentiel de penser la nature du développement économique souhaité dans la mise en place de boucles vertueuses (récupérer, produire, consommer, réutiliser) à l’échelle de la région et de ses interactions avec les autres régions. Par exemple, le recyclage des matières organiques produites tant par les ménages bruxellois et les secteurs de l’alimentation (horeca, distribution,...) peut être envisagé de différentes façons, l’un n’excluant pas l’autre. Tel est le débat mis en lumière au sein de l’unité de recherche en économie appliquée (DULBEA) de l’école de commerce Solvay, par Stephan Kampelmann. Son étude compare la création d’emplois, la plus-value sociale et financière d’une centralisation du recyclage des matières organiques qui alimenteraient une usine de biométhanisation implantée sur le sol de la région versus la décentralisation du recyclage par la mise en place d’un réseau de compostage disséminé à environ 1 500 unités sur le territoire des 19 communes.
Kampelmann pointe l’absence de débat sur les options possibles à l’échelle du territoire, forçant une production en tonnes de déchets pour assurer la rentabilité d’une grosse usine qui, si elle produit moins de méthane que prévu payera des amendes. Or, si l’usine semble incontournable (la production de matières organiques ne peut être seule absorbée par un réseau de compostage), elle ne doit pas forcément être gigantesque ni exclure d’autres modes de recyclage des matières organiques.
Autre point essentiel du débat sur l’économie circulaire couplée à l’économie de la fonctionnalité est la prolongation de la durée de vie des produits en misant sur la valeur d’usage de ceux-ci plutôt que sur leur valeur d’échange. Pensons à des garanties non pas limitées à 2 ans mais à 10, qui inciteraient les fabricants à la qualité et permettraient de développer tout un secteur de la réparation et de la maintenance.
À cet égard le Paquet Économie Circulaire de l’Union européenne (2 décembre 2015) rappelle que la vie d’un produit peut être allongée grâce à la réparation et à la réutilisation à la condition que cela soit possible. La disponibilité des pièces détachées et des notices d’utilisation n’étant pas toujours garantie. La Commission “invite” les États membres et les autorités régionales et locales à encourager la réutilisation et la réparation.
Autre difficulté pointée par le Paquet : « les produits qui ne peuvent être réparés en raison de leur conception ». Cela renvoie à l’obsolescence programmée (ensemble des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement).
Si le Paquet Économie Circulaire mentionne clairement l’obsolescence programmée comme « une limite réduisant la durée de vie des produits », le texte n’en donne pas une définition juridique et ne prévoit pas de sanctions à l’égard des entreprises ayant recours à cette pratique. Pour lutter contre ce phénomène, la Commission annonce qu’elle va entreprendre des travaux pour détecter les pratiques d’obsolescence et les moyens d’y remédier via un programme d’essai indépendant dans le cadre de son outil de financement de la recherche Horizon 2020, sans préciser davantage la nature de cette étude prévue pour 2018.
Bref, ces notions clés de réparation et d’obsolescence programmée présentes dans le nouveau Paquet ne sont pas assorties de mesures contraignantes. En effet, le texte se contente de « favoriser » et de « promouvoir » le secteur de la réparation. Des recommandations sommes toutes floues face à la réalité de l’accumulation des déchets qui elle, est bien réelle.
L’Europe doit mettre en place une législation incitative et/ou contraignante qui permettrait au secteur de la réparation de réellement se développer et de lutter efficacement contre l’obsolescence programmée. L’extension de garantie pourrait être un levier efficace en faveur de l’allongement de la vie des produits qui n’est aujourd’hui que de deux ans en Europe et la Commission reconnaît les difficultés rencontrées dans sa mise en œuvre. L’allongement de la durée de vie des produits représente un vivier d’emplois important.
À ce titre, connaître, à l’échelle de la Belgique, le gisement d’emplois actuel et prospectif, tous secteurs confondus, des services de réparation pourrait être un incitant à la mise en place de nouveaux modèles économiques. Rien que le secteur des TIC en Belgique représente un gisement énorme. En 2012, 35 038 firmes étaient actives dans le secteur TIC en Belgique et quasiment 2 sur 3 (64,7 %) sur le segment « Programmation, conseil et autres activités informatiques » (chiffres du SPF Économie).
Le secteur de la réparation c’est aussi garantir des emplois non délocalisables d’entreprises qui participent au développement d’une économie locale. Aujourd’hui, étant donné que la production nationale peut difficilement rivaliser sur le terrain des prix avec les produits importés des pays qui protègent peu l’environnement et les travailleurs, l’engagement résolu dans une production orientée vers la qualité et la durabilité, et l’éducation du consommateur à faire des choix responsables et solidaires, semble une voie porteuse.
Mesure 33. Action 71. Développer un véritable programme d’économie circulaire
Cette action ne s’accompagne d’aucune proposition opérationnelle, elle reste à l’état de déclaration d’intention. Or, si aucune mesure n’est adoptée notamment pour maîtriser le foncier bruxellois, seules les multinationales pourront encore payer le prix d’une implantation à Bruxelles. Si la politique du « logement partout » se poursuit, de nombreuses entreprises utiles à la ville seront tenues de se délocaliser, car elles sont source de nuisances, non dans l’absolu, mais parce qu’elles devront cohabiter avec du résidentiel. Inter-béton qui produit du béton local pour les chantiers bruxellois a des difficultés à coexister avec Atenor, les Abattoirs d’Anderlecht pourraient être poussés en dehors de la ville si l’on se met à développer du logement haut de gamme à proximité.
La région bruxelloise doit pouvoir continuer à accueillir dans la zone du canal des activités économiques peu compatibles avec l’habitat, dans la mesure où cette zone est adaptée à cette fonction notamment pour pouvoir répondre à la demande de certaines entreprises qui ont tendance à quitter la région parce qu’elles ne trouvent pas d’espaces dédiés à l’activité économique incompatible avec l’habitat. Tout ne pourra pas aller dans l’avant-Port et à Schaerbeek-Formation, dont la Région n’est toujours pas propriétaire et pour laquelle les affectations sont déjà décidées alors même que l’opérationnalisation du site devra attendre 2025. Des entreprises doivent pouvoir s’installer à Bruxelles sans attendre cette échéance.
Pour le surplus, quasi toutes les mesures du chapitre sur l’économie concernent l’accompagnement et la sensibilisation des entreprises sans se poser la question des contraintes structurelles dans lesquelles elles se trouvent et qui constituent des freins au développement d’une économie durable.
Mesure 33. Action 72. Renforcer les actions d’information et de sensibilisation sur l’intérêt de la dématérialisation
La RBC ne manque pas d’emplois dans l’absolu mais de types d’emplois qui pourraient réduire le chômage de ses habitants les moins qualifiés. Or, on constate que l’élévation générale des niveaux de formation ne réduit pas le chômage. Le développement massif de nouvelles activités technologiques, notamment dans le domaine environnemental, de l’éco-conception et de l’eco-design, risque peu de créer cet emploi adapté, d’autant que la faible présence de grands sièges sociaux à Bruxelles limite la possibilité de grands centres de recherche d’entreprises de taille majeure. Il importe donc de miser sur la création d’emplois de proximité et de développer les secteurs de la maintenance, du recyclage, de la réparation qui peuvent par la même occasion renforcer la durabilité de l’économie.
Mesure 33. Action 73. Encadrer la valorisation des déchets via le permis d’environnement
L’alliance emploi-environnement n’est citée qu’en introduction ainsi que les filières économiques liées à l’environnement. Le plan devrait identifier les filières porteuses en RBC ou dans les territoires de proximité et voir quelles seraient les flux de matière à mutualiser. Ainsi, les déchets d’une entreprise peuvent être la matière première pour une autre entreprise. Une mesure à prévoir est de constituer une cartographie de ces flux de matière en RBC et dans le bassin économique de proximité.
La RBC s’est engagée à développer un Village de la construction au bassin Vergote. Le secteur de la construction est un secteur majeur en RBC où la question du réemploi et du recyclage devrait être activée. Il en va du bilan environnemental d’une activité stratégique pour la région. Il est étonnant que le Plan ne fasse d’ailleurs pas référence au Plan bruxellois de gestion des déchets de 2010 dont certaines mesures pourraient être réactivées au travers du présent Plan. Ainsi, l’arrêté du 16 juillet 2010 pourrait être réviser pour soutenir le réemploi en élargissant son champ d’application notamment aux déchets de construction et de démolition. De même, l’Alliance emploi-environnement prévoyait l’élaboration d’un guide spécifique à la réutilisation des matériaux sur chantier (sur base de chantiers pilotes) et l’activation des filières de réemploi en RBC, notamment en testant l’un des scénarios de l’étude Ceraa/Rotor. On sait qu’en cette matière peu de changements important peuvent être escomptés sans modifications réglementaires et/ou économiques. Or, le Plan ne dit rien à ce sujet.
Cette partie ne comporte que 4 mesures sur les 60 du Plan alors qu’il est évident que la planification urbaine devrait être un axe majeur pour penser la ville peu consommatrice en énergie. Certes, il existe des chevauchements entre les différents axes et certaines mesures citées dans les autres axes touchent à la planification. Une lecture opérationnelle du plan nécessiterait des renvois d’axe en axe et une lecture énumérative de l’ensemble des dispositions ayant une incident sur la planification.
Mesure 38. Action 84. Tendre vers l’objectif zéro carbone pour toute nouvelle urbanisation
D’après le Plan Air-Climat-Énergie, l’objectif « zéro carbone » est un objectif vers lequel seules les nouvelles urbanisations doivent « tendre », via des critères qui « devraient » être inscrits dans le CoBAT. A l’évidence, cet objectif est particulièrement modéré. Or, le bâti est extrêmement consommateur en énergie : depuis sa sortie de terre, tout au long de sa durée de vie, et lors de sa démolition. En outre, il s’agit d’un élément sur lequel les pouvoirs publics régionaux disposent d’un grand moyen de contrôle.
Nous plaidons donc pour des normes « zéro carbone » strictes pour les nouveaux quartiers. Mais l’énergie grise mérite d’être prise en compte pour tout projet de construction, quel que soit le quartier. Et cela plus particulièrement encore en cas de de démolition-reconstruction. Tout permis d’environnement pour un projet immobilier devrait s’accompagner d’une estimation de son bilan en termes de gaz à effet de serre, et tout projet de démolition et de reconstruction devrait prouver qu’il est plus moins énergivore qu’une rénovation. Nous vous renvoyons aux développements de l’axe 1 sur le bilan-carbone.
Il est étrange de citer le Heysel comme projet de quartier durable alors que le projet NEO ne peut que constituer une catastrophe environnementale qu’elle que soit le soin porté à son aménagement. Ce projet génère la démolition-reconstruction de la majeure partie du plateau : destruction du stade de foot, d’Océade, du Kinepolis, de Mini-Europe, du Brupark,… et mettra donc des centaines d’années à amortir son bilan carbone quelle que soit la PEB des nouveaux bâtiments. Le projet prévoit l’enfouissement de milliers de places de parking générant une augmentation forte de l’imperméabilisation des sols à l’endroit où il est le plus drainant (généralement les sommets de collines = sables bruxelliens) en perturbant durablement les nappes phréatiques. La construction à cet endroit du plus grand centre commercial de Belgique induira, malgré la desserte en métro, des flux conséquents de voitures et perturbera de manière irrémédiable le commerce de proximité en centre-ville moins gourmand en déplacement donc en énergie.
Ce cas illustre en quoi il ne suffit pas de penser « nouveau quartier durable » pour réduire la consommation d’énergie nette. Le Plan évoque essentiellement la dynamique des quartiers durables et des contrats de quartier durable mais ne s’intéressent pas aux ZEMU alors que celles-ci vont inévitablement poser un défi, notamment environnemental à la RBC en urbanisant les anciennes ZIU.
De nombreuses améliorations pourraient prendre place à l’occasion de l’octroi des permis d’urbanisme et d’environnement, en particulier pour les immeubles de bureau et de commerces. Nous rappelons ici qu’il est tout à fait de la compétence régionale de réduire drastiquement le nombre d’emplacements de parking autorisés. Au-delà d’un effet direct sur les modes de déplacements des travailleurs et des consommateurs, cela aura également un effet non négligeable en terme de réduction de dépenses d’énergie au moment de la construction des immeubles, puisque bien souvent la réalisation de parkings se fait sur plusieurs niveaux de sous-sols, ce qui en terme d’énergie grise est non négligeable. Par ailleurs, les installations techniques nécessaires pour, entre autres, la ventilation et le contrôle de ces espaces sont également fort énergivores.
Nous rappelons ici les mesures proposées au chapitre « transport ». Il conviendrait de revoir les normes du RRU bien trop laxistes sur le nombre d’emplacements de parking autorisés. Il faudrait également revoir les critères conduisant à l’obligation de réaliser une étude d’incidences (voir supra). Nous évoquons aussi le péage urbain, que la Région pourrait appliquer dès demain si elle le désirait. Un péage améliorerait immédiatement la qualité de l’air et ferait chuter la consommation d’énergie. Il générerait des recettes susceptibles d’opérer un « tax shift » bruxellois, et notamment d’enrayer l’exode urbain, ce qui entraînerait, par voie de conséquence, une diminution des déplacements et des nuisances qui y sont liées.
Alors que le Plan propose de promouvoir les produits durables, nous faisons remarquer que, en termes d’air, de climat et d’énergie, il est plus pertinent de soutenir un commerce local qu’un commerce équitable à longue distance.
En octobre 2012, il y avait déjà 475 000 m² de surfaces commerciales en projet en RBC (Benjamin Wayens, octobre 2012). Nous atteignons largement l’offre commerciale de la moyenne nationale qui est une des plus élevées d’Europe. La Belgique est connue pour sa forte densité commerciale (JP Grimmeau 2011). Il faut en outre tenir compte du fait que les commerces urbains sont plutôt petits (136 m² à Bruxelles contre 198 m² en Belgique) et plus intensifs en main d’œuvre. On offre donc autant d’emplois pour des superficies plus petites. En conséquence, il importe de renforcer les noyaux commerçants existants conformément aux conclusions du schéma de développement commercial et de mettre un moratoire sur les projets de centres commerciaux qui fragilisent les noyaux existants, sont difficilement reconvertibles (risque de friches) et favorisent l’usage de la voiture.
Si la partie consacrée à la gestion de l’eau fait bien référence au Plan de gestion de l’eau dont elle annonce l’actualisation, elle ne dit rien de l’Alliance emploi-environnement dont l’axe 2 était pourtant consacré à l’eau.
Concernant l’action 97, il serait utile d’envisager une adaptation du RRU de façon à ce qu’en cas de dérogation octroyée aux normes du RRU liées à la perméabilité des sols, des compensations soient imposées au demandeur du permis pour préserver le taux de perméabilité global. Il ne suffit pas de compenser de la pleine terre par des toitures vertes ou des jardins sur dalles pour obtenir un taux équivalent de perméabilité des sols.
Il arrive trop souvent dans le cadre des grands projets immobiliers que la question de la capacité d’absorption des égouts du territoire concerné ne soit pas envisagé. Le recours systématique à des bassins d’orage doit être remis en question au bénéfice de systèmes qui favorisent l’infiltration des eaux de pluie dans le sol qui présentent l’avantage de produire un effet de retardement et coûtent aussi nettement moins cher. Dans une ville qui se densifie de plus en plus, les solutions techniques doivent être réfléchies de façon à ce que l’aménagement puisse être d’emblée pensé par une bonne cohabitation avec ce qu’offre la nature des lieux dont le maillage bleu ou les possibilités de recourir à des pratiques telles que le lagunage.
IEB invite le gouvernement à se saisir de l’expertise citoyenne développée dans le cadre des États Généraux de l’Eau à Bruxelles (EGEB) concernant les Nouvelles rivières urbaines et les Bassins versants solidaires.
Mesure 52. Réviser le plan d’actions à court terme en cas de pic de pollution
Sous la mesure 52 non plus, nous ne trouvons aucun engagement concret. Le plan ne va pas plus loin que « L’arrêté devra donc être modifié afin de pouvoir mettre en œuvre des mesures efficaces et opérationnelles », mais sans proposer de mesures opérationnelles qui permettraient d’accroître l’efficacité du plan. Il serait par exemple utile de prévoir un abaissement des seuils. Nous proposons d’engager la phase 1 (information du public) à partir de 40 microgrammes de PM10 et à partir d’environ 150 microgrammes de NO2. La phase 2 devrait commencer à partir de 50 μg de PM10 et 200 μg de NO2. La phase 3 concerne des actions encore plus drastiques, et cette phase peut par exemple être mise en œuvre lorsque les concentrations atteignent 100 μg de PM10 et 250 μg de NO2.
En effet, il faut savoir que l’Europe a fixé un seuil de 50 μg de PM10 par mètre cube comme moyenne journalière. Nous pouvons dépasser ce seuil maximum 35 fois par an. Pour le NO2, la limite horaire est fixée à 200 μg, limite qui peut être dépassée maximum 18 fois par an. Le Gouvernement a l’obligation légale de prendre des mesures pour maintenir les concentrations sous ces limites. Nous concluons que les limites actuelles du plan d’urgence sont insuffisantes, en particulier celles pour les particules fines.
À partir du moment où l’Europe nous impose ces limites, les phases doivent être enclenchées en-deçà de ces seuils alors qu’actuellement nous n’informons la population qu’à partir de 71 μg de particules fines et ne commençons à prendre des mesures effectives qu’à partir de 100 μg, soit le double de la norme européenne.
Il est positif que les aspects sociaux et économiques des politiques climatiques et énergétiques soient considérés comme des enjeux transversaux à l’ensemble des mesures du projet de Plan. Il convient toutefois de porter une attention particulière aux ménages vulnérables et à prévenir tout effet néfaste de la mise en œuvre de ces mesures.
Nous rappelons ici quelques remarques déjà formulées dans le plan qui mesure peu l’impact social qu’auront immanquablement certaines mesures préconisées. Nous pensons notamment à l’évolution des normes de construction et des exigences en termes de bâti (performance, habitabilité,…) qui auront ont un impact non négligeable sur les prix de l’immobilier. Le RIE pointe d’ailleurs que l’incitation aux rénovations de grande ampleur peut engendrer une gentrification dans les quartiers rénovés.
Concernant les emplois créés, les études de l’IGEAT (Gilles Van Hamme) démontrent que l’emploi créé dans le cadre de l’attractivité des villes et de rayonnement culturel et événementiel international, crée un marché du travail dual avec la croissance, au pôle supérieur, des fonctions très qualifiées et, au pôle inférieur, de services de base captifs, notamment à destination des classes supérieures (gardes d’enfants, loisirs, Horeca,...) [7]. Si la finance et la fonction internationale de Bruxelles sont bien des moteurs de l’économie, il est maintenant démontré qu’ils ne sont plus source de croissance. Cette tendance qui fait de Bruxelles la ville la plus inégalitaire des cinq grandes villes belges (comparée avec Anvers, Gand, Liège et Charleroi). L’emploi y croît deux fois moins vite que la valeur ajoutée, paradoxe expliquant que les indicateurs sociaux continuent à se dégrader même lorsque l’économie bruxelloise se porte bien. Il est donc risqué de miser sur une croissance des emplois liés à ces secteurs. L’Alliance emploi-environnement devrait être repensée en ce sens pour veiller à un seuil critique d’emplois moins délocalisable et de qualité. Il faudra également veiller à ce que les nombreux nouveaux emplois que l’on souhaite créer dans le cadre de l’économie circulaire ne soient pas uniquement des sous-emplois à durée déterminée et mal rémunéré.
IEB regrette que le Plan Air-Climat-Énergie n’ait pas été mis à l’enquête publique durant 6 mois comme l’a été le plan eau ce qui aurait permis une large participation et la remise d’un avis plus circonstancié.
Si l’objectif est de tendre vers une région modèle en matière de gestion urbaine durable, le Plan Air-Climat-Énergie nous semble peu ambitieux. Ce plan se limite principalement à la répétition de mesures existantes ainsi qu’à l’érection du cadre dans lequel la Région pourra répondre à une série de contraintes européennes. Contrairement à l’ambition affichée, ce plan n’est ni ambitieux ni prometteur. Sa principale vertu est la réunification dans un même document de mesures éparses : c’est déjà positif, mais ça ne constitue pas un geste politique.
IEB ne croit pas que ce plan apportera, en l’état, une amélioration suffisante pour permettre à la Région d’atteindre les objectifs qu’elles s’est données en matière de la qualité de l’air, de climat et d’économies d’énergie risquant par ce fait de se voir imposer les sanctions prévues par l’Union européenne sans amélioration effective et globale de la santé et des conditions de vie de sa population. Inchangé, le plan serait une belle opportunité manquée dans un domaine vital et pour lequel la population bruxelloise est pourtant prête à s’engager.
Un engagement qui ne connaît d’ailleurs pas de frontières (régionales et nationales). En témoigne la vaste mobilisation citoyenne et associative pour le climat dans le cadre de la conférence onusienne des parties à Paris (COP 21), regroupée en Belgique sous la bannière de Climat Express.
Pour autant, dans la vision politiquement correcte de la division de notre pays, la re-fédéralisation de l’environnement et du climat est hors de question. Alors même que la réduction des émissions de CO2, les énergies renouvelables ou le financement du Fonds pour le climat sont des problèmes qui appellent une approche globale.
Nous ne pouvons en effet, dans cette conclusion faire l’impasse sur l’accord climat intra-belge (Burden Sharing) qui a été conclu le 4 décembre et l’accord de Paris conclu une semaine plus tard.
Des textes et des accords qui peu ou prou s’imposeront comme cadre à la région bruxelloise. Un cadre bien flou. Au-delà des matières qu’ils traitent, ses textes ont en effet des points communs avec le plan Air-Climat-Énergie de la Région, en ce qu’ils restent tous trois vagues sur la manière d’atteindre les objectifs fixés. Il semble qu’ils soient sujets aux mêmes maux : de l’intention sans contrainte, une absence d’évaluation des mesures, une budgétisation floue, une opérationnalisation quasi impossible.
L’accord intra-belge signé in extremis pendant la COP 21 est à ce titre exemplaire. A peine signé, la transition énergétique qu’il contient se traduit dans les faits par la poursuite des investissements dans l’énergie nucléaire. L’accord contient également quelques intentions vertueuse sur la politique de la mobilité qui misera davantage sur les déplacements en transports publics, mais austérité oblige, l’augmentation du prix des tickets et la réduction de l’offre sont actés par ailleurs.
Si l’on veut moins de voitures sur les routes, et sensiblement en région bruxelloise, c’est une toute autre direction qu’il faut prendre. Il faut des transports publics de qualité, ce qui implique : un réseau bien développé, des prix abordables et des fréquences correctes. C’est de cette manière que l’on s’attaquera enfin réellement au changement climatique, et que l’on remédiera en même temps à l’indigence toujours plus grande de nos transports.
Les 50 millions d’euros que notre pays s’engage à verser au Fonds pour le climat, un fonds qui a pour but de soutenir les pays en développement pour affronter les conséquences du changement climatique, sont largement insuffisants. La France verse 75 euros par habitant au Fonds pour le climat, l’Allemagne, 50 euros par habitant, les Pays-Bas, 32 euros par habitant et la Belgique, à peine 4,5 euros par habitant. Par habitant, notre ambition est dix fois moindre que celle des pays voisins. Alors que les pays de l’Union européenne s’engagent à réduire leurs émissions de 20 % d’ici 2020 (par rapport au niveau de 1990), l’ambition de notre pays reste limitée à 15 %. Également pour la part des énergies renouvelables, l’objectif moyen en Europe est de 20 %. La Belgique, elle, veut à peine viser 13 %.
De la même façon, l’accord de Paris entre les parties signataires (COP 21) ne dit rien sur la manière dont on va atteindre les objectifs permettant de contenir le réchauffement de la température moyenne « bien en dessous de 2° » par rapport à son niveau pré-industriel, et accepte de « poursuivre ses efforts » pour la limiter à 1,5 °C. L’accord ne contient aucun objectif précis ni chiffré de réduction d’émissions de CO2. Les dirigeants internationaux renvoient aux engagements nationaux pris par les États, et dont on sait qu’ils amèneront à un réchauffement de 2,7°C.
Ils renvoient à plus tard les « évaluations et réadaptation » des engagements. Ils comptent également sur toutes les méthodes qui ont pourtant déjà fait faillite comme les mécanismes de marché pour le carbone et l’achat d’air pur à l’étranger.
L’accord de Paris est bien insuffisant pour en finir avec le réchauffement climatique. Il renvoie la patate chaude aux générations futures. Mais ce 21e Sommet international sur le climat a montré la force grandissante du mouvement climatique et c’est en cela qu’il est sans doute « historique ».
Ce mouvement est seul aux aguets pour faire monter la pression afin d’obtenir en Belgique, en Europe et ailleurs une prise en main ambitieuse de la question climatique et pour la mise en œuvre d’une vraie planification pour une économie neutre en carbone d’ici 2050, pour 100% d’énergie renouvelable, pour le développement des transports en commun, pour une société qui propose un accès à l’emploi et au travail respectueux de l’humain et du non-humain.
[1] Page 6 du PACE.
[2] Page 217 du RIE du PACE.
[3] Page 206 du RIE du PACE.
[4] Page 216 et 217 du RIE du PACE.
[5] 540 millions budgétises en 2004 par le Plan Logement et 598 millions budgétises en 2014 pour l’Alliance habitat. Plan régional du logement et Alliance-habitat, SLRB, 2014.
[7] « La croissance économique sans le progrès social : l’état des lieux à Bruxelles », Brussels Studies, n°48, mars 2011, p.2.