Extrait du livre « La prison dans la ville » de Loup Noali.
« Nous voudrions évoquer l’expérience singulière d’un prisonnier dans la cité. Avec cette chance exceptionnelle d’avoir pu vivre toute la peine dans des prisons de ville, bercée ainsi de bruits plus ou moins lointains de la vie du dehors. Et aussi cette chance plus rare d’avoir même pu un temps occuper une cellule de maison d’arrêt donnant non seulement sur un lambeau de ciel par dessus le toit, si bleu, si calme, mais aussi sur une rue passante. Privilège que nos congénères s’enviaient et se disputaient âprement. Cette situation rendait la ville si proche et si présente qu’il y avait parfois même cette impression de la toucher, d’être dedans tout autant qu’en prison, inclus tout en étant exclu et, en quelque sorte prisonnier.
Il fallait voir alors comme certains des occupants de ces « chambres avec vues » s’agglutinaient en arrêt des heures durant à l’étroite fenêtre barreaudée, comme dans le désert à une source intarissable et merveilleuse.
Tant peut être précieux pour le reclus le sentiment de n’être pas totalement exclu de la société, et de la ville qui la concrétise le mieux pour la plupart d’entre eux, ne fûtce que par cette possibilité de contempler à loisir la vie dehors, la vie d’avant et d’après, libre en un mot. »
Loup Noali
Ancien détenu et docteur en sciences criminelles à l’Université de Nantes.
Extrait du livre La prison dans la ville,Toulouse, Eres, 2009.