Le quartier des abattoirs par son caractère industriel, sa proximité du centre-ville et de la gare du Midi offre à chacun la proximité d’un emploi et une terre d’accueil pour les nouveaux arrivants grâce aux logements laissés libres à la suite de la suburbanisation des années soixante. Jusqu’aux années quatre-vingt, s’y côtoyaient essentiellement des Italiens, Espagnols, Grecs, Marocains et Turcs, témoins des différentes phases d’immigration encouragée par la Belgique. S’y ajoutent aujourd’hui des immigrés venus d’Afrique, d’Asie et d’Europe de l’Est. C’est dans ces quartiers bon marché qu’ils trouvent de quoi se loger et des opportunités de vendre leur force de travail pour un salaire inférieur aux normes du marché.
Certes la délocalisation d’entreprises à la périphérie de Bruxelles a diminué le nombre d’emplois disponibles dans ces quartiers mais a néanmoins laissé la place au développement d’autres entreprises dans des secteurs tels que la construction, l’entretien et le nettoyage, le transport, la confection ou l’alimentation. Ces entreprises travaillent souvent en sous-traitance et sont à la recherche d’une main-d’œuvre faiblement qualifiée, encourageant ainsi une économie de proximité où le travail au noir n’est pas absent (Kesteloot et Meert, 1993). Le tertiaire, avec ses services aux entreprises et plus particulièrement le nettoyage, représente une part importante d’emplois (légaux et illégaux) accessibles. Il n’y a pas moins de 19 entreprises de nettoyage à Cureghem.
Trois secteurs sont actifs et remplissent une fonction qui dépasse de loin les limites du quartier : il y a le secteur de la viande autour des abattoirs et les marchés du samedi et du dimanche, le textile concentré dans le quartier du Triangle avec ses ateliers de confection (et le travail à domicile), et le secteur du commerce de voitures de seconde main à la Rosée et le long de la rue Heyvaert. En 1995, les sources officielles chiffraient à 2 166 le nombre d’emplois dans les entreprises, bureaux et commerces localisés à Cureghem, les secteurs du textile (415) et des voitures (189) représentent 28% des emplois disponibles (P. Mistiaen, Ch. Kesteloot, Polarisation socio-spatiale et stratégies de survie dans deux quartiers bruxellois, 1995).
Contrairement à la plupart des quartiers défavorisés des villes européennes, le croissant pauvre bruxellois a l’avantage d’une localisation centrale, engendrant des potentialités dans la sphère de l’échange. L’accessibilité permet d’atteindre une large clientèle, tandis que les fortes densités de population des quartiers pauvres, concentrant des demandes ethniques précises, donnent quelques chances à l’entreprenariat ethnique, aux pépinières d’entreprises visant l’industrie légère urbaine et certains services urbains (Ch. Kesteloot, La dimension spatiale de la dualisation dans la société, 1997).
On constatera toutefois que les grandes entreprises situées aux alentours des abattoirs (Renault, Leonidas, Philips, SNCB, Belgacom,…) offrent principalement des emplois hautement qualifiés et inadéquats par rapport au niveau de qualification des habitants du quartier. Plus d’un cinquième de la population ne possède qu’un diplôme de l’enseignement primaire et trouve donc essentiellement des débouchés dans le secteur de la construction, de la réparation de biens et des véhicules.