La Charte fournit les balises de l’engagement d’Inter-Environnement Bruxelles en tant que fédération de comités de quartiers, d’associations, de collectifs et d’habitant·e·s. Elle pose des constats, des principes, des thématiques et des terrains d’actions. Elle servira de guide à l’action d’IEB pour les années à venir. Cette charte a été adoptée par l’Assemblée générale du 7 juin 2022.
Inter-Environnement Bruxelles (IEB) est née dans le contexte combatif des années 1970, du regroupement de comités d’habitant·e·s décidé·e·s à résister ensemble aux transformations de Bruxelles en une ville fonctionnelle, dédiée à la voiture et aux bureaux, et oublieuse de ceux et celles qui y habitent et de leur environnement. Ces transformations étaient à l’époque le fait d’un urbanisme "clandestin", opéré en dehors du cadre réglementaire fédéral existant - on se situe en effet avant la création, en 1989, de la Région de Bruxelles-Capitale.
Depuis les années 2000, IEB fait face à la métropolisation de la ville. Cette métropolisation s’exprime au travers de grands projets urbains, qui écrasent l’habitant·e, la biodiversité, la démocratie locale et réduisent la question sociale à un problème de qualité des aménagements urbains. Le phénomène d’attractivité urbaine combiné à un manque de maîtrise du foncier met en concurrence les habitant·e·s et les fonctions urbaines sur un territoire où les inégalités sociales déjà présentes ne cessent de croître. Dans ce contexte, IEB se prononce, d’une part, en faveur du maintien et de l’amélioration de l’existant plutôt que d’un développement urbain fondé dans une logique de démolition-reconstruction et, d’autre part, en faveur de la création d’équipements, de logements, d’espaces publics, d’espaces verts de fait, de la préservation des sols vivants et d’aménités qui répondent aux besoins identifiés de ceux et celles qui habitent Bruxelles plutôt qu’aux intérêts spéculatifs et financiers des promoteurs immobiliers.
IEB se compose principalement de comités de quartiers, d’associations et de collectifs, qui se donnent pour objectif de défendre une ville démocratique et solidaire. La fédération se pense à la fois comme un relais de la base vers les pouvoirs politiques et acteurs institutionnels et comme un médiateur entre les citoyen·ne·s et les politiques, mais aussi comme une force critique cherchant à exercer une pression constante sur les décideurs pour qu’ils développent un projet de ville respectueuse des valeurs d’usage du territoire.
Ancrée dans les principes de l’éducation permanente, IEB pense et agit à la fois comme une force collective de réflexion, d’information, d’expérimentation, de proposition et de contestation dans une volonté de débat et de délibération entre ses membres et avec la société, mais aussi d’analyse critique, d’évaluation, d’échange de savoirs, de mise en mouvement et en réseau, de création d’alliances avec d’autres acteurs sociaux. L’action d’IEB s’inscrit dans une perspective de transformation sociale selon les principes de solidarité, d’émancipation sociale et de démocratie urbaine. De manière transversale, IEB porte attention au développement d’une ville inclusive, c’est-à-dire une ville qui prend en compte les particularités de classe, de genre, d’origine culturelle, d’âge ou de handicap.
Dans son travail, IEB vise à adopter une posture de contre-pouvoir connectée aux terrains plutôt que celle d’un expert tourné vers les pouvoirs publics. IEB s’efforce ainsi de jouer le jeu démocratique par un rôle de contradicteur qui met à jour la diversité des opinions pour aller au-delà de la façade participative. À cette fin, IEB tente de dépasser l’effet sélectif des procédures participatives en tissant un large réseau avec les associations de première ligne dans les quartiers populaires, dont le public est moins représenté par les comités de quartier.
Tout aussi soucieux de sa démocratie interne, IEB travaille, depuis 2011, à une plus grande transversalité et horizontalité de sa structure et à une culture de la décision collective et du dissensus. C’est ainsi que, depuis 2014, IEB ne dispose plus d’un·e secrétaire général·e, mais s’est dotée d’une coordination tournante issue de l’équipe des travailleurs/travailleuses et d’une co-présidence de l’organe d’administration. Cette nouvelle manière de procéder permet d’opérer un travail d’ajustement permanent, de transmission et de partage des savoirs et des responsabilités.
Comme le rappelle le préambule, IEB est née dans le contexte combatif des années 1970 du regroupement de comités de personnes décidées à résister ensemble aux transformations de Bruxelles vers une ville fonctionnelle, dédiée à la voiture et aux bureaux, et oublieuse de ses habitant·e·s et de leur environnement.
S’inscrivant dans cet héritage, IEB soutient l’engagement à s’impliquer dans les politiques urbaines, à revendiquer d’y prendre part, à y faire entendre et comprendre leur regard critique. Elle soutient leur participation aux politiques de la ville, que ce soit à travers les procédures prévues par les pouvoirs publics ou dans des formes d’organisation moins reconnues ou légitimées : associations, collectifs, groupes ou comités…
Les procédures de participation institutionnalisées doivent faire l’objet d’une veille constante, pour qu’elles ne deviennent pas une simple chambre d’entérinement des politiques publiques. Or, nous constatons que les avis des commissions de concertation ou des organes d’avis sont de plus en plus minimisés par les autorités délivrantes. Pourtant, les habitant·e·s sont directement concerné·e·s et affecté·e·s par les aménagements et politiques urbaines. Doté·e·s d’une expérience fine du terrain où ces transformations s’appliquent, les habitante·s qui expérimentent la ville au quotidien sont plus les plus à même d’apporter un regard critique, un point de vue incarné sur les aménagements qui affectent le territoire qu’ils et elles vivent.
À travers un constant aller-retour, IEB s’appuie ainsi sur le savoir et les expériences de terrain et le nourrit de sa longue expérience de recherche, d’étude et d’analyse.
Nous revendiquons le droit à une vision de la ville largement débattue en amont dont doivent découler les outils d’aménagement du territoire, eux aussi, largement être discutés Les débats, procédures, législations, décisions, documents doivent être d’accès libre et gratuit ; ils s’inscriront dans les modalités, les temporalités et les réalités propres à un engagement d’habitant·e·s. Ces dernier·e·s ont le droit d’évaluer et de contrôler les développements urbains, les politiques publiques qui dessinent la ville. Pour ce faire, il est notamment indispensable d’assurer leur publicité. Pour y parvenir, il est indispensable de maintenir une pluralité d’accès, de conserver les guichets d’information et d’accueil. Miser sur le tout au numérique risque d’exclure les personnes non outillées et d’entrainer une dépendance notamment financière aux outils et logiciels numériques.
IEB défend le droit à la ville comme vecteur de renforcement d’un urbanisme démocratique au bénéfice de la collectivité et non de quelques acteurs particuliers. Il s’agit de construire la ville en donnant le primat à la valeur d’usage des éléments qui la composent sur leur valeur marchande. La primauté de cette dernière arrive lorsqu’un territoire ou un bien n’est plus perçu que par la rente et donc la plus-value économique qu’il peut créer sans avoir égard aux usages précieux qu’il peut fournir aux habitant·e·s, aux travailleurs/travailleuses et à l’ensemble du vivant.
Le droit à la ville sous-tend le droit à rester en centre-ville comme ancrage permettant l’accès aux services de la ville, à des emplois, au logement, à la préservation des solidarités communautaires. IEB défend le concept de centralité populaire qui permet la résistance au quotidien des classes sociales les moins nanties grâce à des relations de réciprocité, des développements marchands qui mis bout à bout leur permettent la subsistance dans des conditions par ailleurs parfois difficiles.
IEB revendique également un accès non limité par les mécanismes de dominations de classe, d’assignations raciale ou culturelle, de genre ou de handicap.
IEB combat les politiques qui privilégient la construction spéculative d’un site plutôt que l’amélioration des conditions de vie au sein du territoire concerné. Elle s’oppose à un aménagement du territoire qui fait de la rente le critère de sélection de ce qui s’implante dans la ville. Elle défend la mise en place d’outils pour maîtrise publique du foncier et freiner la hausse de la rente (amélioration du droit de préemption, système de captation des plus-values, encadrement des loyers…) pour assurer la préservation des fonctions urbaines utiles à la ville et à ceux et celles qui y vivent : logements sociaux, crèches, écoles, espaces verts de fait ou de droit, espaces ouverts, espaces de production…
Le concept de justice environnementale vise à intégrer les dimensions sociales à la lutte pour la préservation de l’environnement, et ce, en prenant en compte les inégalités dans l’exposition aux risques environnementaux, tels que la pollution des sols, des eaux, de l’air, pollutions électromagnétiques ou sonores, l’accumulation de déchets, les conséquences du mal-logement, des inondations ou encore des îlots de chaleurs (urbains)……. Le concept vise également l’équité dans la conception et la mise en œuvre des politiques environnementales, au plan local et national.
La justice sociale et environnementale se pense également dans le paradigme du dérèglement climatique qui pèse davantage sur les populations précarisées. Puisque les inégalités environnementales et les inégalités sociales se renforcent mutuellement, IEB entend veiller à ce que les politiques publiques prennent en compte tant le contexte social que l’environnement dans lesquels vivent les individus (travail, résidence, loisirs…) dès lors que ceux-ci déterminent en partie les facteurs affectant leur santé et plus largement leur bien-être.
La justice environnementale induit de multiples échelles d’analyse : elle peut se penser autant depuis l’espace concret et circonscrit d’un quartier que depuis l’espace politique et international qui régit les relations nord-sud. Bien qu’étant ancrée à Bruxelles, notre action doit aussi prendre en compte la réalité de la délocalisation de la pollution dans des régions où les lois environnementales et les droits sociaux n’existent pas ou peu sous prétexte de maintenir et développer notre mode de vie. Le rôle d’IEB est de fournir aux habitant·e·s des clés de compréhension de ces enjeux qui peuvent les aider à se dégager d’un certain fatalisme ou d’une culpabilité pour se repositionner et retrouver une puissance d’agir.
En liant la justice sociale à la protection de l’environnement et à l’aménagement du territoire, IEB vise à questionner et à critiquer certaines politiques environnementales qui ont pour effet pervers d’exacerber les inégalités et qui, par ricochet, contribuent à disqualifier l’écologie, en particulier dans les couches les moins favorisées de la population, pour qui la protection de l’environnement devient une charge supplémentaire à court terme plutôt qu’un bénéfice à long terme.
IEB milite pour une réduction de la part modale de la voiture dans les déplacements, une diminution du nombre de kilomètres parcourus en véhicule individuel sur le territoire bruxellois et un rééquilibrage des voiries (au profit des autres modes de déplacements, de l’espace public, des fonctions de séjour et de la sécurité des personnes), pour favoriser la marche, les transports en commun et le vélo.
Pour ce faire, la fédération demande la fin de la construction de nouvelles infrastructures routières d’ampleur (routes, tunnels, parkings…), qu’elles soient en surface ou souterraines, et défend l’amélioration du réseau existant de transport en commun ainsi que son extension en surface afin d’aboutir à un maillage fin du territoire. IEB porte une attention particulière à l’accessibilité physique, financière ou déterminée par d’autres prismes ( de genre, de classe, d’origine culturelle, d’âge…) des modes de déplacements alternatifs à la voiture. IEB privilégie le développement du service public en matière de mobilité plutôt que l’externalisation vers des opérateurs privés.
D’une manière générale, IEB défend une prise en compte de la dimension sociale et genrée de la mobilité qui constitue souvent un critère minoritaire dans les prises de décisions influencées par des raisons techniques, budgétaires ou sanitaires. La fédération porte une attention particulière aux conditions d’accès des personnes à mobilité réduite, en ce compris les enfants que cela soit dans leurs déplacements dans l’espace public, dans les transports publics ou cyclistes.
Cette attention aux conséquences sociales des politiques de mobilité vaut également pour les effets attendus de la réduction de l’usage de la voiture, à fortiori dans un contexte de hausse du coût du logement qui favorise l’étalement urbain et de mise en place de certaines régulations environnementales qui contribuent à creuser les inégalités. Pour limiter la demande globale de déplacements, IEB plaide pour un aménagement du territoire qui favorise le maintien et le développement de services locaux (écoles, magasins, services de santé,…) et la création de logements financièrement abordables, que ce soit par leur construction ou leur rénovation.
IEB défend une économie endogène, à valeur ajoutée sociale et environnementale, soucieuse des besoins des habitant·e·s, face à une économie prédatrice peu ou pas redistributive des richesses et source d’accroissement des inégalités sociales et environnementales. En ce sens, IEB privilégie une économie qui produit des emplois locaux adaptés à la main-d’œuvre bruxelloise et peu délocalisables tel le secteur des services (santé, enseignement, alimentation…) et de la construction (rénovation et isolation des logements). Le maintien et le développement d’activités productives sur le territoire bruxellois sont par ailleurs une voie pour réduire l’empreinte environnementale, diminuer la congestion automobile et gagner en indépendance par rapport à des productions externes à la ville. Ce qui suppose que certains espaces de la ville leur soient dédiés notamment aux abords du canal pour ne pas être mis en concurrence avec des fonctions financièrement plus fortes comme le logement privé.
IEB s’inquiète de l’approvisionnement futur de la ville. Le transport de masse des marchandises consomme beaucoup d’énergie, qui deviendra moins abondante dans le cadre, très nécessaire, d’une économie décarbonée. Aussi, la voie fluviale deviendra dans un futur relativement proche un axe très important, et il deviendra nécessaire de réserver à ses abords les espaces de stockage. De telles surfaces doivent aussi être réservées aux abords immédiats des voies ferrées : il faut préserver à cet effet les anciennes cours à marchandises établies le long des lignes de ceinture (gare de l’Ouest, gare Josaphat…)
La répartition et l’accessibilité des espaces verts de droit ou de fait (parcs, squares, forêts, friches, terrains vagues, jardins privés…) sont très inégales en Région bruxelloise. Les récentes crises sanitaires et écologiques prouvent, s’il le fallait encore, le lien consubstantiel, indivisible, humain-nature. À défaut d’intégrer cette équation dynamique du vivant, dont l’humain est une espèce parmi d’autres, la « nature » restera dans ce lien d’exploitation que l’humain entretient avec le vivant, objet d’observation, lieu de loisirs, élément d’attractivité économique, de service à rendre… L’aménagement urbain conçoit encore trop souvent la nature, la biodiversité, les espaces verts de droit ou de fait comme remplaçables ou/et déplaçables et dont la destruction peut être compensée ailleurs (mécanisme de compensation).
IEB travaille activement pour défendre la ville comme milieu naturel, en revendiquant la préservation de la biodiversité et en luttant contre sa fragmentation ou sa destruction ou, encore, contre l’exposition du vivant aux pollutions atmosphériques, électromagnétiques, lumineuses, à la pollution des sols et de l’eau. Dans ses prises de position, IEB invite à prendre en compte le principe de justice environnementale, c’est-à-dire notamment d’objectiver les inégalités environnementales propres au territoire bruxellois. IEB promeut la diminution des sources de pollution anthropique tout en insistant sur la prise en compte des répercussions socio-économiques sur les personnes les plus fragilisées. IEB ne soutient pas les solutions amenant un report des effets de pollution (par ex. économie extractiviste, délocalisation du traitement de ses déchets…). IEB estime que toute innovation technologique, toute trajectoire techniciste doit être analysée dans toute la complexité de leurs impacts environnementaux et sociaux, avant d’être considérée comme souhaitable et écologique.
La gestion de l’espace public se pense de plus en plus en termes d’attractivité, en le destinant prioritairement aux visiteurs et personnes contributives. Pensées comme des territoires généralement limités (une place, le centre-ville, un quartier), des « places to be » voient le jour ici et là. Leurs décors minimalistes facilitent l’entretien et offrent également une vue dégagée aux caméras de surveillance. Des arbres et des bancs publics disparaissent sans être remplacés, laissant le champ libre à l’horeca, à l’événementiel et à la publicité. La privatisation de l’espace public gagne chaque jour un peu plus de terrain. La gratuité devient conditionnée au mouvement, au transit pour passer d’un lieu de consommation à un autre.
IEB défend un espace commun gratuit, accessible et inclusif, équitablement réparti sur l’ensemble de la Région et prioritairement à destination locale. Les aménagements urbains, qu’ils soient temporaires ou définitifs, doivent favoriser la vie de quartier plutôt que des zones d’attractivité économique, soutenir la valeur d’usage de l’espace public plutôt que sa valeur marchande.
IEB s’inquiète ainsi des aménagements en vastes places minéralisées, tant pour la perte de lisibilité de l’espace public qu’ils engendrent que parce qu’elles deviennent le théâtre d’activités commerciales et événementielles mais aussi parce qu’ils sont en complet décalage du paradigme de déréglement climatique et de de l’extinction de masse de la biodiversité.
La Région bruxelloise connaît une crise du logement abordable. Si cette crise touche d’abord les classes populaires, les classes intermédiaires sont également touchées par la hausse continue des prix, tant à la location qu’à l’achat. Cette situation s’explique notamment par la faible volonté des pouvoirs publics à produire du logement social et à réguler le marché locatif, dont la tendance à l’augmentation des loyers est alimentée par une financiarisation croissante du secteur immobilier.
L’accès au logement digne et salubre étant une condition nécessaire du droit à la ville, IEB plaide pour une maîtrise publique du foncier qui permettrait notamment la création de logements publics sociaux de qualité, tant dans les quartiers populaires qu’à l’échelle régionale. Il convient aussi de lutter contre la vacance immobilière et d’encadrer les loyers, de manière à freiner la gentrification que connaît la capitale. De manière transversale, IEB défend le principe de la réhabilitation prioritaire des logements et l’arrêt des opérations de démolition-reconstruction.
Le numérique a pris une place centrale dans nos vies personnelles, professionnelles et dans l’aménagement urbain.
Face aux discours lénifiants du progrès technologique, IEB adopte une posture critique en pointant et en mettant en débat ses risques environnementaux, sociaux et sécuritaires. D’un point de vue environnemental, il s’agit de se mobiliser contre la pollution électromagnétique, le pillage des ressources naturelles, la délocalisation des pollutions, la pression sur la biodiversité et la consommation croissante d’eau et d’énergies (souvent fossiles). D’un point de vue social, il s’agit de se mobiliser contre l’exploitation et la privatisation des données individuelles et publiques à des fins marchandes ou sécuritaires, mais également de pointer les inégalités que les technologies numériques engendrent dans l’usage des espaces publics et privés. Ainsi, IEB analyse et critique les équipements conçus pour accompagner la « transition écologique/énergétique » (compteurs « communicants), le contrôle du comportement des populations (mutualisation de caméras de surveillance intelligente, video-verbalisantes ou non) ou toute autre technologie à l’étude pour équiper la « ville intelligente - SmartCitiy (capteurs, antennes émettrices, traitement automatisé des données, reconnaissance faciale, algorithmes…). Lorsqu’elles sont technologiques, beaucoup de propositions de la transition ne sont en définitives que des opérations de greenwashing.
Il faut aussi veiller à ce que la numérisation des services publics n’entraîne pas de discrimination entre les habitant·e·s sur base de leurs capacités d’accès ou d’usage du numérique. La déshumanisation qu’entraine la numérisation croissante (fermeture de guichets, réduction des tranches horaires des permanences…) nous incite à revendiquer la garantie des services publics gratuits et leurs accès hors numérisation. Par ailleurs, nous veillons à défendre le droit à la déconnexion.
Plus généralement, il s’agit de revendiquer systématiquement le débat public et démocratique sur ces questions afin de tendre vers plus de transparence sur les usages et besoins auxquels sont destinés les objets du numérique.
Depuis les années 1950, une certaine vision de la modernité a amené à Bruxelles un urbanisme par tabula rasa. Des bâtiments, sites, paysages historiques et quartiers entiers se sont fait dévorer par l’appétit de la promotion immobilière et une vision fonctionnaliste du rôle de capitale qu’est Bruxelles. Ce fut le cas entre autres dans les Marolles, au quartier Nord, au quartier Léopold et plus récemment au quartier Midi ou encore à Tour et Taxis. La destruction en temps de paix du tissu urbain historique existant avec l’assentiment des autorités publiques amena même à inventer, dans les années 1970, un terme typique à notre ville : la bruxellisation. Force est de constater que, aujourd’hui encore, ce terme reste d’actualité.
Or, la préservation de la ville et de son tissu urbain permet aux habitant·e·s de comprendre et de s’approprier l’histoire et les enjeux ayant conduit au développement de leur ville, tant au niveau local que régional. Parce qu’il vise à préserver la singularité liée à son histoire, le combat pour la protection de cet héritage porte un enjeu culturel de résistance à une internationalisation et à une banalisation de la ville. Sa mise en contexte, que ce soit à travers le prisme des traces de la colonisation, de la domination culturelle, sociale ou de genre, permet également de témoigner de l’évolution de la ville,
La mise en valeur de l’héritage matériel, immatériel ou naturel doit veiller à répondre aux besoins des bruxellois·e·s, respectant l’usage réactualisé que chacun et chacune en fait. Le patrimoine remarquable ne doit pas servir principalement la touristification, la privatisation ou l’augmentation des valeurs foncières. Il doit contribuer à l’amélioration de la qualité de la vie, ce qui, en plus des monuments et sites, implique aussi la protection des intérieurs d’îlots et des petites parcelles, la prise en compte des arbres et espaces (semi-)naturels, le maintien des gabarits qui s’inscrivent dans la continuité du tissu urbain et le respect de la morphologie et des paysages historiques de la ville.
La défense de notre héritage urbain s’inscrit dans une action plus large qui vise l’émergence d’une ville durable et qui, dès lors, s’oppose à l’obsolescence programmée des bâtiments et au cycle accéléré des démolitions-reconstructions. Le maintien de l’existant, qui suppose donc son entretien, doit être privilégié.