Inter-Environnement Bruxelles
© IEB - 2021

Key West, toujours un Far West immobilier !

Les promoteurs Immobel et BPI du projet immobilier Key West au bassin de Biestebroeck reviennent à la charge après que leur permis d’environnement a été annulé en 2021. Le "nouveau" projet reste inchangé par rapport au précédent, il est toujours aussi massif et spéculatif : 524 logements privés, dont une partie dans une tour de 24 étages (84 m de haut). L’enquête publique se termine aujourd’hui. Habitant·es et associations iront à la commission de concertation le 30 mars pour faire part de leurs nombreuses critiques. Ils voulaient également interpeller le conseil communal d’Anderlecht qui se tenait à la même date mais leur demande a été reportée sine die... 

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Le bourgmestre d’Anderlecht avait déjà été interpellé au sujet du projet il y a moins d’un an, en juin 2022. Face aux craintes de gentrification et d’augmentation du prix des loyers, il opposait le nombre important de logements sociaux à Anderlecht. En réalité, les quartiers populaires de Cureghem et Aumale-Wayez à proximité de Key West ne comptent que 4 % de logements sociaux. Le Plan canal initial de 2014 prévoyait, pour compenser ce déficit, de construire 30 % de logements publics dans le périmètre. Rien de tel ici, Key West, malgré ses 524 logements, ne contient pas le moindre logement social. 

Le bourgmestre niait également le risque de gentrification alors que le bureau d’étude en charge d’analyser l’impact du projet reconnaît que : «  la mixité sociale limitée en situation prévisible au sein du projet, du fait d’une typologie de logements homogène (acquisitif, peu de diversité dans la taille des logements, …) ne va pas dans le sens des ambitions du Plan régional de développement durable (...) L’attractivité renforcée pourrait se traduire par une augmentation des prix de vente et des prix de loyers, induisant une évolution du profil social et économique de la population (...) Si ces évolutions devaient se confirmer, ils pourraient induire un phénomène de « gentrification » qui présente alors également des effets pervers dans le sens où l’évolution sociale et économique du quartier se ferait en grande partie au détriment de la population existante, qui n’aurait pas les moyens de rester dans le quartier du fait notamment d’une augmentation des prix des loyers. » (Etude d’incidences, p. 339). Le nom donné au projet ne laisse planer aucun doute sur l’intention de ses concepteurs : Key West est le nom d’une ville portuaire pour croisiéristes en Floride. Tout un symbole d’un îlot de richesse !

Jusqu’à présent, commune et Région se sont félicités de ce projet en considérant que :

  • il « s’insère dans son contexte de façon naturelle » alors qu’il quadruple la densité du site ;
  • il « rencontre les préoccupations de la mobilité » alors que le rapport d’incidences prévoit une congestion importante de voiries dont certaines sont déjà à la limite de la saturation ;
  • qu’il « rencontre les préoccupations liées à la revitalisation des friches urbaines » alors que
    le terrain accueillait trois entreprises encore en activités chassées par le projet et aura du mal à attirer de nouvelles entreprises dans un bâti résidentiel aussi dense ;
  • il « rencontre les préoccupations d’une écologie urbaine » alors que le site sera
    imperméabilisé à 91%.

Commune et Région se félicitent aussi de la mixité fonctionnelle du projet alors qu’il ne prévoit que 5,6 % d’activités productives dans une zone d’entreprises en milieu urbain (ZEMU) et que le nombre d’infrastructures publiques, telles que les crèches ou les écoles, sont largement insuffisants eu égard à l’arrivée de 15 000 nouveaux habitants annoncés dans et autour du projet (soit plus de 10% de toute la population anderlechtoise qui s’installerait à Biestebroek dans les années à venir). L’étude d’incidences s’inquiète à cet égard de l’accroissement de la pression sur le maillage d’équipements existant dans les quartiers environnants. 

Dans le cadre d’un projet similaire, le projet Dockside à Sainctelette (une tour de 13 étages avec 124 logements le long du canal), la commune de Molenbeek s’est rangée du côté de ses habitants pour contrer le projet, le trouvant trop dense et trop haut par rapport aux gabarits environnants et disposant de logements inadéquats. Les Collèges régionaux de l’urbanisme et l’environnement lui ont donné raison. Le projet Key West présente les mêmes défaillances. A moins de 2 km de là, dans le quartier Midi, la Région s’engage à imposer 25 % de logements sociaux dans les projets privés. Associations et habitants espèrent ne pas devoir passer par un énième recours juridique pour se faire entendre par la Commune d’Anderlecht et la Région et leur demandent de mettre fin au gaspillage du foncier bruxellois au seul bénéfice des promoteurs et des investisseurs. 

par Claire Scohier

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