Inter-Environnement Bruxelles
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L’abattage rituel ou l’acceptation collective de la mise à mort des animaux ?

© Élise Debouny & François Hubert - 2012

L’Aïd el Kebir

La religion musulmane, en plus de garder une dimension rituelle autour de la mise à mort d’un animal, garde cet acte présent au cœur de l’espace public. Pendant l’Aïd el Kebir, « fête du sacrifice » en référence au sacrifice Ibrahimien, Dieu demande à chaque musulman, dans la mesure de ses moyens, de réaliser le sacrifice d’un animal au nom de Dieu ; cet événement est célébré généralement en famille, entendue à l’échelle de la communauté. Cette célébration permet d’assumer plus collectivement la mise à mort des animaux.

L’abattage rituel Dans un abattoir industriel ?

Selon Jocelyne Porcher, qui a eu l’occasion de mener plusieurs entretiens dans des abattoirs, l’abattage rituel dans les abattoirs est un non-sens car il est impossible à respecter étant donné ce qu’implique le système industriel… En définitive, il ne reste que la souffrance de l’animal et celle des travailleurs qui doivent faire le travail. « En abattoirs industriels, un rituel, quel qu’il soit, est impossible à respecter du fait des contraintes de temps, des cadences qui accablent les travailleurs, du nombre d’animaux dont ils ont la charge et du sens même du travail. Il est, au contraire, le plus souvent vécu par les travailleurs comme une violence supplémentaire, envers les animaux et envers eux-mêmes, dépourvue de toute intelligence collective. »

L’abattage rituel, quelles leçons en tirer ?

Pour Jocelyne Porcher, « au-delà des aspects techniques, il s’agit donc ici de convoquer et de reconnaître, individuellement et colectivement, un ensemble de règles morales, voire de rituels de mise à mort. En effet, le caractère rituel de l’abattage des animaux, c’est-à-dire la prise en compte de sa dimension symbolique, renvoie aujourd’hui essentiellement à la production de viandes hallal et casher. Or, les discours des éleveurs et des abatteurs témoignent, en dehors de toute contrainte religieuse, d’un désir de ritualisation du travail d’abattage et d’une quête de sens dépassant le geste productif ».

À Anderlecht, l’abattage rituel musulman ou judaïque représente un peu moins de la moitié des abattages de bovins et la totalité pour les ovins. Le rite, comme l’abattoir, se sont adaptés l’un à l’autre. Il a fallu repenser les techniques d’abattage, adapter les machines, de manière à pouvoir préserver tant que possible le caractère rituel de la mise à mort des animaux (orientation vers La Mecque, égorgement et manutention mécanique,…). Tout comme l’AFSCA (Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne Alimentaire) fait appliquer les normes européennes au niveau de l’hygiène et de la traçabilité, les autorités religieuses viennent vérifier et certifier la « conformité » des techniques, des équipements et dispositions mises en place afin d’assurer le plus grand respect de leur tradition. Les abatteurs sont assermentés par les responsables religieux, ils sont donc en quelque sorte désignés par leur communauté pour pratiquer un rite collectif de manière individuelle. Après l’acte de mise à mort, les animaux tués suivent exactement le même cheminement que tous les autres et seront marqués d’un cachet spécifique attestant de leur conformité aux attentes contemporaine des consommateurs de viande rituelle.