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Dernière manifestation sur les marches de la Bourse

Le Kunstenfestivaldesarts s’est ouvert le vendredi 8 mai en début de soirée sur les marches de la Bourse de Bruxelles par une performance de l’artiste Anna Rispoli.

En tant que membre de la Platform Pentagone, IEB s’est jointe au rassemblement d’un certain nombre de groupes (anti-nucléaires, sans-papiers, Palestine, Indignés…) qui avaient manifesté un jour en ce lieu emblématique de l’expression démocratique populaire.

La Platform Pentagone a clôturé cette performance par une brève présentation des revendications relatives au nouveau dispositif événementiel proposé par la Ville de Bruxelles pour les boulevards centraux, ainsi que par la lecture d’un texte écrit pour l’occasion par Patrick Wouters.

 

Reclaim the steps

Je me trouve ici à parler dans un endroit potentiellement interdit. Je me trouve sur les escaliers de l’ancien Palais de la Bourse.

Un bâtiment que nous avons eu fini de payer en 1934 (sa construction a été financée par un emprunt de 66 ans). L’endroit nous appartient, à nous tous.
Pourtant ce bâtiment public a commencé à être privatisé au profit de grands événements. On a d’abord placé des grilles entre les colonnes pour empêcher le peuple d’approcher de trop près le bâtiment. Et bien sûr, les réunions publiques tenues sur ces escaliers dérangent les privatiseurs. Donc, ils veulent maintenant privatiser les escaliers.

Depuis que la Bourse a perdu sa fonction, son horloge s’est arrêtée. Regardez là-haut. C’est une horloge mécanique très précise, sur laquelle on pouvait régler sa montre. Une horloge entretenue annuellement par un artisan. C’était un petit service que nous rendait la Ville de Bruxelles. Un service public, un service gratuit pour tous.

Et savez-vous qu’ici devant passaient 31 lignes de tram, 31 !

Vous ne me croyez pas ? Il y avait le 4, le 5, le 6, le 17, le 18, le 23, le 24, le 25, le 26, le 27, le 28, le 31, le 34, le 37, le 48, le 49, le 52, le 53, le 56, le 59, le 60, le 63, le 76, le 81, le 85, le 87, le 88, le 89, le 90, le 91 et le 98.

Et en plus le 9 et le 46 s’arrêtaient au bout de la rue Orts, à 200 mètres.

C’était en 1957. Il y avait encore des petits trams partout, tout le temps.

C’était avant que l’Expo 58 livre la ville à l’automobile, c’était avant qu’on enterre les tramways accusés de causer des embouteillages.

Jusqu’à la fin des années 1970, le bâtiment offrait aussi au rez-de-chaussée de la rue Henri Maus des toilettes publiques bien tenues.

Il y avait encore un bureau de poste, et des cabines téléphoniques confortables. Maintenant Bpost et Belgacom sont cotées en bourse... Un jour quelqu’un a écrit en haut des escaliers, sur la dernière colonne de droite : « La VIE, pas la Bourse ! »

En privatisant les marches de la Bourse, on veut nous priver d’un espace public très symbolique. Plus que ça : d’une mémoire. C’est ici que s’est exprimée la colère des militants chaque fois qu’un gouvernement a spolié le peuple au profit des puissants.
Et je les entends déjà, ceux qui disent : « Il faut vivre avec son temps ! La bourse s’est dématérialisée. Bientôt les escaliers aussi ; c’est sur Facebook qu’on conteste aujourd’hui, c’est le progrès, quoi... »

Quand on te parle de Progrès, demande toujours : « Le progrès de quoi ? »

Celui de la marchandisation, ou celui de la gratuité ?
Celui de la mobilité, ou celui de l’accessibilité ?
Celui du contrôle, ou celui de l’autogestion ?
Celui de la concurrence, ou celui de la solidarité ?
Celui de l’étouffement, ou celui de la respiration ?
Le progrès de la barbarie, ou celui de la civilisation ?

Patrick WOUTERS
7 mai 2015