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Brève histoire du foot féminin

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Le microcosme du monde du football est un véritable laboratoire qui nous révèle avec intensité les différents rapports de domination qui traversent le monde. Son versant capitaliste, sexiste et raciste est indéniablement sa partie la plus visible. Mais son évolution historique ouvre des brèches à contrecourant des modèles dominants mises en lumière par M. Correia dans son ouvrage sur l’histoire populaire du football. Ainsi, on y apprend que le tout premier club de football féminin est né dès 1894 : le British Ladies’ Football Club. Ses joueuses enchaîneront plus de 150 matchs entre 1895 et 1897. Et alors que la fédération anglaise de football interdit formellement en 1902 à tous ses joueurs d’affronter des femmes, le British Ladies’ Football Club bravera l’interdit pour jouer trois matchs contre des escouades masculines. Après une phase de latence, les équipes reprendront les crampons durant la Première Guerre mondiale : entre 1915 et 1918, 150 équipes voient le jour en Angleterre. Parmi elles, les Dirk Kerr Ladies, fondées en 1917 dans la ville industrielle de Preston, poursuivront après la guerre notamment en participant à des rencontres en soutien au vaste mouvement de grève des mineurs déclenché en avril 1921.

Dès 1919-1920, les autorités footballistiques anglaises commencent à voir d’un mauvais œil ces rencontres féminines. Un souffle patriarcal traverse la société britannique. Le 5 décembre 1921, la fédération anglaise interdit officiellement à ses clubs de prêter leur terrain aux équipes féminines. Tant et si bien que sur les 150 équipes féminines qui étaient encore recensées fin 1921, seules une vingtaines parviendront encore à pratiquer le football dans les années qui suivent. En 1926, les Dick Kerr Ladies sont dépossédées de leur nom suite au désengagement financier de leur soutien industriel. Elles disparaîtront définitivement en 1965.

En France, nées plus tardivement, les équipes féminines connaissent les mêmes affres et s’organisent en dehors des structures fédérales masculines. Néanmoins le foot féminin s’implante dans des banlieues populaires de Marseille et de Paris. Mais le manque d’installations sportives reste un frein dès lors que les équipes masculines sont peu enclines à partager leurs pelouses. La Fédération française de football finira par reconnaître officiellement le football féminin le 29 mars 1970 à un moment où partout en Europe les clubs féminins se structurent et s’étoffent. Mais le manque de moyens et d’accès à l’infrastructure restera patent.

En novembre 1991, après sept Coupes du monde officieuses, le football féminin entrera dans l’arène du foot-business avec l’organisation en Chine de la première Coupe du monde féminine de football sous l’égide de la FIFA. Au niveau des clubs, des intérêts privés américains mettent en place le premier championnat professionnel féminin en 2001 : la Women’s United Soccer Association (WUSA). Mais les salaires des femmes restent drastiquement inférieurs à ceux des hommes. Certaines équipes continuent à lutter contre les discrimination de genre mais aussi contre toutes les discriminations telles les Dégommeuses à Paris qui organisent des tournois mixtes avec des réfugiés persécutés dans leur pays en raison de leur identité de genre.

Cette brève est essentiellement inspirée du livre de M. CORREIA, Une histoire populaire du football, La Découverte, 2018.