Les dernières estimations indiquent que le nombre de cyclistes circulant à Bruxelles augmente de 13% par an en moyenne depuis 1999. C’est peu et beaucoup à la fois : une croissance « spontanée » non négligeable qui illustre l’énorme potentiel de la ville pour le vélo, mais encore trop faible pour atteindre les objectifs du plan Iris II. Le pourcentage régulièrement annoncé de part modale du vélo de 3 ou 4 % n’est qu’une estimation à considérer avec prudence.
C’est indéniable, le nombre de cyclistes augmente à Bruxelles : les chiffres de l’observatoire du vélo – les seuls disponibles pour la Région – montrent une tendance claire. Mais leur interprétation est délicate.
Si le nombre de cyclistes augmente globalement chaque année, partout et à toutes les saisons, il est par contre impossible à ce stade de dire si la part modale du vélo — comprenez : la part du nombre total de déplacements en RBC qui est faite à vélo — a évolué. L’augmentation observée du nombre de cyclistes est-elle uniquement le reflet de l’augmentation du nombre total de déplacements des Bruxellois, ou reflète-t-elle un transfert de la voiture ou des transports en commun vers le vélo ?
Les seuls chiffres actuellement disponibles datent de 1999 et proviennent de l’enquête nationale sur la mobilité des ménages (MOBEL 2001) ! En 1999, 1,1% des déplacements en Région bruxelloise sont faits à vélo (12,3% en Flandre), et chaque Bruxellois se déplace près de 3 fois par jour. Une nouvelle enquête est en cours [1], qui permettra prochainement de mettre ces données à jour. D’ici là, les chiffres qui seraient invoqués ne sont que des estimations à prendre avec prudence.
Pour que la part modale du vélo augmente, il faut que le nombre de déplacements en voiture progresse moins vite que celui du vélo.
La croissance actuelle ne permettra pas d’atteindre les objectifs d’Iris II...
Le Plan régional de mobilité Iris II a fixé un objectif de 20% de part modale pour le vélo à l’horizon 2020. Sommes-nous sur la bonne voie ? En considérant que l’augmentation du nombre total de déplacements sera uniquement le fait de l’augmentation de la population bruxelloise (mais que chaque Bruxellois ne se déplacera pas plus en moyenne en 2020 qu’en 1999) [2], il faudrait une croissance annuelle du nombre de cyclistes de 16% par an sur la période 1999-2020 [3].
On s’en approche, pourrait-on penser, mais le retard déjà accumulé ne serait rattrapé que par une croissance de 19,5% par an pendant les 10 prochaines années ! Or on devine que les taux de croissance actuellement élevés sont possibles parce que les nombres sont petits : les premiers progrès sont les plus faciles à réaliser ! On est donc encore bien loin d’atteindre les objectifs annoncés, et le seul main-tien de la croissance actuelle ne sera pas suffisant.
Mais elle démontre l’énorme potentiel vélo de Bruxelles !
Il y a donc toujours plus de cyclistes dans les rues de Bruxelles… Par quel miracle ? En l’absence de mesures for-tes d’encouragement, d’infrastructure ou de partage de l’espace public, cette croissance spontanée semble le fait d’une conscientisation écologique en cours, de la dégradation des conditions de circulation et de stationnement automobile, de l’augmentation du prix de l’essence, de la présence de populations étrangères qui reproduisent des habitudes prises ailleurs, et peut-être surtout d’un effet de contagion : cela se voit, cela se sait, le vélo est le moyen de déplacement en ville le
plus efficace pour des trajets de moins de 5 km (62% des déplacements à Bruxelles) [4]. Un cycliste en entraîne un autre…
Les résultats illustrent ainsi clairement l’énorme potentiel de la Région en matière de vélo : Bruxelles pourrait être une ville cyclable et la marge de progression de ce mode de déplacement est considérable.
Et les cyclistes actuels sont déjà récompensés par des aménagements et offres de services de plus en plus nombreux, qui rendent le vélo au quotidien plus confortable : contresens cyclables, bandes bus ouvertes aux cyclistes, marquages au sol, points vélo dans les gares, transport gratuit des vélos dans les trams et métro à certaines heures, carte cyclable de qualité, etc. Des représentants des cyclistes sont également invités à participer au processus décisionnel au sein de la commission vélo régionale chargée de remettre un avis sur tout projet relatif à la pratique du vélo.
Mais s’il est vrai qu’un aménagement discret et bien pensé rend la circulation à vélo plus sécurisante, facile et agréable, il manque encore des aménagements marquants qui nécessitent un réel partage de l’espace public entre les différents modes, une volonté affirmée de diminuer la pression automobile et les vitesses pratiquées, et une politique de promotion forte, seuls susceptibles d’encourager un nouveau public à s’essayer au vélo. Une ville cyclable c’est une ville où la pratique quotidienne du vélo est possible, sûre et normale pour tous !
Jeanne Depireux
Pro Velo
Observatoire du vélo en Région bruxelloise Un observatoire du vélo existe à Bruxelles depuis 1998. Il fournit des informations uniques sur l’évolution de l’utilisation du vélo dans la Région et permet de mieux connaître le profil des cyclistes bruxellois. L’observatoire, ce sont : des comptages aux heures de pointe du matin, des observations en soirée, des observations aux lieux de stationnement vélo des arrêts de métro, des enquêtes diverses. Actuellement, des comptages vélo sont réalisés en 25 lieux répartis sur la région, entre 8h et 9h du matin en semaine, 4 fois par an. Outre le nombre de cyclistes traversant le carrefour, plusieurs éléments sont enregistrés qui permettent de connaître les flux, la proportion d’hommes et de femmes, la proportion de cyclistes portant un casque, etc. Pour mener une politique vélo cohérente, ces données chiffrées doivent être accompagnées d’informations qualitatives. Une enquête a été réalisée en 2009 auprès de 1200 personnes utilisant le vélo pour des trajets domicile-travail, afin de mieux connaître leur profil socio-économique. En 2010, une enquête téléphonique a été faite auprès de bénéficiaires de la prime Bruxell’Air (prime vélo) afin d’étudier l’impact de cette prime sur leurs habitudes de déplacement. Contact : Pro Velo asbl, en charge de l’Observatoire depuis 1998. Rue de Londres 15, 1050 Ixelles. Jeanne Depireux : j.depireux@provelo.org ou 02/502 73 55. |
[1] Enquête de mobilité BELDAM (Belgian Daily Mobility) commanditée par le SPF Mobilité et Transports et le SPP Politique Scientifique (BELSPO) et dont les premiers résultats sont attendus à l’été 2011.
[2] Ce calcul se base sur l’hypothèse que chaque Bruxellois se déplace en moyenne 2,96 fois par jour, que le nombre de déplacements à vélo est égal à 1,1% du nombre de déplacements total de la population bruxelloise (résultats MOBEL), et que cette population atteindra 1 200 108 habitants en 2020 (prévisions du Bureau fédéral du Plan).
[3] Sous cette même hypothèse, on atteindrait aujourd’hui une part modale du vélo de 3,7%, et de 11,4% en 2020 si une croissance de 13% est maintenue.
[4] Mobel 2001.