Afin de promouvoir la production des énergies renouvelables en Région de Bruxelles-Capitale et de stimuler les investissements dans des installations de production, un mécanisme de marché, le certificat vert, a été mis en place en 2001. Un système où le prix du certificat vert évolue selon la loi de l’offre et de la demande.
Un certificat vert est un titre octroyé à un producteur d’énergie (entreprise ou particulier) qui produit de l’énergie grâce à une installation qu’il possède. Tout certificat peut être vendu et acquiert un prix au cours de la vente. Les fournisseurs d’énergie (Lampiris, Engie, Energie 2030…), c’est-à-dire les entreprises qui achètent de l’énergie aux producteurs (ou à des intermédiaires) pour la revendre à des consommateurs, cherchent à acheter les certificats verts parce qu’ils sont légalement contraints à offrir un quota minimum d’énergies vertes dans leur fourniture globale. Il y a donc un marché avec des vendeurs et des acheteurs, une offre et une demande, et un régulateur (BRUGEL) dont le rôle est de réguler le marché en fonction de certains objectifs définis par les autorités publiques, en particulier pour favoriser l’augmentation des installations d’énergie renouvelable et la production d’énergie verte.
Afin de cadrer ce marché, le gouvernement bruxellois s’est doté d’outils législatifs. Un arrêté de 2012 appelé « arrêté quotas » et un arrêté de 2015 appelé « arrêté électricité verte ». Schématiquement, le premier cadre la demande tandis que le second cadre l’offre.
L’arrêté quotas fixe les quotas de certificats verts (CV) auxquels sont soumis les fournisseurs d’électricité. Il contraint tout fournisseur agréé en région bruxelloise à fournir une part d’électricité verte dans sa fourniture totale d’électricité. Cette part d’électricité verte est calculée sur base de la fourniture totale d’électricité en MWh du fournisseur sur une année. En ce début d’automne, cherchant l’équilibre du marché, le Gouvernement bruxellois souhaite « une révision à la hausse des quotas pour la période 2022-2026 afin d’absorber une partie du stock actuel de certificats verts excédentaires et revenir à une situation équilibrée du marché » [1].
L’arrêté électricité verte fixe les dispositions relatives à l’octroi des certificats verts aux producteurs d’électricité, qu’ils soient résidentiels ou industriels. Il a été modifié au 1er janvier dernier et revoit à la baisse le nombre de CV octroyés par MWh produit.
BRUGEL (le régulateur bruxellois) octroie aux producteurs d’électricité « verte », après certification de leur installation, un nombre de certificats verts proportionnel à leur production d’électricité (en MWh produit), pendant une période de 10 ans. Ce nombre de CV/MWh produit s’appelle le « taux d’octroi ». Le taux d’octroi varie en fonction de la catégorie de puissance de l’installation. Il est (ré)évalué périodiquement de manière à garantir un « taux de rentabilité » suffisant qui correspond à un retour sur investissement forfaitaire en 7 ans pour le photovoltaïque et en 5 ans pour les installations de cogénération. En d’autres mots, les certificats verts qu’un producteur perçoit par MWh produit pendant 10 ans lui assure qu’au terme de 7 ou 5 ans son installation est « remboursée ». Ce mécanisme avait de quoi rassurer les investisseurs alors que la technologie photovoltaïque était encore fort chère.
Les fournisseurs d’électricité ont, de leur côté, l’obligation d’introduire chaque année un nombre déterminé de CV auprès de BRUGEL, proportionnel à leur fourniture d’électricité sur le marché bruxellois (« quota de certificats verts »). À défaut, ils doivent payer une amende libératoire de 100 euros par CV manquant. Mais les fournisseurs peuvent produire eux-mêmes de l’électricité verte et dès lors se voir octroyer des certificats verts. Ils peuvent aussi directement acheter des certificats verts sur le marché aux producteurs ou à des intermédiaires (les tiers investisseurs [2]). Toutes les transactions de certificats verts sont enregistrées dans une banque de données gérée par BRUGEL.
En fin de boucle, les fournisseurs répercutent le coût de leur obligation de quota (« retour quota ») sur l’ensemble de leurs clients bruxellois. Selon la FEBEG (Fédération Belge des Entreprises Electriques et Gazières), en 2020, le coût des certificats verts dans la facture d’électricité d’un ménage bruxellois (à consommation moyenne) représentait 4,6 % du montant total de la facture annuelle [3]. Grosso modo 40 euros sur un montant total de 855 €/an. Sauf qu’en ce début d’automne la facture d’électricité grimpe à 1 014 € (pour une consommation moyenne annuelle de 3 500 KWh/an) soit 17,4 % de plus qu’il y a un an [4].
L’offre de CV (producteurs) et la demande de CV (fournisseurs) se rencontrent sur le marché. Le prix du certificat vert en est le résultat qui peut dès lors fluctuer. Le CV n’a donc pas de valeur intrinsèque, il est immatériel. Le producteur, résidentiel ou industriel (ou son intermédiaire), est un marchand qui doit vendre ses certificats au plus offrant des fournisseurs actifs en région bruxelloise. Une liste « d’acheteurs des certificats verts agréés » est publiée sur le site de BRUGEL. Dans la pratique, seuls six fournisseurs sont actifs sur le marché de l’électricité bruxellois dont quatre ont des offres conditionnées qui en restreignent l’accès (achat de parts sociales de l’entreprise, contrat unique via les magasins Mediamarkt, factures électroniques…). À tel point, selon Test Achats, qu’il est difficile d’encore parler de marché concurrentiel à Bruxelles. « Plus de 90 % du marché bruxellois est entre les mains d’Engie, Lampiris et Luminus » [5].
Produire de l’énergie demande donc aussi du temps et des capacités à analyser, à comparer, à négocier et enfin à conclure une convention avantageuse avec le fournisseur-acheteur. Un « métier » à part entière.
Bref, produire de l’énergie demande donc aussi du temps et des capacités à analyser, à comparer, à négocier et enfin à conclure une convention avantageuse avec le fournisseur-acheteur. Un « métier » à part entière.
Le régulateur bruxellois publie régulièrement sur son site web le prix moyen de transaction d’un certificat vert. À l’heure d’écrire ces lignes, les données disponibles sur le site de BRUGEL relatent que le nombre de transactions en 2021 est de 1200, le nombre de CV vendus de 150 659 ; le prix moyen / CV est de 93,61 euros (prix moyen de la transaction, chaque transaction ayant le même « poids ») ; le prix pondéré / CV est de 94,29 euros (prix moyen par transaction pondéré par le nombre de CV par transaction) ; la valeur totale des transactions est de 14 205 583 euros.
La courbe des prix par transaction tend à démontrer que les petits producteurs d’électricité photovoltaïque sont relativement « protégés » par la valeur d’échange du certificat vert dont le prix moyen est stable. Autre fait marquant, l’amende due par le fournisseur (100 €/CV) qui ne satisfait pas à ses obligations de quotas, est fort proche du prix moyen du CV. Mais une analyse plus fine du marché révélerait l’impact réel de cette amende. De quelle façon les fournisseurs « jouent » avec cette obligation ou en font les frais, en regard de leur portefeuille d’énergies ? Est-ce par exemple cette amende qui a eu raison du départ des « petits » fournisseurs de la région ?
La stabilité relative du prix moyen du CV réside aussi dans le prix minimum garanti par l’obligation de rachat des CV imposée à Elia, le gestionnaire bruxellois du réseau de transport de l’électricité. En effet, un producteur d’énergie renouvelable peut vendre directement au gestionnaire de transport local, à un prix minimum garanti de 65 €/CV, tout ou partie des certificats verts qui lui ont été octroyés. Une analyse plus fine serait aussi intéressante ici pour connaître le profil socio-économique et le nombre de producteurs qui y ont recours.
Au cours des dernières années, le nombre croissant d’installations de production d’électricité verte mises en service – dont un nouveau record en 2020 – a fortement alimenté l’attribution de certificats verts (CV) aux producteurs d’électricité. Résultat, l’écart s’est creusé entre le nombre élevé de CV qui ont été octroyés aux producteurs (l’offre) et le nombre trop faible de CV que les fournisseurs sont obligés de racheter (la demande).
Une nouvelle mouture de l’« arrêté électricité verte » a donc été concoctée et est entrée en vigueur au 1er janvier 2021. Elle a revu à la baisse le nombre de certificats verts délivrés par MWh produit. Auparavant, ce nombre variait selon deux catégories de puissance photovoltaïque (les installations d’une puissance supérieure ou inférieure à 5 kWc). Le nouvel arrêté prévoit désormais cinq catégories de puissances [6]. Le nombre de certificats verts octroyés décroît de catégorie en catégorie de façon inversement proportionnelle aux puissances des installations : plus une installation est puissante moins elle reçoit de CV par MWh produit. Cette modification pour toute nouvelle installation explique le boom d’installations photovoltaïques à Bruxelles constaté en 2020. Elle explique aussi l’empressement qu’ont eu les industriels à finaliser leurs installations avant le 31 décembre 2020.
En effet, depuis le 1er janvier 2021, pour le petit photovoltaïque, celui de moins de 5 kWc, le producteur perçoit 2,4 certificats verts par MWh produit au lieu de 3 C V/MWh auparavant, soit une diminution de 20 % du rendement financier de l’installation. Et pour les installations des grosses entreprises, supérieures à 250 kWc, le nombre de certificats verts octroyés a chuté à 1,3 au lieu de 2,4 CV/MWh, soit une diminution de 46 %. Les taux d’octroi restent inchangés pour les installations placées avant le 1er janvier 2021.
Ce sont majoritairement les installations industrielles qui ont connu un boom par rapport à 2019.
Rappelons ici que ce cadre légal est né en 2015 de la volonté du gouvernement d’octroyer des certificats verts à l’incinérateur de Bruxelles-Propreté de Neder-Over-Hembeek. La décision avait provoqué une levée de boucliers de tous les conseils d’avis de la Région, BRUGEL en ce compris ! Un montage singulier permettait que les revenus générés par les certificats verts (100 000 CV/an générant 8 millions d’euros) soient transférés à Bruxelles-Propreté, puis versés au budget régional [7].
Cet énorme afflux de CV menaçait l’équilibre du marché régional et risquait de faire chuter le prix unitaire des CV. Or si le prix unitaire des CV diminue, ce sont aussi les capacités d’autofinancement des producteurs qui diminuent, ce qui n’incite pas les investissements dans de nouvelles installations de production d’électricité verte. En fin de boucle, les capacités de production d’énergie verte de la Région s’en trouvent donc réduites…
Selon BRUGEL [8], la révision à la hausse des quotas fournisseurs prévue pour les années 2022-2026 devrait absorber une partie du stock de CV excédentaires et permettre de retrouver une situation plus équilibrée du marché, d’autant plus que l’octroi de CV à l’incinérateur prendra fin dès le 1er février 2026 et que de nombreuses installations photovoltaïques auront atteint leurs 10 ans d’éligibilité et ne bénéficieront donc plus de l’octroi de CV.
[9] ?
Le territoire urbain bruxellois limite fortement le développement de certaines sources d’énergies renouvelables (SER). L’éolien, par exemple, est fort problématique (lire l’article en pages 15-19), tout comme la géothermie. Dès lors, le solaire – même si le rayonnement est entravé par la densité du bâti et les ombres portées [10] – ainsi que la cogénération [11] sont les principales SER bruxelloises. La biomasse (traitement des déchets de l’industrie agroalimentaire, agriculture et ordures ménagères) pourrait revenir au-devant de l’actualité avec l’éventuelle installation d’une usine de biométhanisation sur le sol bruxellois. Selon Energie Commune (anciennement APERe asbl), « la production d’électricité renouvelable est encore très faible à Bruxelles. La moitié provient du photovoltaïque, et l’autre moitié est fournie par l’incinérateur de déchets et sa centrale thermique. La Région mise principalement sur le photovoltaïque, l’une des seules technologies qui compte doubler sa production d’ici 2030 ». Pour autant, la Région bruxelloise représente seulement 3 % de la puissance photovoltaïque nationale qui est majoritairement localisée en Flandre (74 %) et secondairement en Wallonie (23 %) [12] . En 2019, 9,9 % de la consommation finale brute d’énergie en Belgique provenait de sources d’énergies renouvelables. Pour atteindre l’objectif de développement durable d’ici 2030, ce chiffre doit atteindre 17,5 %. Un objectif difficilement atteignable selon les projections du Plan national intégré Energie Climat belge 2021-2030 [13].
L’objectif fixé dans la Déclaration de politique générale commune 2019-2024 du gouvernement bruxellois était d’atteindre 87 GWh de production solaire en 2020 et 185 GWh d’ici 2030. L’objectif a été largement atteint pour 2020.
L’année 2020 a en effet fait le plein d’installations battant le record enregistré en 2019 : soit 66MWc de puissance photovoltaïque installée. L’équivalent de 67 terrains de football de panneaux photovoltaïques. Ce qui fait dire à l’association Energie Commune (anciennement l’APERe) que la Région pourrait revoir ses ambitions à la hausse. « En 2020, le parc a produit 129 GWh d’électricité, soit la consommation annuelle de 36 000 ménages (consommation moyenne de 3 500 kWh/ an/ménage). À titre de comparaison, en 2018, la production d’électricité solaire était autour de 63 GWh. En l’espace de trois ans, la production a donc plus que doublé [14] ».
L’augmentation du nombre d’installations en 2020 s’est faite sentir sur tous les types d’installation, mais ce sont majoritairement les installations industrielles qui ont connu un boom par rapport à 2019 (+ 87 % en puissance installée en 2020). Le stade d’Anderlecht, la chocolaterie Pierre Marcolini et la gare maritime de Tour et Taxis sont des exemples. Pour les installations dites « résidentielles », la hausse de puissance installée fut également significative, avec une puissance totale installée d’environ 14 MW, répartie sur 3 300 installations.
Un autre projet d’envergure devrait voir le jour fin 2021-début 2022 sur la toiture de la halle du marché couvert des abattoirs d’Anderlecht, classée au patrimoine architectural bruxellois. Un partenariat entre Abattoir NV et Skysun pour la rénovation de 1,2 hectare de toiture et une installation de 5 800 modules photovoltaïques intégrés au bâtiment. À en croire les associés, il s’agirait « du plus grand projet BIPV (Building Integrated Photovoltaics – photovoltaïque intégré à l’architecture du bâtiment) en milieu urbain du continent » ! Son coût total est estimé à 1 650 000 €. Le taux d’autoconsommation des Abattoirs est estimé à 36 % de l’électricité produite. Le solde de l’électricité produite sera réinjecté sur le réseau.
Mais quel peut être le bénéfice de se lancer dans de telles grosses installations pour lesquelles seules de grandes entreprises ont la capacité de mobiliser les capitaux nécessaires ? Même si les nouveaux taux d’octroi revoient à la baisse les gains que ces entreprises peuvent engranger, ceux-ci restent conséquents.
Si la tendance de 2020 se confirme, le basculement vers des grosses installations de production photovoltaïque profitera à des groupes industriels.
En filigrane de ce système de transactions des certificats verts, visant à stimuler le remplacement d’une technologie par une autre, s’affirme la recherche d’une puissance à égaler.
Faisons le calcul pour une production telle que celle projetée par l’installation des Abattoirs (d’une puissance électrique totale de 1 945 KWc) qui représente une production électrique annuelle projetée de 1 653 MWh. Le taux d’octroi de CV pour les installations de plus de 250 MWc est de 1,3 CV/MWc. À considérer que ces CV soient soumis à l’obligation de rachat d’Elia au prix minimum garanti de 65 euros par CV cela reviendrait à (1,3 CV × 1 653 MWh) × 65 euros, soit 139 678 euros de revenu par an au minimum. À considérer que les CV pourront être revendus au prix moyen actuel sur le marché, soit 93,61 euros/CV, le gain financier est plutôt de (1,3 CV × 1 653 MWc) × 93,61 euros soit 201 158 euros. Un montant assuré pendant 10 ans, à quoi s’ajoute l’économie sur le prix de l’énergie consommée.
En filigrane de ce système de transactions des CV, visant à stimuler le remplacement d’une technologie par une autre, s’affirme la recherche d’une puissance à égaler. Quand bien même les objectifs poursuivis intègrent peu ou prou un souci de diminution des quantités d’énergie consommée (via des mesures complémentaires comme par exemple l’isolation du bâti), voire un souci écologique, c’est avant tout la mise en place d’un marché de l’offre et de la demande arc-bouté sur des capacités de puissances produites qu’il s’agit d’égaler. Abandonner la combustion à des fins énergétiques des combustibles fossiles – charbon, pétrole et gaz naturel responsables d’une grande partie des GES (gaz à effet de serre) – ne se pense pas à moindre puissance. L’électrification projetée du parc automobile et de nombreux terminaux mobiles augure même d’une demande croissante de puissance électrique.
Par ailleurs, le coût énergétique à la fabrication (dont extraction des terres rares) et au démantèlement et recyclage des installations en fin de vie (panneaux photovoltaïques, compteurs communicants, batteries…) n’est pas intégré au calcul de la puissance totale produite. Les valeurs exprimées en GW n’en rendent pas compte. Il faudrait d’autres indicateurs pour mesurer ce coût-là. De même, les questions géostratégiques d’approvisionnement en matières premières nécessaires à leur fabrication, le coût environnemental et social qu’elles induisent hors sol européen, sont des impensés de cette transition technologique.
Si la tendance de 2020 se confirme, le basculement vers des grosses installations de production photovoltaïque profitera à des groupes industriels qui ont la capacité de recourir à des emprunts et d’assurer un retour sur investissement lucratif. En revanche, les producteurs résidentiels voient le rendement de leur installation diminuer. D’abord parce que la révision à la baisse du nombre de CV octroyé par MWh produit affaiblit le retour sur investissement. Ensuite parce que le nombre de fournisseurs actifs à Bruxelles ne fait plus jouer la concurrence qui a tendance à abaisser les prix. Enfin, parce que le « régime de compensation » touche à sa fin. Dès le 15 novembre 2021 en effet, les producteurs d’électricité devront payer comme tout consommateur, le prix du transport et de la distribution d’électricité qu’ils prélèvent sur le réseau quelles que soient les quantités qu’ils y injectent. C’est une contribution directe à l’entretien du réseau électrique qu’ils utilisent comme tous les autres consommateurs. Fini « le compteur qui tourne à l’envers » et qui permettait de payer ces frais uniquement sur la partie de l’électricité réellement consommée.
In fine, les petits producteurs résidentiels qui investissent dans des installations de production voient maigrir leur rendement au fil des modifications des arrêtés. Chaque ajustement de « l’arrêté quotas » et de « l’arrêté électricité verte » impacte directement à la hausse leur budget énergie. Certes, ils économisent encore mais dans des proportions réduites au fil du temps. Et au terme de la vie des panneaux photovoltaïques (en moyenne 25 ans, selon diverses sources), il faut réinvestir dans une nouvelle installation.
Force est de constater l’impensé majeur de cette transition technologique : les « pauvres », mal logés, locataires, à bas revenus, qui ne peuvent investir dans une installation de production d’énergie renouvelable/verte, ou ne sont pas en mesure de solliciter un tiers investisseur pour une relation « win-win ». Ils ne sont pas (encore) dans la boucle vertueuse du renouvelable. Car le renouvelable reste pris dans le marché, empêtré dans une traduction technocratique de la nécessité de réduire à zéro les émanations de carbone. Ce sont donc bien les plus pauvres qui payeront toujours plus cher le prix de l’électricité. À plus forte raison que le système des certificats verts impacte le budget des ménages : la facture d’électricité de tous les « clients finaux » absorbe le coût de l’obligation d’achat des CV par les fournisseurs d’électricité. Tous les ménages payent donc les installations de quelques ménages producteurs-consommateurs.
Ce sont donc bien les plus pauvres qui payeront toujours plus cher le prix de l’électricité.
Or, si la production d’une électricité verte locale tend à immuniser la Région des fluctuations des marchés internationaux, ne devraitelle pas d’abord prémunir de la précarité énergétique et davantage encore en cette période de forte tension des marchés de l’énergie qui enflamme les factures ? Comment sortir l’énergie renouvelable d’une économie de marché où la concurrence est libre et le marché régulé indirectement par l’État ?
N’y a-t-il pas d’autres façons aujourd’hui de penser la question de la production et de la fourniture d’énergie ? Bâtir des communautés d’énergie, organiser un partage de l’énergie produite où les ménages en fixent eux-mêmes la valeur en tenant compte d’autres critères que ceux qui guident le marché.
Le prochain numéro de Bruxelles en mouvements sera entièrement dédié à la problématique de l’énergie et dépliera les possibilités d’une autre façon de la produire et de la consommer.
Dès octobre 2019, le Gouvernement bruxellois a adopté son Plan Energie Climat (PNEC). Acte de mise en conformité au Règlement Gouvernance de l’Union de l’énergie [15], il engage la Région à l’horizon 2030 et au-delà. Chaque État membre est en effet tenu de réaliser « son » plan énergie-climat. Le PNEC bruxellois est donc la contribution de la Région de Bruxelles-Capitale au Plan national énergie climat, une mise en œuvre pragmatique de l’Accord de Paris entré en vigueur en novembre 2016.
Le PNEC bruxellois fixe trois objectifs clés relevant des compétences régionales :
La traduction chiffrée de ce PNEC bruxellois, à l’horizon 2030, prévoit une réduction de 21% de la consommation d’énergie finale par rapport à 2005, une production de 1170 GWh d’énergie à partir de sources renouvelables (470 GWh seront produits sur le territoire-même de la région tandis que 700 GWh le seront via une stratégie d’investissements extra muros avec des partenaires des autres régions et États membres) et une réduction de plus de 40% des émissions directes de gaz à effet de serre par rapport à 2005. Par ailleurs, la Région s’engage à réduire fortement les émissions de gaz à effets de serre indirectes (liées à la consommation de l’électricité, de la chaleur ou de la vapeur nécessaire à la fabrication des biens de consommation). Ceux-ci sont en effet cinq fois supérieurs aux émissions directes, chevillés à l’importation de biens de consommation et au secteur de l’alimentation.
Énergie : du grec « energia », force en action. Intrinsèquement liée aux propriétés de la matière, elle caractérise un changement d’état et la capacité de produire un travail. L’énergie est présente sous différentes formes (mécanique, gravitationnelle, calorifique, électrique, éolienne, solaire…) Elle est quantifiée lors de la transformation d’un état de la matière à un autre (morceau de bois —› chaleur de la flamme.).
L’énergie électrique est exprimée en kilowattheure correspondant à l’énergie consommée par un appareil de 1000 watts (soit 1 kW) de puissance pendant une durée d’une heure. Les unités dérivées sont : le mégawatt-heure (1 MWh = 103KWh), le gigawatt-heure (1 GWh = 106 KWh), le térawatt-heure (1 TWh = 109 KWh).
Exemple : Une ampoule de 100 W allumée pendant 24 heures consomme 2400 Wh (100 × 24) soit 2,4 kWh. Si l’on considère un coût moyen du kilowatt-heure de 0,13 euros, la consommation électrique de cette ampoule coûte 0,312 euros par jour soit 9,36 euros par mois.
Puissance : énergie transférée par unité de temps ou encore capacité de transfert dans un laps de temps donné. On dit qu’une machine est puissante lorsqu’elle peut faire un travail rapidement. Monter un étage en courant ou en marchant implique le même travail, la même énergie mais pas la même puissance. Courir dans l’escalier nécessite davantage de puissance.
La puissance est exprimée en Watt (W) et les unités dérivées en kW soit 103W, MW = 106 W, GW = 109 W, TW = 1012 W kWc = kilowatt crête : unité de mesure dans laquelle est exprimée la puissance d’une installation (des panneaux photovoltaïques par exemple) dans des conditions standard de test. kWe = kilowatt électrique : unité de mesure dans laquelle est exprimée la puissance électrique nette développable de l’installation. kWh = kilowatt-heure : unité de mesure dans laquelle est exprimée la quantité d’énergie électrique produite par l’installation et la quantité d’énergie électrique consommée par l’utilisateur.
Source : Michel Huart, enseignant à la Faculté des Sciences et à l’Ecole polytechnique de l’ULB. (ENVI-F454 – Energie : société et environnement – version 28/06/2021).
Chargée de mission
[1] Commission de régulation de l’énergie en Région de Bruxelles-Capitale, BRUGEL-Avis-20210629-324.
[2] Le tiers investisseur réalise l’investissement de l’installation photovoltaïque et s’occupe des démarches administratives. En échange, il se rémunère via le paiement des certificats verts générés par la production solaire pendant 10 ans. Le propriétaire /locataire profite de l’énergie produite par les panneaux et économise de l’argent. Au terme des 10 ans, les panneaux sont acquis au propriétaire qui continue à profiter de l’installation. La Région bruxelloise remplit sa mission de produire de l’énergie verte !
[3] Répartition de la facture d’électricité, 3 500 KWh/an – tarif simple – 02/2021 Chiffres clés 2020 – FEBEG
[4] C. DANJOU, « Flambée de l’énergie, hausse des prix : est-ce parti pour durer ? », Le Soir, 28 septembre 2021.
[5] Test Achats, « Les fournisseurs désertent le marché bruxellois de l’énergie », 3 août 2021, en ligne.
[6] 0-5 kWc > 2,4 CV/MWh ; 5-36 kWc > 2,4 ; 36-100 kWc > 1,9 ; 100-250 kWc > 1,6 ; > 250 kWc > 1,3.
[7] J. CECH, « Incinérateur de Bruxelles : certificats verts ou taxe déguisée ? », Renouvelle, l’actualité de l’énergie durable, 9 février 2016.
[8] À l’appui d’une étude quantitative commanditée auprès de Climact afin d’analyser la dynamique actuelle et l’équilibre futur du système de certificats verts.
[9] A. ANCIAUX et al., « Étude quantitative sur la dynamique actuelle et l’équilibre futur du système de certificats verts en Région de BruxellesCapitale » (Partie 1) – version non confidentielle,
CLIMACT, BRUGEL, 11 juin 2021.
[10] « La Carte solaire de la Région de Bruxelles Capitale », outil en ligne sur le site de Bruxelles Environnement, permet de calculer le potentiel solaire d’une toiture, ainsi que le coût et les gains pour des panneaux photovoltaïques ou un chauffe-eau solaire.
[11] En cogénération, on parle volontiers d’énergie « verte » plutôt que « renouvelable ». La cogénération consiste à produire simultanément de l’électricité et de la chaleur à partir d’une source d’énergie (du gaz naturel ou un combustible renouvelable). Selon les chiffres de BRUGEL, fin juin 2019, la RBC comptait 200 installations de cogénération.
[12] J. FRIPPIAT, « Photovoltaïque : record d’installations à Bruxelles en 2020 », Renouvelle, l’actualité de l’énergie durable, 23 septembre 2021.
[13] Statistiques au 02/06/2021 selon www.indicators.be, le Bureau fédéral du Plan présente des indicateurs de développement durable. La consommation finale brute d’énergie est l’énergie consommée par l’ensemble des utilisateurs finaux d’énergie, en y incluant les pertes sur les réseaux de transport et la consommation du secteur de production d’énergie lui-même.
[14] J. FRIPPIAT, « Photovoltaïque : record d’installations à Bruxelles en 2020 », Renouvelle, l’actualité de l’énergie durable, 23 septembre 2021.
[15] RÈGLEMENT (UE) 2018/1999 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 11 décembre 2018.