Bruxelles en mouvements n°314, octobre 2021.
Voiture « zéro-émission », construction « durable », énergies « renouvelables » : l’époque semble lourde de changements susceptibles de réduire notre empreinte écologique, voire changer notre rapport à l’environnement. À travers quatre cas bruxellois, le dernier numéro du journal d’Inter-Environnement Bruxelles interroge les ressorts et la portée de ces changements toujours plus verts.
Les programmes électoraux et les politiques urbaines sont désormais truffés de références à l’environnement et sa dégradation. Si cela exprime une prise en compte de préoccupations grandissantes au sein de la population, force est de constater que nombre de mesures visant la « durabilité » reposent sur l’occultation des nuisances environnementales qu’elles génèrent.
Ainsi en va-t-il des nombreux projets de démolition-reconstruction que connaît la région bruxelloise, comme ceux prévus par le Plan d’aménagement directeur Midi (lire Arrêter de casser la ville ! Bilan carbone de la démolition-reconstruction vs. rénovation). Justifiée au nom de la performance énergétique des nouveaux bâtiments, qui permet aux promoteurs de maquiller leur quête de profitabilité en poursuite de « durabilité », la démolition de l’existant présente un bilan environnemental souvent désastreux. Et, à ce jour, rien n’impose de calculer l’impact d’une démolition sur l’environnement, alors que de nombreux outils existent.
L’électrification du parc automobile, elle aussi, repose sur des nuisances que les pouvoirs publics n’ont pas cherché à objectiver (lire Feu vert ! Bruxelles trace la route au véhicule électrique). C’est le cas des émissions dites « indirectes », celles induites notamment par l’extraction de métaux rares sur laquelle repose la construction de véhicules électriques. Surdéterminée par l’objectif d’amélioration (locale) de la qualité de l’air, la transition vers l’électrique semble ainsi aveugle à l’aggravation vertigineuse de la pollution des sols et des eaux pourtant pointée par l’Agence européenne pour l’environnement. Autrement dit, de manière assez similaire au développement de l’énergie éolienne (lire Souffle le vert), l’électrification de la mobilité repose sur la délocalisation de la pollution. Sans compter qu’elle augmentera fortement la demande en électricité dont la production repose encore massivement sur l’émission de gaz à effet de serre.
Quant aux « certificats verts », qui encadrent le développement du photovoltaïque à Bruxelles, ils témoignent de la place centrale accordée aux mécanismes marchands dans l’atteinte des objectifs environnementaux (lire Certificats verts : aiguillons d’une transition technologique). Conformément aux doctrines économiques qui appellent à transformer les « problèmes » environnementaux en « opportunités », les politiques publiques appuient ainsi la création de nouveaux marchés, accordant donc un rôle central au secteur privé. Ces politiques traduisent ainsi une vision très consensuelle de la « transition écologique » où les premiers responsables du saccage de l’environnement sont symboliquement constitués en « partenaires ». Est-on bien certain qu’une régulation par le marché soit en mesure d’appuyer les changements substantiels qu’exige la crise environnementale ?
Occultation des nuisances, importance accordée à l’« innovation » technologique et aux mécanismes de marché : les thèmes transversaux de ce Bruxelles en mouvements feront l’objet d’une soirée-débat le 9 novembre prochain où interviendront Daniel Tanuro (ingénieur agronome, auteur notamment de L’impossible capitalisme vert), Romain Gelin (chercheur au Gresea, auteur de Des limites de la transition : pour une décroissance délibérée) et Maria Hanse de la Fédération des services sociaux).