Il y a exactement vingt ans, le 25 juin 1998, au Danemark, trente-neuf États européens ont signé un accord international : la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.
Ces États se sont engagés à :
Le but est de permettre, grâce à la participation du public, la prise de meilleures décisions en matière environnementale et de les appliquer plus efficacement. Mais voilà, il est de la nature du Pouvoir de ne pas aimer se partager, et le gouvernement bruxellois, mis sous pression par des intérêts économiques auxquels il croit devoir succomber, a élaboré quelques stratégies de contournement permettant d’escamoter le débat public. Face à des manquements parfois élémentaires dans le respect des procédures (notamment en matière d’évaluation des incidences environnementales), des habitant·e·s et des associations (dont IEB) se voient obligées de se tourner vers la justice pour faire apparaître les manquements et ainsi espérer ramener les autorités publiques ou les promoteurs privés à des attitudes plus raisonnables et respectueuses. Ce rôle des associations environnementales a bien été voulu par les conventions internationales et par le législateur.
Trois décisions nous ont donné raison ces jours-ci :
1. La Cour de Justice de Luxembourg, souveraine dans l’interprétation du droit européen, vient de décider par son arrêt du 7 juin 2018 [1] qu’un règlement – en l’espèce le règlement Régional d’Urbanisme Zoné (RRUZ) qui prévoit la démolition- reconstruction de la rue de la Loi – être précédé d’une évaluation des incidences sur l’environnement. La leçon est claire : peu importe l’étiquette collée sur un plan d’aménagement urbain, ce plan doit faire l’objet d’une évaluation des incidences environnementales... à moins que l’autorité ne démontre son innocuité. [2] Cet arrêt change la donne au sujet des projets du gouvernement bruxellois pour le « quartier européen ». [3]
2. Le Conseil d’État, par son arrêt du 30 mai 2018, impose une limite à l’augmentation des ondes électromagnétiques. Il annule deux exceptions introduites dans le règlement, destinées à faciliter l’installation de certaines antennes émettrices d’ondes électromagnétiques. [4] Anodines en apparence, ces exceptions faussaient le dispositif de contrôle en minimisant l’exposition réelle des individus aux rayonnements électromagnétiques, au moins une partie du temps (entre la mise en service et le contrôle a posteriori). Ces exceptions ne permettaient plus le respect effectif du seuil de 6V/m : gênant pour la santé des habitant·e·s, bénéfique pour les opérateurs de téléphonie mobile.
3. Le Collège de l’Environnement refuse le permis d’environnement pour l’exploitation du projet « The Dock », incluant une marina à Anderlecht. Ce dernier a été délivré par Bruxelles Environnement pour ce projet massif intégrant 301 logements, 345 places de parking, une tour de 14 étages et un parking pour 40 yachts malgré une augmentation importante, en cours de procédure, du nombre de logements (de 218 à 302) et de places de parking (de 199 à 345). [5] Le Collège d’Environnement, saisi sur recours d’IEB, a acté le 4 juin la modification substantielle du projet sans qu’une étude d’incidences complémentaire ait été effectuée et a décidé que « le dossier ne comporte pas l’ensemble des éléments permettant à l’autorité de statuer en pleine connaissance de cause ».
Dans ces trois cas, Inter-Environnement Bruxelles (IEB), grâce aux avancées remportées par la convention d’Aarhus, a poursuivi les intérêts généraux de l’environnement, en faisant préciser les règles du droit à appliquer. Santé !
[1] Affaire c-671/16, téléchargeable à l’adresse : http://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&num=C-671/16&td=ALL.
[2] Pour un commentaire plus complet, voir : « Victoire des associations et des habitants dans le recours contre le RRUZ « Quartier européen » qui aurait dû être précédé d’une évaluation des incidences sur l’environnement, ainsi que le confirme l’arrêt du 7 juin 2018 rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne à Luxembourg ».
[3] Le Conseil d’État, qui avait posé une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union européenne, doit encore se prononcer sur la demande d’annulation du RRUZ, probablement à l’automne. On voit toutefois difficilement comment il pourrait se prononcer autrement au vu de l’arrêt de la Cour de Justice.
[4] Arrêt n°241.670 du 30 mai 2018, voir : « Pollution électromagnétique et 5G : victoire des quartiers et associations devant le Conseil d’État ».