Depuis l’entrée en vigueur des premières mesures de confinement, c’est la confusion qui règne au niveau des enquêtes publiques en Région bruxelloise.
Si le bruit a rapidement couru que les commissions de concertation (déjà annoncées) seraient reportées sine die, aucune consigne claire n’a été donnée par la Région bruxelloise en ce qui concerne la tenue des enquêtes publiques et leurs éventuelles suspensions ou annulations, laissant les communes gérer cette situation au petit bonheur la chance.
Brulocalis, l’association des ville et communes de Bruxelles, avait bien communiqué une première fois sur la question, semblant relayer un embryon de prise de position au niveau de la Région, mais ceci appelait une confirmation officielle, qui n’est pourtant jamais venue. Tant et si bien qu’Inter-Environnement Bruxelles (IEB) a été alertée par de nombreux·ses citoyen·ne·s offusqués de voir se poursuivre des enquêtes publiques alors que nous sommes toutes et tous, momentanément, mis dans la quasi incapacité de prendre connaissance de dossiers présentés à l’enquête publique.
IEB a donc tenté de faire le point rapidement, interpellant ce 20 mars 2020 chacune des communes bruxelloises ainsi que le Secrétaire d’État Pascal Smet, en charge de l’Urbanisme au niveau régional. Les résultats de nos interpellations illustrent une situation absurde et incompréhensible pour les citoyen·ne·s :
- à ce jour, plus d’une semaine après notre envoi, la Région n’a visiblement pas estimé utile de réserver suite à nos demandes d’éclaircissements. Toutes les enquêtes publiques continuent à être mises en ligne sur la plateforme régionale [1] : : de nouvelles enquêtes publiques ont été organisées / sont organisées, sans discontinuer, depuis la mise en place des mesures de confinement... On dénombre ainsi des dizaines d’enquêtes publiques mises en ligne depuis le 13 mars jusqu’à ce jour.
- au niveau communal, en l’absence de consigne claire donnée par la Région (aux dires des communes elles-mêmes), c’est le plus grand désordre qui règne :
- certaines communes (notamment Anderlecht, Schaerbeek, Auderghem, Forest, Watermael-Boitsfort, Uccle), proactives et apparemment conscientes des conséquences évidentes que les mesures de confinement emportent, nous ont fait savoir ou avaient déjà signalé sur leur site qu’elles avaient « suspendu » ou « annulé » la tenue des enquêtes publiques, situation qui durera jusqu’à nouvel ordre ;
- d’autres communes (notamment Bruxelles-Ville, Saint-Gilles et Berchem) nous ont fait savoir ou avaient déjà signalé sur leur site que les enquêtes publiques « seraient suspendues » ou que « les enquêtes publiques en cours se finalisent ». Si ceci laisse normalement entendre qu’aucune enquête publique nouvelle ne serait organisée tant que la situation ne serait pas revenue à la normale, nous avons toutefois constaté que de nouvelles enquêtes publiques sont lancées sans discontinuité : si on regarde la situation pour Bruxelles-Ville, qui fait partie des communes ayant annoncé sur son site que « les enquêtes publiques en cours se finalisent », la plateforme régionale renseigne de nouvelles enquêtes publiques le 16/03 (1), le 19/03 (10), le 23/03 (1), le 26/03 (4) et le 29/03 (1).
- les dernières ne nous ont pas répondu ;
- chez certaines de celles-ci, les services d’urbanisme sont fermés ;
- chez d’autres, les services d’urbanisme demeurent ouverts, sur rendez-vous.
- si les affiches rouges annonçant les enquêtes continuent parfois d’être placées dans l’espace public, elles sont invisibles pour la majorité des citoyens puisque le mot d’ordre officiel du confinement est de rester chez soi !
De nombreuses autorités (la Région, par son silence, ainsi que la plupart des communes, par les derniers actes posés) semblent considérer qu’aucun problème particulier ne pourrait entacher la validité des enquêtes publiques en cours étant entendu qu’une commission de concertation sera organisée ultérieurement ! Or il est évident que les principes d’accès à l’information ne sont pas pleinement garantis : les citoyen·ne·s ont peu de chances d’être courant du fait même d’une enquête annoncée dans un espace public devenu fantomatique ; elles/ils auront toutes les peines d’avoir accès aux dossiers dès lors que de nombreux services administratifs sont fermés et que pour nombre des enquêtes mises en ligne sur le site de la Région les documents ne sont pas disponibles.
Certaines autorités locales (les commune de Jette, Ixelles ou Saint-Josse par ex.) semblent maintenir la tenue des enquêtes publiques, faisant notamment savoir sur leur site que les services d’urbanisme demeuraient accessibles, sur rendez-vous, semblant par-là sous-entendre que toutes les conditions sont réunies pour permettre aux citoyens de prendre connaissance, normalement, des dossiers soumis à enquête publique.
Est-il vraiment besoin de rappeler qu’il est exclu par le Gouvernement fédéral de se déplacer pour prendre connaissance d’un dossier à la maison communale ? Dès lors que le Gouvernement fédéral et le Conseil National de Sécurité invitent les citoyen·ne·s à faire œuvre utile en pensant, avant toute autre chose, à rester à la maison pour sauver des vies, les seules mesures tenables, selon nous, consistent à suspendre et reporter le dispositif de publicité-concertation.
Personne ne sortira gagnant du processus biaisé d’enquête publique tel que mené en ce moment :
- ni les citoyen·ne·s, qui voient leurs droits allègrement bafoués par les autorités ;
- ni les travailleur·euse·s des administrations qui doivent gérer un flou malsain et risquent de se retrouver face à un embouteillage ingérable de commissions de concertation après les mesures de confinement ;
- ni les autorités, qui voient leur crédibilité gravement écornée, s’exposant non seulement à une perte de confiance au sein de la population (déjà ébranlée par la procédure des PAD [2] ) mais aussi à voir l’action publique ridiculisée et sujette à recours auprès du Conseil d’Etat, pour cause de manquements flagrants aux dispositions légales en matière urbanistique et
environnementale ; - ni les développeurs ou les petits propriétaires, qui verraient les permis délivrés ainsi annulés et seraient en conséquence contraints de supporter des pertes de temps (et d’argent ?) supplémentaires dues à la négligence des autorités et au besoin de réintroduire de nouvelles demandes de permis...
Pour ces raisons, nous demandons instamment aux autorités bruxelloises (régionales et locales) de prendre les mesures nécessaires pour garantir aux citoyen·ne·s le respect plein et entier du droit d’accès à l’information en matière urbanistique et environnementale et des procédures de publicité-concertation instituées.
Pour des questions élémentaires de respect du droit d’accès à l’information et de respect des processus de publicité et concertation organisés légalement, IEB demande de régler le sort des enquêtes publiques en cours ou démarrées après l’adoption des mesures de confinement comme suit :
- pour les enquêtes publiques se finalisant au plus tard le 13/03/2020 (1er jour d’application des mesures de distanciation sociale ou de confinement [3]) : seule la commission de concertation devra être organisée ultérieurement ;
- pour les enquêtes publiques dont le délai est à cheval sur cette date (quel que soit le nombre de jours antérieurs / postérieurs à cette date) : annulation de l’enquête publique, de manière à ce que les délais de l’enquête publique à organiser ultérieurement soient conformes aux délais habituels [4] ;
- rééchelonner toutes les enquêtes publiques ultérieures au 13/03/2020 en les organisant après la fin de la période de confinement et en évitant un goulet d’étranglement nuisible à la démocratie urbaine et à la qualité du travail des administrations.