L’extension du métro vers le nord, qui implique la construction d’un tunnel de 5 km et de 7 nouvelles stations, revient à l’enquête publique. Suite aux nombreuses remarques et avis formulés en mars 2022, des plans modifiés sont présentés à la population. Des modifications qui concernent essentiellement les abords des stations et n’affectent pas le projet dans son principe. Si ces plans modifiés sont en ligne depuis la mi-décembre, l’enquête publique débute formellement cette semaine et se tiendra jusque le 13 février. Cette nouvelle demande de permis intervient alors qu’on ne sait toujours pas comment la Région compte financer l’extension et que la mauvaise santé financière de la Région a permis au gouvernement de justifier d’importantes coupes budgétaires pour l’année 2024.
Lors d’une soirée-débat organisée par le Bral mi-novembre, le ministre des Finances (Sven Gatz, Open-VLD) affirmait que plusieurs pistes de financement étaient à l’étude. La première consistait à réduire le nombre de stations entre la gare du Nord et Bordet – alors que le remplacement du tram 55 (14 arrêts) par le futur métro 3 (7 stations, a priori) réduit déjà fortement l’accessibilité au transport public à Schaerbeek et Evere. On devine aujourd’hui cette piste abandonnée vu que la nouvelle enquête publique se base sur une desserte inchangée de 7 stations. Reste donc deux options, d’une part celle d’affecter au métro les recettes (floues) d’une future taxe kilométrique intelligente (Smart Move), réforme fiscale mise au frigo depuis des années faute d’accord politique. De l’autre, celle de « déconsolider » la dette induite par le projet de métro, c’est-à-dire d’exclure les investissements des comptes régionaux. Ce qui revient à paver la voie à un partenariat public-privé (PPP) : pour pouvoir exclure des dépenses des comptes publics, les règles européennes disposent que le risque financier doit être essentiellement porté par le secteur privé, ce que permettent les PPP [1]. Le métro 3 rejoindra-t-il la liste de ces montages financiers ayant fait leurs preuves pour accoucher de projets mal conçus (tunnel ferroviaire Diabolo, Maxi Prison de Haren, Villo !,…) aux coûts exorbitants pour la collectivité ?
Dans son avis du 4 janvier 2023, la Commission royale des monuments et des sites s’est prononcée sur plusieurs points stratégiques concernant le dossier du métro 3 Nord. Pour rappel, l’avis de la CRMS est sollicité par la demanderesse car le tracé et les aménagements de surface du métro 3 sont compris (ou à proximité) de plusieurs zones protégées, biens classés, arbres remarquables ou biens inscrits à l’inventaire.
La commission alerte sur « les interventions prévues sous l’hôtel communal de Schaerbeek, et rappelle que les craintes qu’elle avait formulées au sujet du Palais du Midi au moment de la demande de permis étaient particulièrement fondées »… La CRMS va même un pas plus loin et demande au fonctionnaire délégué de réorienter la procédure vers une demande de permis unique pour la station Colignon et la portion du tunnel qui passe sous l’hôtel communal, qui est un bien classé.
La CRMS réitère par ailleurs ses remarques concernant les stations Liedts, les interventions asymétriques prévues sur le Square Riga avec notamment l’abatage d’arbres remarquables/inscrits à l’inventaire et la sortie de la station Verboekhoeven prévue en rez de chaussée de maison sur le boulevard Lambermont. La CRMS pointe enfin plusieurs incohérences dans les plans et les visuels 3D ainsi que la méthodologie de la remise en "pristin état +", soit une copie bâclée pour des projets d’aménagements en surface des stations unifiés mais se bornant au strict minimum.