L’accès à l’information est le socle de l’exercice démocratique. Si le contenu de ce qui est débattu reste inaccessible à ceux et celles qui sont convié·es au débat, c’est qu’une des parties au débat, ou plusieurs, refusent le jeu de la démocratie. Ainsi, les habitant·es invité·es aux Commissions de concertation, suite à une demande de permis d’urbanisme, n’ont trop souvent pas accès à toutes les pièces utiles à la compréhension des tenants et aboutissants de la demande de permis. C’est notamment le cas des procèsverbaux des « réunions de projet ». Ces dernières ont été instaurées lors de la réforme du CoBAT en 2019. Son nouvel article 188/12 permet au porteur d’un projet de solliciter la tenue de cette réunion auprès de l’autorité qui délivre le permis. L’objectif est d’y discuter des grandes orientations du projet. S’y retrouvent le fonctionnaire délégué ou les Communes en charge de la délivrance du permis mais aussi, selon le cas, les administrations régionales en charge des Monuments et des Sites, Bruxelles Environnement, Bruxelles Mobilité, le maître-architecte… Il s’agit donc d’une pré-concertation mais tenue à huis clos, sans aucune publicité. Non seulement les habitant·es n’y sont pas convié·es mais ils·elles n’ont pas accès au procès-verbal de réunion, lequel n’existe d’ailleurs pas toujours dès lors que l’arrêté ministériel balisant la réunion utilise une formulation des plus floues : « Si un procès-verbal de la réunion de projet est rédigé… »
En bref, l’arrêté autorise en toute tranquillité promoteurs et pouvoirs publics à négocier et à conclure des arrangements sans que rien ne soit acté.
Or, force est de constater que ce dispositif a pour effet de rétrécir l’espace démocratique. Si infléchir les lignes d’un projet en commission de concertation était déjà un défi, depuis l’apparition des réunions de projet, les habitant·es sont désormais convié·es à faire part de leurs critiques sur des projets déjà entièrement ficelés [1]. Le fait que le procès-verbal de la réunion de projet, lorsqu’il existe, ne soit même pas joint au dossier mis à l’enquête publique, renforce encore le sentiment de mystification des habitant·es.
Devant ce déni démocratique évident, IEB a décidé, le 19 mai 2022, d’adresser un courrier à l’administration de l’urbanisme pour avoir accès aux procès-verbaux des réunions de projet qui ont eu lieu en application de l’article 188/12 du CoBAT durant les mois de janvier, février et mars 2022. IEB a envoyé un rappel le 15 juin. Toujours sans nouvelles de l’administration le 11 juillet, IEB a finalement saisi la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs de la Région bruxelloise) [2]. Le 26 juillet, Urban Brussels a refusé de lui délivrer les documents demandés au motif que la demande d’IEB serait « manifestement abusive », que la réunion de projet et l’éventuel procès-verbal y étant relatif ne constituent pas une décision administrative et qu’elle ne préjuge pas de la décision de l’autorité délivrante.
Le 5 août 2022, la CADA a rejeté l’argumentaire d’Urban Brussels et lui a enjoint de communiquer les documents au motif que la demande d’IEB n’était pas abusive dès lors qu’il n’était pas prouvé que la demande avait pour conséquence de compromettre le bon fonctionnement de l’administration en entraînant une charge trop importante pour celle-ci. Suite au refus d’obtempérer d’Urban, la CADA a enjoint à cette dernière de communiquer à IEB, au plus tard le 16 novembre 2022, les procès-verbaux des réunions de projet qui ont eu lieu en application de l’article 188/12 du CoBAT durant les mois de janvier, février et mars 2022.
Heureusement que notre démocratie contient encore une séparation des pouvoirs qui constitue un garde-fou face à des instances qui méprisent le droit évident des citoyen·nes à accéder à une information utile à un sain débat démocratique. Il est normal que les réunions de projet fassent l’objet de procès-verbaux et que ceux-ci soient versés au dossier soumis à l’enquête publique.
[1] Lire aussi O. FOURNEAU, « La concertation : un acquis pour la démocratie urbaine », paru dans le Bruxelles en mouvements n°320 d’octobre 2022.
[2] Sur la question de l’accès aux documents, lire l’article de S. CHARLIER, « Accès aux documents administratifs : quels sont vos droits ? », ibidem.