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Des coupures-pub dans les films à la RTBF ?

Le gouvernement de la Communauté Wallonie-Bruxelles semble vouloir concrétiser les nouveaux souhaits du monde publicitaire et de la direction de la RTBF. La plateforme VAP qui réunit de nombreux interlocuteurs du secteur associatif, dont IEB, réagit dans une carte blanche publiée dans la Libre le 26 novembre 2009.

Une pétition a aussi été lancée à l’attention du Parlement de la Communauté Wallonie-Bruxelles contre l’augmentation de la pub à la RTBF. Signez vite : http://5712.lapetition.be/.

Le gouvernement semble vouloir concrétiser les nouveaux souhaits du monde publicitaire et de la direction de la RTBF. Une décision gouvernementale ne suffit pas. Le Parlement doit aussi se positionner.

Dans la foulée de la confection du budget 2010 de la Communauté française, les médias se sont faits l’écho d’une série de modifications importantes dans la programmation de la RTBF. Ainsi, la publicité pour les « médicaments de comptoir » (qui ne nécessitent pas de prescription médicale) et l’interruption des films par une coupure publicitaire devraient faire leur apparition sur les chaînes du service public.

Pour permettre à la RTBF d’interrompre jusqu’à deux fois sa diffusion de films par des spots de publicité, une décision gouvernementale ne suffit pas. Complémentairement, il revient aux parlementaires (et donc, aussi à l’opposition) de se positionner dans un débat public par rapport à l’abrogation d’une partie du décret SMA[1] : « [ ] dans les services édités par la RTBF et par les télévisions locales, la publicité et l’autopromotion ne peuvent interrompre ni une œuvre de fiction cinématographique, ni une œuvre dont l’auteur veut conserver l’intégrité, ni une séquence d’un programme [2]  » .

Si elle devait s’appliquer à la RTBF, cette coupure des films va sans doute encore réduire son audience car elle n’attirera certes pas de nouveaux téléspectateurs[3] mais elle lui fera vraisemblablement perdre une partie importante de son public naturel qui est déjà déçu de l’évolution actuelle de ses programmes. Il préférera découvrir les films en louant des DVD ou en les téléchargeant sur Internet. Financièrement, cette évolution pourrait donc même être contre-productive car elle pourrait contraindre la RTBF à réviser à la baisse sa tarification pour ses annonceurs.

La Communauté française rame aveuglément à contre-courant de la tendance lourde qui consiste, dans les pays voisins, à réduire la présence publicitaire dans le service public. En 2010, il n’y aura plus de publicité commerciale sur les chaînes publiques en Espagne. Et ce sera également le cas pour France Télévisions dès 2012. Au contraire, chez nous, on charge de plus en plus la barque.

Le gouvernement précédent et sa majorité PS-CDH ont permis à la RTBF d’utiliser de nouvelles formes publicitaires telles que l’ « écran partagé » (une même image propose simultanément la publicité et un élément informatif comme le déroulement de manière quasi illisible du générique de fin d’un film) et le « placement de produit » (la présence de marques dans les émissions elles-mêmes). Ce dernier qui va apparaître tout prochainement sur nos écrans n’est même pas interdit à l’ensemble des émissions d’information, uniquement aux « journaux télévisés » !

Et dès le 1er janvier 2010, la part possible de rentrées publicitaires pour financer le budget du service public passera de 25% à 30%.

Il y a enfin le manque de régulation sur Internet qui peut mener à bien des dérives et voilà la RTBF déjà réprimandée par la ministre Fadila Laanan pour avoir fait la promotion sur son site de paris sportifs en ligne ! De là à s’interroger sur l’intérêt pour la RTBF de rapatrier une partie de ses émissions pour les enfants vers le portail qu’elle se prépare à consacrer à la jeunesse sur Internet, il n’y a qu’un pas. Cette stratégie pourrait, en effet, lui permettre de limiter l’application de la règle des cinq minutes (interdiction de diffuser de la publicité et du sponsoring autour des programmes pour les moins de 12 ans) qui ne concerne actuellement que ses émissions de radio et de télévision.

La nouvelle majorité PS-CDH-Ecolo semble donc pratiquer la surenchère dans le développement de la présence publicitaire du service public, trahissant du même coup l’esprit de sa déclaration gouvernementale, l’encre de celle-ci n’étant même pas encore séchée.

Suite au mémorandum adressé à tous les partis politiques avant les élections par VAP !, la plateforme qui réunit de nombreux interlocuteurs du secteur associatif, le nouveau gouvernement de la Communauté française s’est engagé dans son programme à réaliser une « étude objective et scientifique relative au financement de la RTBF et à la recherche de financements alternatifs à la publicité et au sponsoring, sans affaiblir l’offre de service public, et en garantissant la stabilité et la pérennité du financement de cet opérateur » .

Avant même d’entreprendre cette étude et donc de disposer de ses résultats, le gouvernement semble vouloir concrétiser les nouveaux souhaits du monde publicitaire et de la direction de la RTBF aux abois. Le gouvernement agit, puis réfléchit ?

Cette attitude engage et fragilise l’avenir de notre public audiovisuel. Plus la présence publicitaire sera prégnante, et plus la RTBF cherchera à ressembler à RTL-TVI. La différence des conditions restrictives à l’usage publicitaire va se restreindre de plus en plus entre notre diffuseur public et les chaînes privées captables en Communauté française, ce qui permettra bien vite à ces dernières, et à juste titre, de déposer plainte auprès des instances européennes pour concurrence déloyale.

Si, comme annoncé, une troisième chaîne voit le jour sans publicité (et sans sponsoring ?) et que celle-ci rassemble la majorité des demandes de type « service public » pour les grandes minorités (enfants, sourds et malentendants, culturels, amateurs de VO, etc.), on peut craindre que La une et La deux, aux heures de grande écoute, se commercialisent à tel point qu’elles n’auront plus comme avenir que la privatisation.

Pour justifier l’option gouvernementale, certains vont sans doute argumenter en rappelant la crise économique que nous traversons. Celle-ci a bon dos, d’autant plus qu’elle était déjà bien là quand la nouvelle majorité a choisi et verbalisé ses priorités. Des alternatives existent pourtant. Plutôt que d’ouvrir davantage les portes de la RTBF aux annonceurs, d’autres économies peuvent être proposées. Par exemple, supprimer des émissions qui ne répondent à aucune mission du service public. Elles sont généralement onéreuses à produire et sont diffusées pour attirer des publics-cibles qui intéressent particulièrement les publicitaires. Entre les bénéfices qui se dégageraient de la suppression de la diffusion par la RTBF de la Formule 1 (que le public peut suivre de toute façon sur TF1), et les rentrées des coupures publicitaires dans les films, pour beaucoup, le choix serait évident. Si les dés ne sont pas pipés, c’est pareil débat public qu’on est en droit d’attendre de l’Olivier et de l’opposition au Parlement de la Communauté française.

La plateforme VAP ! est composée notamment de : Conseil de la jeunesse d’expression française, Consoloisirs.be, Culture et développement, Equipes populaires, Inter-Environnement, Respire, Appel pour une école démocratique, Infor-Drogues, Mouvement de femmes, le Grappe, le Réseau de consommateurs responsables, le Réseau idée, Univers-Santé, etc.

Infos : www.vigilanceactionpub.org, www.lalibre.be.



[1] Il s’agit du décret qui transpose en Communauté française la directive européenne sur les Services de médias audiovisuels.
[2] L’autre proposition gouvernementale, permettre la publicité pour les médicaments de comptoir (sans prescription), ne doit par être votée par le Parlement car elle n’est pas mentionnée dans le décret SMA. Pour l’imposer, il suffit donc au gouvernement de prévoir un avenant au contrat de gestion actuel de la RTBF.
[3] Plusieurs enquêtes tendent à démontrer que les usagers du petit écran sont de plus en plus rétifs à la publicité télévisée.