Le droit d’accès à l’information existe, la bonne volonté fait parfois défaut.
L’accès du citoyen aux documents détenus par les autorités administratives est garanti par l’article 32 de la Constitution [1] ainsi que, pour les informations relatives à l’environnement, par la Convention d’Aarhus et le droit européen.
En pratique, IEB vit des cas où les pouvoirs publics refusent de communiquer des documents, jusqu’à ce qu’une décision de justice ou une commission d’accès aux documents administratifs les y oblige finalement.
La transparence, pilier de la bonne gouvernance et de la bonne administration
Le changement de paradigme s’est concrétisé dans les années 1990, avec en arrière-plan la Cour européenne des droits de l’homme et des exemples étrangers : le citoyen a désormais le droit d’accéder à l’information qui lui permettra a posteriori de comprendre les décisions prises, mais aussi, parfois, de donner son avis en amont – on va alors jusqu’à parler de participation.
On veut de la transparence là où le secret était de mise. La Constitution l’envisage sous l’angle de l’accès aux documents administratifs : chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s’en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.
Les règles du jeu
En pratique, chaque législateur [2] a reçu la compétence de réglementer l’accès aux documents administratifs. Ce qu’ils ont fait le plus souvent en dédoublant la matière relative à l’accès à l’information, selon qu’elle concerne ou non l’environnement [3]. Il y a en tout quinze textes légaux en vigueur pour traiter du même sujet dès lors que des textes différents ont été pris pour le niveau fédéral, régional, communautaires et communal…
De manière synthétique, on peut dire qu’il s’agit du droit de consulter, d’obtenir des explications et de recevoir copie de toute information détenue par une autorité administrative, quel que soit le support (papier, électronique, sonore, visuel,…). La demande d’accès doit être écrite et il n’y a pas lieu de justifier d’un intérêt, sauf pour un document à caractère personnel. L’accès doit être donné dès que possible et au plus tard dans le délai fixé dans la loi (jusqu’à 2 mois pour une documentation complexe ou volumineuse).
La demande doit être traitée prioritairement et au plus tard 8 jours avant la fin de l’enquête publique à Bruxelles lorsque la demande d’accès à certaines informations relatives à l’environnement concerne une demande de permis d’environnement ou l’élaboration d’un plan relatif à l’environnement dont l’enquête publique est en cours. Pour une oeuvre protégée par le droit d’auteur, l’auteur doit donner son autorisation à la délivrance d’une copie. Pour une copie, seul le prix coûtant peut être demandé. Les motifs de refus sont énumérés dans les textes. Si un document contient des informations non communicables, il doit être communiqué s’il est possible de cacher les passages litigieux.
Des recours possibles
Lorsque l’information relative à l’environnement est refusée ou non suffisamment prise en compte, un recours peut être introduit devant une commission de recours spécifique, qui statue rapidement. Un recours contre la décision de cette commission est également possible devant le Conseil d’État ou les tribunaux de l’ordre judiciaire. Si l’information refusée n’est pas relative à l’environnement, un réexamen peut être demandé devant l’autorité administrative qui a refusé l’accès, avec simultanément une demande d’avis de la commission de recours. Si l’accès est encore une fois refusé, un recours devant le Conseil d’État ou devant les tribunaux de l’ordre judiciaire est possible.
Bien souvent, un document ne présente de l’intérêt pour le citoyen que s’il lui est fourni rapidement.
Un accès parfois laborieux... IEB en fait l’expérience
IEB peut faire état de trois dossiers récents ou un document lui a été refusé, sans motif légitime.
Le premier cas concernait un projet de cahier des charges du rapport sur les incidences environnementales d’un plan particulier d’affectation du sol (PPAS) qui avait été demandé à la commune d’Uccle. Pensant peut-être pouvoir considérer que le document était inachevé (puisque le cahier des charges définitif n’avait pas encore été adopté…), la commune d’Uccle a refusé de communiquer le document demandé. Le projet de cahier des charges était pourtant bien un document achevé, dès lors qu’il avait été arrêté par le collège des Bourgmestre et Echevins. Trois ans plus tard, après un passage par le Conseil d’État, la Commission régionale d’accès aux documents administratifs (CADA) a finalement dû donner raison à IEB. Suite à cela, le document fut finalement délivré par la commune.
Le deuxième cas est assez similaire. Alors que le projet de modification du plan régional d’affectation du sol (PRAS démographique) était à l’enquête publique, IEB a demandé à l’administration régionale de recevoir une copie de l’étude préparatoire plusieurs fois référencée dans le rapport sur les incidences environnementales accompagnant ce projet. Avec la motivation que le document n’était pas encore publié et n’était donc pas disponible, l’administration régionale a refusé de communiquer le document. À la demande d’IEB, la CADA a donné un avis sur ce refus. La CADA a considéré que l’argument de la Région n’était pas recevable dès lors qu’il apparaissait clairement que l’étude demandée était achevée et en possession de la Région. La CADA a considéré que l’étude devait être donnée en consultation à IEB. Faisant suite à cet avis, IEB a adressé une demande de reconsidération à l’administration, qui n’a donné aucune suite à cette demande… N’ayant toujours pas accès au document, IEB a été contrainte d’introduire un recours devant le Conseil d’État afin d’obtenir le document. L’enquête publique est terminée depuis un an, la modification au PRAS a été adoptée et IEB n’a toujours pas le document préparatoire…
Un troisième cas. L’adoption définitive de la modification partielle du PRAS a été adoptée par le Gouvernement le 3 mai 2013. Ce document n’a néanmoins pas encore été publié au Moniteur Belge (à la date du 19 août). IEB souhaite lire le document… et en a donc demandé une copie à la Région. Cette demande est restée lettre morte jusqu’à aujourd’hui.
On peut donc constater que, malheureusement, nos politiques et nos administrations n’ont pas encore embrassé les règles élémentaires de transparence, pourtant coulées dans notre Constitution depuis 1992. C’est regrettable, car la transparence en plus d’être l’un des piliers de la bonne gouvernance, permettrait aussi une participation citoyenne accrue. En pratique, la lenteur des procédures de recours administratifs et judiciaires entraîne souvent un retard problématique : au moment de la réception des documents, les décisions définitives auront été prises. Bien souvent, un document ne présente de l’intérêt pour le citoyen que s’il lui est fourni rapidement. Tel est par exemple le cas lorsqu’il doit intervenir dans le délai de l’enquête publique. Faudra-il en arriver à des sanctions judiciaires, voire des astreintes, pour améliorer cette situation ?
[1] L’accès aux documents administratifs est inscrit dans la Constitution depuis 1992, l’article et rentré en vigueur en vigueur en 1995.
[2] Pour la région de Bruxelles, citons l’Ordonnance du 30 mars 1995 relative à la publicité de l’administration, l’Ordonnance du 18 mars 2004 sur l’accès à l’information relative à l’environnement dans la Région de Bruxelles- Capitale ainsi que la loi du 12 novembre 1997 relative à la publicité de l’administration dans les provinces et les communes.
[3] En matière d’accès à l’information environnementale la Belgique doit respecter la Convention d’Aarhus du 25 juin 1998 et la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement. Des directives européennes spécifiques existent pour certains plans, programmes, demandes d’autorisation susceptibles d’influences notables sur l’environnement.