Bruxelles, on le sait est une ville tertiaire. L’activité productive y est considérée comme mourante. Pourtant le tout premier rapport de l’Observatoire des activités productives de la Région bat sérieusement en brèche cette affirmation.
Le Rapport [1] dresse la photographie de l’évolution des activités productives [2] à Bruxelles de 1997 à 2011. En 1997, on recensait 5 722 412 m² de bâtiments consacrés à l’activité productive. En 2011, ce chiffre chute à 4 730 000 m², soit une perte nette de 1 000 000 m² en 15 ans dont 800 000 m² rien que dans la zone centrale du canal [3].
C’est dans le Pentagone, les communes de Molenbeek et d’Anderlecht que les pertes sont les plus conséquentes. Cette disparition s’explique essentiellement par la reconversion de ces superficies en d’autres fonctions : logements (45% des reconversions), bureaux (23%), des équipements (écoles, crèches, lieux de culte, 17%). Le rapport met en exergue que ces conversions s’opèrent pour l’essentiel dans les zones mixtes et de forte mixité (59%) et beaucoup plus rarement en zone d’industrie urbaine (ZIU) où seuls 7% ont été reconvertis. Cette différence s’explique par le fait que le PRAS est très strict sur les affectations autorisées dans ces zones. Le logement et le bureau n’y sont autorisés que comme affectation connexe à de l’activité productive ou logistique. Mais le projet de PRAS démographique vise à chambouler cet équilibre en transformant de nombreuses ZIU en ZEMU (zones d’entreprises en milieu urbain) lesquelles autoriseraient selon certains quotas les affectations en logements, commerces, bureaux et équipements. Or le rapport de l’Observatoire nous informe que dès que d’autres usages sont tolérés, l’activité productive devient rapidement la fonction faible qui s’amenuise jusqu’à disparaître. Au vu de ce résultat, transformer les ZIU en ZEMU aura pour conséquence inévitable de s’attaquer aux dernières zones refuge de l’activité productive à Bruxelles.
Malgré ce risque, la Région justifie néanmoins cette conversion par le fait que les ZIU seraient largement sous-utilisées et comporteraient 700 000 m² de surfaces vides qui pourraient dès lors être récupérées pour d’autres affectations. Là encore le rapport permet de formuler une objection. Certes, il y a bien 700 000 m² de surfaces vides sur les 4 700 000 affectées aux activités productives, soit une vacance de 15%. Mais sur ces 700 000 m², seuls 223 000 m² sont commercialisables (soit 5% du total) et 8% connaissent un abandon prolongé. Entre les deux, il s’agit de superficies qui se sont vidées récemment ou pour lesquelles un projet officiel ou officieux est en cours. Nombre d’entre eux doivent être dépollués ce qui explique la lenteur du processus de réactivation. Sans compter que la réoccupation d’un immeuble industriel exige souvent plus de temps que celle d’un immeuble administratif. La vacance ne s’explique donc pas ici, à l’instar de ce qui se passe pour le bureau, par un tassement du marché.
Bien au contraire, le marché bruxellois pour le semi-industriel se porte bien. Sur l’année 2010-2011, la SDRB a enregistré 275 demandes pour un total de 698 000 m². Ces demandes viennent à concurrence de 72% de la Région bruxelloise, 14% de la proche périphérie, 10% de la Flandre et de la Wallonie, 4% de l’étranger. Or la SDRB peine de plus en plus à satisfaire cette demande. 83% de son offre se trouve en ZIU. L’immobilier tourné vers les activités productives enregistre un meilleur pourcentage de prise en occupation que celui des bureaux.
L’activité productive reste dynamique. Mais si l’on n’y prête garde, elle finira par effectivement déserter Bruxelles.
[1] AATL, Observatoire des activités productives. Évolution 1997-2011, n°1, février 2012.
[2] Le Rapport utilise comme méthodologie le recensement des m² consacrés à l’activité productive, pour autant qu’ils fassent partie d’un bâtiment de plus de 10 000 m², qu’il s’agisse d’ateliers ou d’entrepôts. Les dépôts à ciel ouvert et les superficies des bureaux accessoires n’ont pas été pris en considération. Les secteurs les plus importants sont ceux de la fabrication métallique (51%), la transformation alimentaire (12%), éditions/imprimeries (11%), suivent : la transformation du bois, l’industrie chimique,... le textile et la confection ne représentent presque plus rien. Il faut y ajouter la catégorie « réseaux » qui regroupe les stations d’épuration, le recyclage, les télécoms, les entrepôts STIB et SNCB.
[3] Les 842 958 m² convertis se répartissent comme suit : 373 337 en logements, 212 752 en bureaux, 87 527 en commerces.