La rénovation future de l’abbaye de Forest et de ses jardins ainsi que de l’arrivée, en son sein, notamment d’une bibliothèque, d’une ludothèque et d’un auditorium pour l’académie de musique est, en soi, une bonne nouvelle pour ce site, classé en 1992 mais en piteux état. Pour autant, le permis octroyé pour ABY pose question puisqu’il va bien au-delà. Il comprend également trois espaces dédiés à de l’HoReCa (le bar existant, le bar de la salle de spectacle et la Fabrique, en extérieur), une salle de spectacle de 400 places assises/800 places debout et une minéralisation importante de la cour. Par ailleurs, pour retrouver les alignements du jardin historique, de nombreux arbres vont être abattus. Enfin, une quinzaine de logements seront démolis sans construction compensatoire, ni sur le site, ni ailleurs.
Lors de l’enquête publique, IEB s’interrogeait, dans son avis, sur « la nécessité de proposer une telle surface HoReCa alors que la Place Saint-Denis dispose de nombreux établissements. » Nous attirions aussi l’attention sur le bâtiment dit "Fabrique" ; « selon nos informations, l’affectation de celui-ci est peu définie, mais il sera toutefois doté d’un bar. Cet équipement, conjugué à la présence d’une grande salle de spectacle (400 places assises /800 debout), et d’autres espaces HoReCa sur le site nous fait craindre une affectation future en espace de type événementiel ou HoReCa. Leur juxtaposition ne sera pas sans conséquence sur la jauge générale du site, et potentiellement sur la production de musique amplifiée en plein air et d’impact sur la mobilité dans le quartier (...). »
Le plan régional d’affectation du sol (PRAS) définit pourtant strictement la zone comme « parc ». L’arrivée de ces infrastructures commerciales impose donc de déroger à ce règlement. Plus encore, il ouvre un précédent. Or, plusieurs comités ou groupes d’habitant.es nous interpellent régulièrement sur les nuisances sonores générées par les espaces HoReCa, saisonniers ou permanents, qui s’installent depuis peu dans les parcs bruxellois. Ne faudrait-il pas, de manière générale, limiter la marchandisation des espaces verts et en préserver, pour le bien commun, le caractère de zone de tranquillité, sans commerce ni musique amplifiée ?
Au terme de l’enquête publique, IEB demandait à la commission de concertation de s’opposer à la construction de la Fabrique, de limiter le permis « à un seul espace HoReCa compte tenu de l’offre existante aux abords directs du site » et invitait à une « conversion des espaces au profit d’espaces d’animations à vocation non commerciale et locale. »
Autre élément important, le projet ABY nécessite d’abattre plusieurs immeubles à appartements (communaux et appartement de transit (urgence) et cela sans en construire ailleurs. Or, le quartier abrite une population qui peine à se trouver des logements abordables. Pour rappel, la rénovation de l’abbaye s’inscrit initialement dans le contrat de quartier « Abbaye ». L’opération « construction de logements » a pour finir un résultat négatif puisque les autres projets n’ont apparemment pas abouti.
Lors de l’enquête publique, IEB demandait que la démolition de la quinzaine de logements soient compensée par une construction équivalente ailleurs, à savoir du logement de transit et du logement communal à tarif social.
Enfin, si nous pouvons entendre l’envie de redessiner le parc dans l’esprit où il a vu le jour, la réalisation de ces nouveaux alignements arborés entraîne l’abattage de plusieurs arbres - non pas pour des motifs sanitaires, mais des motifs architecturaux. D’un point de vue strictement environnemental, n’est-il pas temps de considérer les arbres autrement que comme du mobilier urbain, susceptibles d’être déplacés ou enlevés à la manière d’un lampadaire ou d’un banc ?
Malgré les modifications apportées au permis définitif (octobre 2021), dont le maintien de plusieurs arbres remarquables, le caractère événementiel du projet ABY persiste et aucune solution de logement équivalent n’a été proposée.
Tant en amont, via les processus de participation institués dans le Contrat de Quartier Durable Abbaye, qu’en aval de l’enquête publique, un collectif d’habitants a plusieurs fois tenté d’amender le projet : « s’adressant d’abord à la Commission de concertation puis aux groupes politiques et aux instances bruxelloises, recevant dans les meilleurs des cas, une écoute aimable. »
IEB a donc accepté de soutenir le recours, déposé en novembre 2021, par l’avocat de trois riverains du site, essentiellement par pour limiter la dimension événementielle portée par le projet ABY à travers les trois interventions problématiques dans une zone de parc : la fabrique, la brasserie et le bar de la salle de spectacle.
En parallèle, IEB invite la commune à tout mettre en œuvre pour reloger dignement les locataires des logements communaux à démolir, même si, sur le plan purement juridique, le recours ne porte pas sur ce point. Il s’agit plutôt d’une question éthique.
L’ombre du recours a amené la commune à renouer les négociations avec des représentants et représentantes des Amis de l’abbaye de Forest que nous espérons suffisamment fructueuses pour que l’action en justice soit levée. En effet, comme eux, IEB attend et soutient la restauration de l’Abbaye, la réhabilitation du site et l’arrivée d’équipements collectifs de type non marchand.
À lire, à voir, à consulter :
Le programme du Contrat de Quartier Abbaye
Le site du projet ABY
Une vidéo, réalisée par IEB en atelier avec les Amis de l’Abbaye.
Le groupe FB "Les amis de l’abbaye"
Le compte rendu d’une master class sur la participation par Metrolab