Qui peut entamer une procédure de sauvegarde ? Comment introduire demande de classement d’un site ou d’un monument ? Quels documents faut-il rassembler ? Quels délais, quel type de signature ?
Ce mode d’emploi - édité une première fois en 2022, et actualisé à la faveur de l’entrée en vigueur du nouvel arrêté d’application de mars 2024 - a été réalisé à partir des questionnements, d’échanges et des apports de comités et collectifs membres de la fédération. Il vous guidera dans la procédure : " demande d’inscription sur la liste de sauvegarde ou de classement", également appelée procédure de "pétition de classement".
Une pétition de classement d’un bien immobilier est un acte administratif de personnes qui désirent classer un site ou d’une construction dont elles ne sont pas propriétaires. [1]
Lorsqu’elle est d’initiative citoyenne ou associative, la demande doit être introduite par une asbl soutenue par les signatures de 150 personnes et une série d’annexes : elle prend donc la forme d’une pétition. L’ensemble sera analysé par la Direction du Patrimoine culturel, qui jugera avec la Commission royale des monument et sites (CMRS), s’il est opportun de la présenter à la décision du gouvernement bruxellois. Si le gouvernement la juge également pertinente, il ouvrira une procédure de classement qui débouchera peut-être sur un arrêté de classement.
Donc, le parcours est long, le succès loin d’être assuré, mais... lorsqu’un arrêté de classement est publié, la protection est assurée ! [2]
Ainsi, ces bâtiments et sites ont été classés par pétition de classement (citoyenne) :
(liste non exhaustive, n’hésitez pas à nous écrire pour la compléter !)
Le classement immobilier protège légalement et vise à assurer la conservation d’un bien immobilier - par exemple : un immeuble ou ensemble d’immeubles, un site, une place publique, une fontaine - qui présente un intérêt historique, archéologique, architectural, scientifique, artistique, social, mémoriel, esthétique, technique, paysager ou urbanistique.
Le bien sera alors inscrit sur le registre des biens immobiliers protégés. Ce registre comprend les biens inscrits sur la liste de sauvegarde, classés ou faisant l’objet d’une procédure de classement. [3]
En cas de doute, sachez qu’il est préférable de demander le classement plutôt que l’inscription sur la liste de sauvegarde d’un bien ou d’un site. Certes, la seconde est plus aisée à obtenir. Toutefois, elle exige de remplir le même dossier, de suivre la même procédure. Mais l’administration et la CRMS peuvent "rétrograder" la demande mais jamais la "surclasser". En d’autres termes, si la partie demanderesse demande une inscription sur la liste de sauvegarde, la CRMS ne pourra pas émettre un avis sur la pertinence de son classement.
Dans la même logique, l’administration conserve le droit de réduire la zone demandée pour le classement, mais elle ne peut en aucun cas l’étendre. N’hésitez donc pas à maximiser la surface incluse dans la demande, par exemple en englobant non seulement le bâtiment principal/le site principal, mais également ses abords et son intérieur.
En pratique, jusqu’à présent, peu de pétitions de classement ont abouti à un classement total et effectif du bien mais bien un classement partiel.
Exemple : l’abri anti-aérien sous la place du Jeu de Balle mais pas la place elle-même comme demandé ou la perpective de l’avenue Huart Hamoir mais pas le square Riga (menacé par les travaux du Metro 3).
Les sites, parcs ou jardins sont régulièrement classés dans leur ensemble, et leur protection est accessible par la pétition de classement via la même procédure. Dans les faits, les arrêtés actuels sont peu adaptés à la protection des espaces naturels. Les demandes de protection de la nature devraient idéalement s’appuyer sur l’ordonnance sur la conservation de la nature (article 66). Cependant, aucun arrêté d’application n’est à ce jour disponible.
Théoriquement, un arbre isolé est "classable," mais pratiquement très peu le sont : l’administration préfère les inscrire sur la liste de sauvegarde ou à l’inventaire scientifique. MAIS ! Pour les arbres, la procédure est bien plus simple que la pétition de classement car il suffit de le signaler à l’administration, en vous inspirant du formulaire placé à la dernière page de cette brochure document : et en le renvoyant par mail à patrimoinenaturel@urban.brussels. Concernant le recensement des arbres, n’hésitez pas à consulter les ressources de notre cartographie des arbres. [4]
Théoriquement, si la pétition de classement est déposée lorsqu’une demande de permis est en cours, l’art. 226 du CoBAT permet au Gouvernement d’imposer des conditions de délivrance au permis. Mais, en pratique, cette décision reste marginale.
Toutefois, une pétition de classement reste intéressante :
Par ailleurs, en cas de délivrance d’un permis, avoir initié une pétition de classement préalable ouvre la porte à des arguments de contestation du permis au Conseil d’État.
Un dossier complet comporte un formulaire qui résume et motive la demande et quatre annexes. Il est désormais envoyé en version numérique uniquement, annexes comprises.
Comme la demande doit être introduite par une asbl agrée patrimoine, Inter-environnement Bruxelles peut donc vous accompagner :
Notre rôle consiste à :
Après cela, IEB introduira la pétition de classement auprès de la Direction du patrimoine.
Il s’agit d’une demande écrite, sur un formulaire adhoc.
Les formulaires en ligne seront bientôt mis à disposition sur le site de patrimoine.brussels. En attendant, il est possible d’adapter ce formulaire - tiré des annexes du nouvel arrêté - disponible en pdf :
Attention : les formulaire d’introduction de demande de pétition disponibles sur le site de Urban sont désormais obsolètes et doivent être adaptés. Pour les asbl : demande de sauvegarde ») ou demande de classement
La motivation sera très concise car appuyée par les documents à fournir en annexe. Veillez cependant à appuyer sur le caractère unique et exceptionnel du bien à protéger et de la situation qui vous pousse à demander sa protection (projet de destruction ou de modification d’ampleur, par exemple). Le bien, ou le lieu, peut-être également exceptionnel car il participe d’un ensemble. Cette étape est très importante et nous la ferons avec vous. C’est également à ce moment qu’IEB décidera s’il est pertinent qu’elle introduise la demande. Nous verrons ainsi, d’après notre expérience, si le classement a des chances d’être obtenu... Sachez que le travail à fournir pour rédiger les annexes est assez important !
À vous de rédiger une description technique du bien ainsi que sa dénomination éventuelle ! Par exemple, pour un bâtiment, elle doit comporter les caractéristiques architecturales, les dates de construction connues ou estimées, les éléments remarquables, uniques ou exceptionnels du lieu, sa situation, ses relations avec son environnement proche. Elle pourra aussi comporter, si les données sont disponibles, le nom de l’architecte, les éventuels éléments remarquables liés à son histoire (un personnage célèbre y-a-t-il vécu ? a-t-il été le théâtre d’un événement historique ?)... [5]
Légalement, une description sommaire suffit, puisque l’administration et la CMRS sont chargées d’approfondir le dossier. Mais, vos recherches seront bienvenues. L’inventaire du patrimoine immobilier de la Région de Bruxelles-Capitale vous fournira une excellente source d’inspiration pour rédiger la description sommaire.
Mais n’hésitez pas à l’étayer en fonction des connaissances que vous ne manquerez pas d’amasser. Ceci n’est pas obligatoire mais c’est très apprécié par l’administration !
Veillez cependant à fournir des sources étayant votre description (documents archives, photos, livres…)
Pour la recherche documentaire, vous pouvez vous adresser à divers centres d’archives papier ou en ligne, aux cercles d’histoire locale (qui pourraient également vous aider pour obtenir des signatures). Vous pouvez aussi expliciter ses affectations, ses usages, ses transformations au fil du temps. Il s’agit de faire valoir que la commune ou la Région de Bruxelles-Capitale seront affectées par la destruction ou la modification du bien dans son histoire, dans son présent, dans son patrimoine.
En somme, cette section fournit les jalons temporels de la précédente... Limitez vous à lister les dates et à les commenter brièvement.
Le principe d’exceptionnalité reste central pour justifier le classement. Donc, il vous faudra ici plaider ici
1. Soit l’unicité du bien en lui-même.
2. Soit l’importance exceptionnelle de l’ensemble auquel il appartient.
Prenons l’exemple des maisons construites par l’architecte Blérot. Comme plusieurs sont déjà classées, la demande de classement d’une maison supplémentaire nécessitera soit de prouver son caractère particulier, soit de valoriser l’ensemble des maisons Blérot comme patrimoine cohérent à protéger.
Comparer telle ou telle maison, fontaine, marais avec d’autres biens ou espaces déjà protégés vous invite à élaborer un raisonnement/une réflexion, à penser plus grand que le site en lui-même.
Cette section doit seulement refléter les informations visibles ou connues du demandeur, sans qu’il soit nécessaire de fournir des données exhaustives ou techniques, en particulier sur les parties non accessibles. Cette maison d’architecte a-t-elle été convertie en bureau ? Ce cinéma projette-t-il toujours des films ? Ces potagers ouvriers sont-ils toujours fréquentés ? Quel est l’état de la façade, du toit... Contentez-vous de qualifier l’état d’entretien avec des termes comme "bon état général, dégradation partielle de..., excellente conservation," Méfiez-vous de brosser un tableau trop noir de l’état d’entretien du site, au risque d’inquiéter l’administration qui en sera ultérieurement (en partie) responsable en cas de classement.
Le bien ou le lieu est-il concerné voire menacé par une demande de permis d’urbanisme ou de lotir ? Oui, alors, c’est ici qu’il faudra le spécifier. Pour le savoir, il suffit de se rendre sur le site "openpermits" qui recense l’ensemble des demandes de permis, quel que soit leur statut (à l’instruction, à l’enquête public, accordé ou refusé). En renseignant l’adresse du bien, vous les verrez s’afficher. Veillez à préciser le numéro de dossier, l’intitulé, le statut et un repère temporel.
Exemple : 07/PFU/1949141, Prolonger et maintenir les pavillons du Stade Marien abritant des fonctions dédiées à l’accueil des supporters, du personnel du club, à la salubrité et à la sécurité générale (bureaux, local police, sanitaires, etc.), à l’instruction, dossier complet le 4/12/2024.
Ces signatures seront présentées sous forme d’une liste numérotée de 150 personnes âgées de 18 ans au moins et domiciliées dans la région où se situe le bien.
Veuillez noter que la pétition faisant partie d’un acte administratif formel, elle se fait jusqu’à présent sous format papier, que vous scannerez et envoyé sous format numérique. De plus, sous peine de non-validité, chaque signature devra impérativement être accompagnée de tous les éléments requis par la législation : nom, prénom, adresse, date de naissance et signature. Attention : il est très avisé de dépasser le nombre requis, certaines pouvant être invalidées (erreurs, illisibles...)
Vous pouvez vous inspirer de ce modèle. Nous pouvons vous envoyer une version modifiable sur simple demande.
C’est une étape indispensable, car elle reflètera aussi la mobilisation publique pour la protection d’un site. Elle permettra de faire passer le bien de « remarquable" à "remarqué », d’autant plus s’il n’est pas reconnu au patrimoine classique (paysagiste, architecte non réputé, arbre âgé mais commun ...) D’autre part, si une menace pèse sur le bien à classer, veillez à bien vous entourer : le chemin vers le classement est long, sinueux et semé d’embuches. Vous avez donc tout intérêt à le parcourir à plusieurs.
Vous avez le choix, mais, sachez que le plan géoréférencé est plus simple à obtenir.
Une copie de l’extrait de la matrice cadastrale relative au bien concerné ou un plan géoréférencé.
matrice cadastrale est un document payant et pouvant être commandé via un formulaire disponible sur le site du SPF Finances (en ligne).
Et, bonne nouvelle, désormais, les extraits cadastraux renseignant l’identité des propriétaires des parcelles ne doivent plus figurer dans la demande. Toutefois, il est utile de vous renseigner sur leur identité..., car ceux-ci disposent de droits sur le devenir de la parcelle concernée.
Le plan géoréférencé est en théorie, un fichier au format spécifique (.sig, .gis par ex.) où " les données comportent toutes, parmi leurs attributs, leurs coordonnées géographiques. Cela permet notamment d’ajuster la carte à la projection choisie, ou de changer d’échelle."
Mais, bonne nouvelle, encore, l’administration se contentera d’un export au format pdf de la zone concernée émanant du site BruGIS®. N’hésitez pas - non pas pour composer le dossier, mais pour mieux connaitre le statut juridique de la zone concernée - d’interroger cet espace via l’outil " Urbanalyse" et de télécharger les données sous format word ou pdf.
Veillez à bien soigner votre reportage photo, c’est une des pièces maîtresse de votre demande. Il doit attirer l’attention de nos représentants politiques trop pressés. Vous le présenterez dans un dossier séparé de la description sommaire même si celui-ci comporte déjà des photos et images. N’hésitez pas à les numéroter et à les légender - une courte phrase suffit. Idéalement, vous fournissez une copie digitale du dossier via un lien vers un cloud ou une clé usb. Ce support sera apprécié par l’administration et la CMRS.
Par exemple, si vous souhaitez faire classer une fontaine, une statue, nous conseillons donc quelques photos centrées sur la statue et des photos avec un large cadre ( qui montre la place où elle est située, en variant les angles de prise de vue).
Avant son dépôt définitif, il est plus que recommandé de prendre contact avec l’administration du Patrimoine, dont l’avis sur le dossier à déposer est évidemment plus que pertinent. Dès que le dossier est assez solide pour être partagé, n’hésitez pas à leur demander un rendez-vous.
Après s’être assuré que la demande était cohérente et complète, l’asbl demanderesse pourra l’envoyer en version numérique à l’adresse suivant : protection@urban.brussels. Conserver scrupuleusement une trace de mail d’envoi et l’accusé de réception. Vous pouvez l’imprimer.
L’administration transmet ensuite la pétition de classement à la Commission royale des monuments et sites (CRMS), commission indépendante, qui « valide » l’intérêt effectif du patrimoine demandé au classement par un avis. Les membres de la commission feront des recherches et visites pour étayer leur avis.
Attention : la CRMS ne se réunit pas entre le 15 juillet et le 15 août... Donc, à moins de vouloir courir le risque qu’elle ne puisse pas se prononcer sur votre dossier, pensez à le remettre bien avant ( idéalement avant le 15 juin, pour éviter les éventuels embouteillages.)
Si l’avis de la CRMS est positif, le Gouvernement peut aussi consulter toutes les instances qu’il juge utile pour se forger une opinion et prend une décision (motivée) quant à l’ouverture ou non d’une procédure de classement. Il reste souverain dans son choix. Le Gouvernement notifiera sa décision à l’ASBL demanderesse.
Si le Gouvernement ouvre effectivement la procédure de classement (Champagne !), cela ne veut pas encore dire que le bien va être classé au final ! En fait, le Gouvernement ouvre une « procédure d’enquête préalable au classement ». Cette procédure dure maximum deux ans et permet d’instruire complètement la demande de classement (portée du classement, éléments pris en comptes...).
Durant cette procédure le bien jouit de la même protection que s’il était classé et le Gouvernement peut prendre à tout moment un arrêté de classement qui le protège définitivement (ou une partie seulement de ce qui à fait l’objet de l’ouverture de procédure. Ex. : on demande le classement intégral d’une maison mais on ne classe effectivement que la façade et la toiture). Par contre, si on arrive au bout des 2 ans sans qu’un arrêté de classement définitif ait été adopté, la procédure est caduque et il n’y a plus de protection.
Nous vous invitons donc à interpeller le gouvernement quelques mois avant l’issue des deux années via une médiatisation, une mobilisation, ou une action parlementaire ( question écrite, orale) pour réactiver la procédure.
Il est également est possible d’accélérer la procédure en lui envoyant un courrier recommandé à cet effet. Mais s’il ne répond pas, le dossier est réputé caduc. En conséquence, il vous faudra recommencer toute la procédure.
A savoir : si le Gouvernement prend une décision de ne pas entamer la procédure de classement, il n’est plus possible d’entamer une nouvelle procédure de classement par pétition ou autre avant un délai de cinq ans à compter de la décision du Gouvernement (CoBAT Art. 222, § 7). http://patrimoine.brussels/
Sur base des différents avis, le gouvernement publiera un arrêté de classement qui sera publié au Moniteur belge avec communication à l’association pétitionnaire.
Une pétition de classement est régie par les prescriptions de l’art. 222 (et suivants) du COBAT. Une nouvelle législation concernant les demandes de classement est entrée en vigueur le 1/08/24. Il s’agit de l’arrêté que vous trouverez sur le lien https://www.ejustice.just.fgov.be/eli/arrete/2024/03/21/2024004484/justel , adopté le 21/03/24 par le Gouvernement.
Cette annexe fait aussi référence à l’ancienne Ordonnance de 1993 mais est, en fait, valable pour la législation actuelle (art. 222 du CoBAT).
Les personnes, collectifs et comités suivants ont contribué à la première édition de mode d’emploi (2022) : Bruxelles Fabriques, Comité Meunier, Raphael Rastelli ( de feu "Pétition Patrimoine") et bien entendu Guido Vanderhulst, militant de la protection du patrimoine social et industriel bruxellois (1940-2019). La seconde version (2025), a été nourrie des réflexions au long court de Bruxelles Nature, l’ARAU et du CNC Vogelzang.. Nous remercions également l’administration d’avoir répondu à nos nombreuses questions.
Chargée de mission
[1] Un propriétaire (y compris l’assemblée de co-propriétaires) peut directement faire une demande de classement. La procédure est similaire à la pétition de classement en ce qui concerne la récolte des pièces du dossier administratif (notice, cadastre, photos...) sauf qu’il ne faut pas faire de pétition, la demande étant directement au nom du ou des propriétaires. (c’est le 5e du §1 de l’Art. 222 du CoBAT, la pétition étant le 4e)
[2] Le gestionnaire du lieu pourra prétendre à des subventions pour assurer sa conservation.
[3] Attention : le classement des biens mobiliers (objets que l’on peut déplacer) relèvent de la communauté française et les biens immatériels (un carnaval par exemple) de l’Unesco et ne sont pas concernés par la procédure que nous allons décrire ici.
[4] Un classement interdit toute "démolition", donc tout abattage d’un arbre classé, même si ce dernier est mort, malade ou provoque du danger. C’est pourquoi les arbres individuels sont plutôt sur la liste de sauvegarde : l’abattage est autorisé sous réserve d’un avis conforme de la CRMS.
[5] ces données ne sont pas toujours toutes connues ou toujours pertinentes (pas d’architecte dans des constructions vernaculaires). Dans le cas d’une construction médiévale, vernaculaire, par exemple, on peut se contenter d’estimation.