Inter-Environnement Bruxelles
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Le Plan Eau à l’enquête publique

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Entretien avec Françoise Onclincx, Responsable de la sous-division Eau de Bruxelles Environnement.

IEB : Avez vous une idée du type de réponses 
que vous allez recevoir ? Quelle expérience avez-vous en la matière ?

Françoise Onclincx : Je ferai un parallèle avec l’enquête sur le Plan Pluie (Plan régional de lutte contre les inondations, 2008-2011). Nous avons recueilli de nombreuses réponses intéressantes que l’on pourrait regrouper en trois catégories. Il y a d’une part, des remarques générales d’ordre urbanistique, architectural voire conceptuel. Ensuite, il y a des remarques sur des situations locales, plus pointues. Et enfin, des questions quant à la faisabilité, à la mise en œuvre ou au coût de ce plan. Ces remarques venaient d’institutions régionales, d’administrations communales ainsi que d’associations ou de particuliers. Nous avions tout classé en un immense tableau selon ces trois catégories et en regroupant les sujets récurrents qui, dès lors, formaient la base de propositions d’amendements. Mais nous avons également recueilli des histoires personnelles très touchantes comme ces lettres de personnes âgées ayant perdu tous leurs biens et souvenirs lors d’inondations. Nous n’avons pu répondre personnellement, ce qui était très dur car dans certains cas il y avait une détresse immense...

Dans quelle mesure toutes ces réactions à l’enquête publique ont-elles été intégrées dans le Plan Pluie ?

Les remarques étaient globalement positives et en général très pertinentes. Elles nous ont permis de préciser certaines prescriptions ou d’en ajouter. Les difficultés étaient soulignées, notamment en interrogeant la faisabilité de certaines propositions avancées puisqu’on ne rentrait pas dans le détail au niveau des prescriptions du Plan Pluie (comme on ne rentre pas aujourd’hui dans le détail du PGE). Ce qui a été positif fut la recherche de complémentarités. Les propositions de solutions n’étaient pas seulement techniques mais également urbanistiques, architecturales, avec un accent sur la dimension de la participation.

Par ailleurs, nous n’avons pas enregistré d’oppositions importantes. On a par contre enregistré des questions plus conceptuelles, plus politiques et complexes à traiter, comme par exemple : « Serait-il possible d’envisager à terme un réseau séparatif à Bruxelles, pour collecter séparément les eaux de pluies et des cours d’eau d’une part, et les eaux usées d’autre part ? » Le politique a répondu par la négative pour le moment, compte tenu des difficultés financières de Bruxelles et de l’immense chantier que suppose la création d’un tel réseau. Il n’empêche que des quartiers-pilotes pourraient être envisagés.

Des contenus qui émaneraient de l’enquête publique, mais qui seraient jugés hors cadre par rapport au PGE, pourraient-ils avoir une incidence sur les dispositifs légaux encadrant le PGE ?

C’est une question d’ordre politique. J’imagine en effet qu’il y aura des questions qui ne sont pas abordées par le PGE, qui est encadré notamment par des exigences européennes. Ces questions ne seront aucunement écartées parce que hors cadre. Nous en ferons une liste qui sera transmise au pouvoir politique qui décidera de ce qu’il en fera. Il incombera alors à la société civile de s’assurer de la suite qui sera donnée à ces questions.

Les différentes réponses à l’enquête publique seront-elles consultables par le grand public pour qu’il y ait un suivi des échanges suscités ?

Il s’agit là de documents de travail sous forme de très vastes tableaux qui seront mis à la disposition du Gouvernement. Ceci dit, nous n’avons pas encore de directive quant à la mise en place d’une publicité autour de cela. Il pourrait être envisagé de les rendre publics mais ce n’est pas évident de les rendre aisément lisibles, ne fut-ce que pour une question de ressources humaines.

Quels sont les dispositifs qui permettent de rendre publique cette enquête...

Une enquête publique telle que celle-ci, dont la durée de 6 mois a été fixée par l’Europe, doit mettre à la disposition du public les documents dans les communes, au sein de l’administration régionale compétente (dans ce cas–ci à l’IBGE). Elle prévoit également des soirées d’information ou des possibilités d’informations complémentaires par téléphone ou par Internet.

Nous avons prévu deux séances d’information pour les techniciens communaux. L’une qui s’est déroulée à la mi-mars, plus technique, a permis d’expliquer la situation existante. La seconde prendra la forme d’un questions-réponses en présence des acteurs communaux et de tous les opérateurs sur le contenu technique du PGE.

Parallèlement, des séances d’information destinées aux habitants seront organisées dans les communes. Leur forme fait encore l’objet de discussions entre le Cabinet et les communes, même si nous nous orienterons vraisemblablement vers des réunions par communes liées par bassins versants, ce qui est une manière plus vivante de parler de l’eau. A nos côtés, outre le Cabinet, seront également présents HYDROBRU, VIVAQUA, la SBGE et le Port, les questions s’adressant tantôt à l’un, tantôt à l’autre. Ces dispositifs dépassent déjà le cadre légal imposé.

Quelle est la place des États Généraux de l’Eau par rapport à l’enquête publique ?

D’autres dispositifs autonomes vont toutefois accompagner le processus de l’enquête publique dont, en effet, les États Généraux de l’Eau à Bruxelles (EGEB). Ceux-ci, subsidiés par la Région, vont soulever nombre de questions et parvenir à susciter l’attention du public sur un thème qui peut sembler très cadenassé par deux siècles de gestion exclusivement technique de l’eau. Même s’il faut tenir compte d’impératifs techniques, il n’empêche que le choix du diamètre d’un tuyau n’est pas toujours qu’une question technique, elle est parfois aussi politique. Bien des questions
débordent du cadre strict du PGE, telles celles qui touchent à la question de la privatisation des services, des partenariats public-privé, de l’eau Bien public et d’autres encore. C’est en partie l’objet du projet des EGEB.

Une autre initiative autonome soutenue par la Région est proposée par Crosstalks — une émanation du Pôle Recherche et Développement de la V.U.B. — qui cette année, avec le projet Bridges Over Troubled Waters, propose un dialogue entre monde académique et monde de l’entreprise sur le thème de l’eau. En soutenant ces projets, nous élargissons notre champ d’action durant les six mois que dure l’enquête publique.

Qu’attendez-vous des EGEB ?

Les EGEB donneront, à la lumière de tout ce qu’ils auront organisé et de tout ce qu’ils vont pouvoir capitaliser comme informations, un résultat utilisable aussi dans le cadre de l’enquête publique. Ils proposeront des recommandations relatives au plan lui-même, mais pas seulement. Les EGEB sont libres de remettre en question le cadre légal dans lequel nous nous situons et d’interroger d’autres sujets qui ne sont pas limités à ceux repris dans le Plan. Et puis, il est fort possible que le citoyen ressente cette thématique comme très technique, trop pour qu’il puisse intervenir. Les EGEB peuvent avoir un rôle à jouer dans la prise de conscience qu’un espace de liberté existe malgré tout, et qu’il pourrait être important.

Un questionnaire qui questionne

A l’occasion de la mise à l’enquête publique du projet du Plan de Gestion
de l’Eau, le Service Communication de Bruxelles Environnement a conçu un
questionnaire tiré à 5 000 exemplaires et disponible sur le site Internet de Bruxelles Environnement.

But de l’opération ? « Susciter la participation du public », nous dit-on. Il est vrai que, bien que forte d’implications pour le quotidien de tous, la gestion de l’eau reste une thématique vaste et ardue, encore plus dans ses aspects techniques. Sans compter qu’il n’est pas toujours facile de créer les bonnes conditions pour arriver à une mobilisation importante. Reste à savoir si ce formulaire composé de 24 questions simplissimes, qui nous interrogent plus sur nos habitudes de consommation ou sur l’état de nos connaissances en matière d’eau, peut y arriver ?

Comment ces questions (à choix multiples pour la plupart) pourraient à elles seules faire émerger d’autres propositions ou initier la moindre réflexion de fond ? Le Service Communication se veut rassurant et nous précise qu’il est toujours loisible à tout un chacun de réagir au projet de plan par simple courrier ou courriel. Heureusement, car nous ne voyons là que le seul moyen de réagir avec pertinence à ce projet. Et ce, pour ne pas résumer la consultation publique à un sondageke inconsistant, en total décalage avec le contenu du PGE et ses enjeux pour la ville et ses habitants.

Aussi, nous ne pouvons que vous inviter à consulter le plan et à y réagir auprès de votre commune ou de Bruxelles Environnement.

Voix d’eau