A qui profitent les politiques d’aide
à l’acquisition de logements à
Bruxelles ? Telle est la question
que s’est posée Alice Romainville [1]
dans une étude parue [2] dans la revue scientifique Brussels Studies. Elle y souligne les
effets sociaux désastreux qu’engendrent
les différents outils d’aide à l’acquisition
proposés par la Région (SDRB, les Contrats
de quartier, les primes à la rénovation, les
abattements fiscaux [3]
L’étude observe que la politique d’attractivité résidentielle développée par la Région
auprès de ménages à revenus moyens ou
supérieurs dans certains quartiers centraux
de Bruxelles et de la première couronne
provoque des migrations de populations,
des hausses de loyers et des phénomènes
de gentrification. Seules des mesures de
régulation des loyers sur le marché privé
pourraient empêcher ces effets secondaires
mais jusqu’à présent aucune mesure allant
dans ce sens n’a été prise.
Dès le 23 février, la Commission du Logement et de la Rénovation Urbaine du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale
s’était saisie des conclusions soulevées
par Alice Romainville dans son étude. Mais
que faire de cette étude semblaient alors
se demander les parlementaires ? Lors
d’un second débat, le 12 mars dernier,
auquel Mme Romainville a été invitée, les
parlementaires ont exprimé leur désaccord avec les conclusions présentées par
l’étude. Défendant à tout prix le bien fondé
des politiques de revitalisation urbaine
menées par la Région et les communes,
les parlementaires présents ne cessaient
de répéter que la mixité sociale est une
priorité politique.
Le problème soulevé par cette étude ne
concerne pas tant la notion de revitalisation
urbaine que les effets pervers des outils
développés par la Région. Sujet manifestement délicat pour nos parlementaires. La
revitalisation urbaine permet selon eux de
rénover des quartiers dégradés. Comment
pourrait-elle être antisociale se demandait une parlementaire ? La revitalisation
urbaine est antisociale si elle est menée
pour attirer un certain type d’habitants
(aux revenus moyens ou supérieurs) et
si elle a pour effet l’expulsion d’autres
habitants (aux revenus plus faibles). Quant
à la notion de mixité sociale, il s’agit d’un
concept tellement inconsistant comme le
soulignait Alice Romainville, qu’il est facile
de lui faire dire n’importe quoi. Comment
peut-on parler de mixité sociale quand
il s’agit uniquement d’une mixité à sens
unique (injecter des riches dans les quartiers pauvres mais pas l’inverse). De toute
façon, comme le précise Alice Romainville,
la mixité sociale apparente n’est que temporaire puisque l’arrivée de ménages à
revenus plus élevés engendre une hausse
des loyers et provoque la migration des
habitants préexistants.
Quant à la régulation des loyers ? Certains
parlementaires se disent favorables mais le
débat se termine par un inévitable « c’est
une compétence fédérale, on ne peut rien
faire ! ». Il est pourtant temps de repenser
les politiques de revitalisation urbaine pour
qu’elles profitent à tous les Bruxellois et
pas uniquement aux classes les plus aisés.
De même, les aides à l’acquisition de logement devraient profiter aux habitants qui
en ont le plus besoin.
[1] Alice Romainville est actuellement assistante au département de géographie de l’ULB.
[2] Brussels Studies n°34, 25 janvier 2010.
[3] Seul le Fonds du logement permet à des ménages à plus faible revenu d’acquérir un bien. Toutefois, la hausse
des prix immobiliers n’est pas sans impact sur l’efficacité de cet outil puisque cela oblige les emprunteurs à
augmenter leur apport financier personnel.