Développer un véritable Plan culturel pour Bruxelles est un défi de haut vol vu notamment la complexité institutionnelle de la ville et la grande diversité des cultures qui s’y côtoient. La tentative du Réseau des Arts à Bruxelles (RAB) et du Brussels Kunstenoverleg (BKO) d’élaborer un tel plan en concertation est certainement à saluer mais les 34 propositions mises sur la table sont-elles de nature à prendre en compte les différentes dimensions de la culture ? Sont-elles à même de préserver les équilibres délicats de notre ville-région à cheval sur deux communautés culturelles ? S’agit-il de mieux valoriser, dans sa diversité, nos richesses culturelles ou de mieux « vendre » Bruxelles au travers d’une image de marque ? La rencontre-débat organisée ce vendredi 29 janvier par le RAB, Culture et Démocratie et le Centre culturel Jacques Franck fut l’occasion d’effleurer le sujet à défaut d’en faire le tour.
Quelques balises de réflexions furent d’emblée amenées par le sociologue urbain Eric Corijn afin de recontextualiser la trame dans laquelle devait s’inscrire un plan culturel pour Bruxelles. Et de rappeler le statut à entrées multiples de Bruxelles, à la fois Région, capitale d’un pays et capitale de l’Europe et la tendance à développer une culture d’identité nationale plutôt qu’une culture urbaine et cosmopolite. Sur cette lasagne institutionnelle vient se greffer la réalité d’une ville de plus en plus tertiarisée dont les emplois sont majoritairement occupés par des navetteurs alors que le taux de chômage chez les jeunes bruxellois explose et que l’enseignement continue de camper sur un modèle élitiste.
Outre ces grandes tendances, le RAB a rappelé certaines défaillances du secteur culturel bruxellois : manque de concertation entre les communautés francophones et néerlandophones, contexte rendant difficile le soutien de projets bi-communautaires, absence de plan régional culturel, sous-représentativité de certains secteurs et réseaux culturels. Pour le réseau, les priorités sont à mettre dans la réalisation d’une cartographie de l’offre culturelle et la réalisation d’un agenda trilingue reprenant l’ensemble de cette offre. Il identifie également trois zones prioritaires de développement culturel : l’axe du Canal notamment dans la foulée des réflexions menées par la Plate-Forme Kanal, le quartier européen pour rendre visible le rôle de capitale européenne et le Cinquantenaire pour son potentiel d’activités muséales.
Qu’en pensent les politiques ? Selon la Présidente du Parlement francophone bruxellois, ceux-ci ne se sont pas encore positionnés et le Parlement bruxellois a invité le RAB/BKO le 17 mars à venir dialoguer. Un tel plan ne manque pas de soulever la question d’une éventuelle régionalisation de la culture. Certains le voient d’ailleurs comme un cheval de Troie de la culture flamande notamment parce que le réseau culturel flamand est nettement plus représenté au sein de la plate-forme.
Outre cette question communautaire, une autre question importante soulevée lors de la rencontre est celle de la légitimité du RAB/BKO pour développer un plan culturel dès lors que ce réseau n’intègre nullement le secteur socio-culturel et celui de l’éducation permanente, grands absents des préoccupations du plan. Le plan semble présenter une distance par rapport aux réalités des territoires et aux populations qui les occupent. Selon Eric Corijn, face au défi de la mondialisation, les artistes seraient mieux à même de s’adapter aux évolutions de la ville que le secteur socio-culturel en crise. Postulat qui nous laisse songeur.
Du côté d’IEB, il est trop tôt pour se prononcer mais nous ne manquerons pas de vous fournir l’état de nos réflexions lors d’un prochain dossier de notre journal Bruxelles en Mouvements .
Vous pouvez consulter le Plan culturel du Réseau des Arts à Bruxelles sur : www.reseaudesartsabruxelles.be/files/plan_culturel_pour_bruxelles_FR.pdf.